Wright (Frank Lloyd) (suite)
1936 : le second souffle
Le renouveau n’en sera que plus spectaculaire : Wright donne coup sur coup, en 1936, deux œuvres fondamentales de l’architecture moderne — la « Maison sur la cascade » (Kaufmann House, Bear Run, Pennsylvanie) et les laboratoires Johnson (bâtiment administratif, Racine, Wisconsin). C’est autour de l’aménagement spatial de la « Maison sur la cascade » que Bruno Zevi a défini par la suite le concept d’« architecture organique » (illustré en Allemagne par Scharoun*) : les niveaux de terrasses en porte à faux se superposent, en se croisant, au-dessus de la chute d’une cascade. Quant aux laboratoires Johnson, c’est une boîte aveugle, remplie de colonnes-champignons en béton : au sommet, la lumière se diffuse entre les corolles des piliers, à travers un écran de tubes translucides en verre Pyrex (ne dénaturant pas la lumière naturelle). On n’a pas assez dit combien ces deux œuvres, écrites dans un vocabulaire moderne, restaient, après quarante ans, fidèles aux premières « maisons de la prairie » et à l’exceptionnel Larkin Building : leur succès immédiat tint plutôt à un changement d’optique au sein de l’architecture moderne — qui découvrait les insuffisances d’une esthétique puriste et machiniste — qu’à un quelconque retournement chez Wright.
Redevenu illustre, Wright construira encore en 1938 le séjour d’hiver de la colonie artistique qu’il avait fondée à Taliesin West, dans la Paradise Valley, près de Phoenix (Arizona), puis après 1945 toute une série de maisons qu’il appelait « usoniennes » (authentiquement américaines), fondées sur le thème de l’ellipse et de la spirale en plan. Beaucoup de ces œuvres, comme certaines constructions tardives — la synagogue Beth Sholem (Elkins Park, Pennsylvanie, 1959), la Price Tower (Bartlesville, Oklahoma, 1955) —, ne méritaient peut-être pas l’admiration excessive, frisant l’adulation, qu’on leur a portée. On retiendra pourtant dans cette dernière période la très belle chapelle unitarienne de Madison, Wisconsin (1951) — longue construction basse dans l’esprit des maisons de la prairie, mais dynamisée par le grand accent de la toiture qui se relève en éperon — et le célèbre Solomon R. Guggenheim Museum de New York (1943-1959) : ici, le thème de la spirale prend tout son sens, développant cet énorme escargot au centre duquel se creuse une dépression en entonnoir par où plonge la lumière d’une haute verrière — dernière variation, semble-t-il, sur le thème du Larkin Building de 1904. Par ces deux œuvres, Wright refermait puissamment la réflexion d’une vie sur deux thèmes fondamentaux : la continuité interne-externe dans le rapport nature-architecture, la création d’un espace expressif à l’intérieur d’un volume totalement abstrait.
F. L.
ÉCRITS DE WRIGHT. An Autobiogrophy (New York, 1932, nouv. éd., 1943 ; trad. fr. Mon autobiographie, Plon, 1955). / The Future of Architecture (New York, 1953 ; trad. fr. l’Avenir de l’architecture. Vers l’éclatement des villes, Gonthier, 1966).
Ausgeführte Bauten und Entwürfe von Frank Lloyd Wright (Darmsladt, 1910-11 ; 2 vol.). / Frank Lloyd Wright on Architecture (New York, 1941 ; 2e éd., 1959). / H. R. Hitchcock, In the Nature of Materials. The Buildings of Frank Lloyd Wright, 1887-1941 (New York, 1942). / B. Zevi, F. L. Wright (Milan, 1947). / W. M. Moser, Frank Lloyd Wright, sechzig Jahre lebendiger Architektur (Winterthur, 1952). / G. C. Manson, F. L. Wright to 1910. The First Golden Age (New York, 1958). / V. Scully, F. L. Wright (New York, 1960). / The Drawings of Frank Lloyd Wright (New York, 1962). / M. Dezzi Bardeschi, Frank Lloyd Wright (Florence, 1970).