Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Wright (Frank Lloyd) (suite)

1936 : le second souffle

Le renouveau n’en sera que plus spectaculaire : Wright donne coup sur coup, en 1936, deux œuvres fondamentales de l’architecture moderne — la « Maison sur la cascade » (Kaufmann House, Bear Run, Pennsylvanie) et les laboratoires Johnson (bâtiment administratif, Racine, Wisconsin). C’est autour de l’aménagement spatial de la « Maison sur la cascade » que Bruno Zevi a défini par la suite le concept d’« architecture organique » (illustré en Allemagne par Scharoun*) : les niveaux de terrasses en porte à faux se superposent, en se croisant, au-dessus de la chute d’une cascade. Quant aux laboratoires Johnson, c’est une boîte aveugle, remplie de colonnes-champignons en béton : au sommet, la lumière se diffuse entre les corolles des piliers, à travers un écran de tubes translucides en verre Pyrex (ne dénaturant pas la lumière naturelle). On n’a pas assez dit combien ces deux œuvres, écrites dans un vocabulaire moderne, restaient, après quarante ans, fidèles aux premières « maisons de la prairie » et à l’exceptionnel Larkin Building : leur succès immédiat tint plutôt à un changement d’optique au sein de l’architecture moderne — qui découvrait les insuffisances d’une esthétique puriste et machiniste — qu’à un quelconque retournement chez Wright.

Redevenu illustre, Wright construira encore en 1938 le séjour d’hiver de la colonie artistique qu’il avait fondée à Taliesin West, dans la Paradise Valley, près de Phoenix (Arizona), puis après 1945 toute une série de maisons qu’il appelait « usoniennes » (authentiquement américaines), fondées sur le thème de l’ellipse et de la spirale en plan. Beaucoup de ces œuvres, comme certaines constructions tardives — la synagogue Beth Sholem (Elkins Park, Pennsylvanie, 1959), la Price Tower (Bartlesville, Oklahoma, 1955) —, ne méritaient peut-être pas l’admiration excessive, frisant l’adulation, qu’on leur a portée. On retiendra pourtant dans cette dernière période la très belle chapelle unitarienne de Madison, Wisconsin (1951) — longue construction basse dans l’esprit des maisons de la prairie, mais dynamisée par le grand accent de la toiture qui se relève en éperon — et le célèbre Solomon R. Guggenheim Museum de New York (1943-1959) : ici, le thème de la spirale prend tout son sens, développant cet énorme escargot au centre duquel se creuse une dépression en entonnoir par où plonge la lumière d’une haute verrière — dernière variation, semble-t-il, sur le thème du Larkin Building de 1904. Par ces deux œuvres, Wright refermait puissamment la réflexion d’une vie sur deux thèmes fondamentaux : la continuité interne-externe dans le rapport nature-architecture, la création d’un espace expressif à l’intérieur d’un volume totalement abstrait.

F. L.

 ÉCRITS DE WRIGHT. An Autobiogrophy (New York, 1932, nouv. éd., 1943 ; trad. fr. Mon autobiographie, Plon, 1955). / The Future of Architecture (New York, 1953 ; trad. fr. l’Avenir de l’architecture. Vers l’éclatement des villes, Gonthier, 1966).
Ausgeführte Bauten und Entwürfe von Frank Lloyd Wright (Darmsladt, 1910-11 ; 2 vol.). / Frank Lloyd Wright on Architecture (New York, 1941 ; 2e éd., 1959). / H. R. Hitchcock, In the Nature of Materials. The Buildings of Frank Lloyd Wright, 1887-1941 (New York, 1942). / B. Zevi, F. L. Wright (Milan, 1947). / W. M. Moser, Frank Lloyd Wright, sechzig Jahre lebendiger Architektur (Winterthur, 1952). / G. C. Manson, F. L. Wright to 1910. The First Golden Age (New York, 1958). / V. Scully, F. L. Wright (New York, 1960). / The Drawings of Frank Lloyd Wright (New York, 1962). / M. Dezzi Bardeschi, Frank Lloyd Wright (Florence, 1970).

Wright (Richard)

Écrivain américain (Natchez, Mississippi, 1908 - Paris 1960).


Écrivain noir américain, Richard Wright est d’abord un témoin révolté de la condition des Noirs aux États-Unis. Mais c’est aussi un romancier, soucieux de n’être pas seulement un « écrivain noir », conscient que la qualité de l’œuvre est plus importante que la couleur de la peau et la condition sociale. Pourtant, c’est probablement plus comme témoin que comme écrivain qu’il restera dans l’histoire : entre la Case de l’oncle Tom et les Panthères noires du Black Power, qu’il contribua à baptiser, il marque une étape importante de l’histoire des Noirs aux États-Unis, le moment où le mouvement noir se rapproche du socialisme international. Wright lui-même adhéra au parti communiste américain, ce qui, dans le climat de l’après-guerre, lui assura une notoriété internationale.

Témoignage d’abord, son œuvre est pour une bonne part autobiographique. Né dans la misère, près de Natchez, dans le Sud, Wright a été ballotté, comme son contemporain Langston Hughes (1902-1967), de famille en famille. Mais il s’est révolté plus tôt et plus violemment. Il suffit de comparer son autobiographie, son meilleur livre, Black Boy, avec celle de Hughes pour sentir que Wright est d’emblée un militant attaché à une cause, révolté contre les humiliations de la condition noire, qui lui apparaîtra plus tard comme le symbole de la condition prolétarienne. Il quitte le Sud tôt pour chercher du travail à Chicago, où il habite le South Side, quartier de violence raciale, de misère et de vice. Cet univers, il l’évoque avec réalisme dans un premier recueil de nouvelles, Uncle Tom’s Children (les Enfants de l’oncle Tom, 1938), où se retrouvent encore les maladresses d’un autodidacte, mais aussi la passion déjà engagée d’un homme qui a su, par l’effort, s’élever de l’ignorance à la culture. En 1940, il publie un roman brutal, Native Son (Enfant du pays), qui consacre sa notoriété.

L’évolution était sensible. Dans son premier livre, il décrivait la condition des métayers du Sud, de façon encore traditionnellement misérabiliste. Dans le deuxième, il analysait l’aliénation du prolétariat noir de Chicago. L’expérience personnelle était passée par le truchement de l’analyse politique : Wright avait adhéré au parti communiste. Bigger Thomas, le héros de Native Son, ressemble à Studs, le héros de James Thomas Farrell : c’est une victime de son milieu. Ce Noir de Chicago, après une enfance passée dans la rue, devient chauffeur dans une famille blanche bourgeoise de gauche. Il tue accidentellement la fille, se réfugie chez une amie, qui lui conseille de se rendre à la police et qu’il tue, convaincu qu’un Noir ne peut obtenir justice aux États-Unis. Après une poursuite effrénée, Bigger est tué dans la jungle des toits de Chicago, victime d’une société qui a fait de lui le domestique d’une évaporée. Les dernières scènes du livre sont d’une tension pénible qui contribua à rendre Wright célèbre.