Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Baath

En ar. Ḥizb al-Ba‘th al-‘arabi al-ištirākī, parti socialiste de la Résurrection arabe, ou Ba‘th.



La fondation

Le Baath est fondé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par Michel Aflak (né en 1909), un Syrien de religion chrétienne. Aflak s’impose comme le théoricien d’un groupe d’intellectuels et de jeunes officiers appartenant pour la plupart à la petite bourgeoisie. Il se propose de regrouper les États arabes en une seule entité : la nation arabe. Celle-ci sera assez puissante pour lutter contre la domination étrangère et sauvegarder son indépendance. Elle sera assez vaste et disposera d’énormes potentialités pour favoriser la construction du socialisme.


La doctrine

Ces idées, Michel Aflak les développe dans une série d’articles publiés à partir de 1944 et groupés dans un livre, Fī sabīl al-Ba‘th, paru en 1959. Il insiste tout particulièrement sur le rôle de l’islām dans la constitution de l’identité et de la personnalité arabes. Toutefois, malgré son apport au rayonnement du monde arabe, l’islām ne peut plus, dans une société caractérisée par sa diversité religieuse, représenter un facteur d’unité. C’est la raison pour laquelle le Baath prêche la laïcité et insiste sur le nationalisme, qui doit réunir tous les Arabes, quelle que soit leur religion. En effet, pour les bassistes, l’objectif primordial est la constitution d’une nation arabe unie. Afin de réaliser cette unité, le Baath se propose de créer des sections dans les autres pays arabes. C’est à sa demande que la Constitution syrienne de 1950 stipule dans son article premier que « le peuple syrien fait partie de la nation arabe... et attend avec conviction le jour où la nation arabe sera unifiée en un seul État ».

Cet État sera, d’après Michel Aflak, non seulement laïque, mais aussi socialiste. Mais ce socialisme, Aflak le définit par opposition au marxisme, corps étranger issu de la civilisation occidentale et qui risque par conséquent d’annihiler la personnalité arabe. Il rejette la conception matérialiste du marxisme et souligne la profondeur et la richesse des valeurs spirituelles du monde arabe. Ce socialisme doit par ailleurs s’appuyer sur l’individu : Aflak ne préconise pas l’abolition de la propriété privée et se borne tout simplement à la limiter. Toutefois, la constitution d’une nation arabe unie est un impératif fondamental pour l’édification du socialisme, celui-ci ne pouvant s’imposer, d’après les bassistes, que dans le cadre de l’État arabe unitaire.

En dépit du caractère séduisant de cette théorie, le Baath n’a pas d’impact réel sur les masses syriennes et encore moins sur celles des autres pays arabes. En 1963, à son accession au pouvoir, sur une population syrienne de plus de cinq millions d’habitants, le Baath ne compte que quelque quatre cents militants. Mais très vite, il sait adapter sa tactique à la physionomie politique de la Syrie. Dans un pays où l’armée constitue la principale force politique, le Baath s’est intéressé aux jeunes officiers et a fondé sa stratégie sur les coups d’État. La conquête du pouvoir se fera non pas par une révolution populaire, mais par des coups d’État militaires.


Le Baath et l’union syro-égyptienne

Dès 1950, le Baath commence à jouer en Syrie un rôle politique. Interdit en 1952, il est autorisé en 1953 et fusionne avec le parti socialiste arabe d’Akram al-Ḥawrānī. En 1957, le Baath est l’un des artisans de l’union syro-égyptienne. Mais après la constitution, le 1er février 1958, de la République arabe unie (R. A. U.), il refuse d’abdiquer son rôle au profit du « nassérisme » ; il n’accepte pas de renoncer à sa mission et supporte mal sa fusion dans le nouveau parti, « l’Union nationale », créé par Nasser après la proclamation de la République arabe unie. À la fin de 1959, il passe dans la clandestinité. Cependant, après le coup d’État du 28 septembre 1961, qui met fin à l’union syro-égyptienne, le Baath n’est pas encore au centre de la vie politique : il ne le sera qu’avec le coup d’État du 8 mars 1963.


Le Baath au pouvoir

L’unité du parti, maintenue dans la période de lutte pour le pouvoir, se révèle une pure façade une fois cet objectif réalisé. L’idéologie du Baath et les mots d’ordre qui en découlent portent en eux les germes d’une contradiction. Fondée sur le nationalisme arabe et le socialisme, cette idéologie séduit tous les adeptes de l’unité arabe. Mais le mot d’ordre nationaliste, avec tout ce qu’il comporte d’affectivité, fait quelque peu oublier le caractère socialiste du parti pour attirer tous les partisans de la nation arabe. Le résultat, c’est la coexistence, dans un même cadre politique, de militants dont le seul objectif commun est la constitution de l’État arabe unitaire.

Deux tendances se précisent au sein du Baath. La première, groupée autour de Michel Aflak et des autres membres fondateurs du parti, prêche la modération. La seconde, appuyée sur de jeunes officiers d’origine modeste ayant accédé aux hautes responsabilités à la faveur des purges successives qui ont touché l’armée syrienne, est beaucoup plus radicale.


La lutte des deux tendances

Jusqu’en décembre 1964, la première tendance paraît l’emporter. Mais, dès la fin de la même année, l’influence de la seconde commence à se faire sentir. C’est probablement sous sa pression que le cabinet Amīn al-Ḥāfiẓ, constitué en octobre 1964, décrète la nationalisation des ressources pétrolières et minérales (déc. 1964), celle d’une centaine de sociétés industrielles et commerciales (janv. 1965) et celle de toutes les sociétés de raffinage et de distribution de pétrole en Syrie (mars 1965).

Il se crée alors au sein du Baath deux instances rivales : le commandement national (interarabe), détenu par les éléments anciens et modérés, et le commandement régional (de la fraction syrienne du Baath), dirigé par des éléments durs issus essentiellement de l’armée. En septembre 1965, c’est à l’un de ces derniers, Yūsuf Zuwayyin, qu’est confiée la formation du gouvernement syrien. Trois mois plus tard, le commandement national réagit vigoureusement, prononce la dissolution du commandement régional, remplace les militaires par des bassistes civils et modérés, et désigne Ṣalāḥ al-Bīṭār, l’un des fondateurs du Baath, pour former un nouveau cabinet. Mais, dépourvus d’assises populaires, les civils ne peuvent pas l’emporter sur les militaires.