Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Weimar (république de) (suite)

Dès ce moment, les communistes apparaissent vouloir jouer la politique du pire et sont aussi sévères pour les traîtres du SPD que pour la droite. Plus tard, cette attitude facilitera la prise du pouvoir par les nazis. En même temps se développent autour des divers partis allemands de véritables formations paramilitaires : Front rouge (Rote Front) communiste, Bannière d’Empire Noir-Rouge-Or (Reichsbanner Schwarz-Rot-Gold), Casque d’acier (Stahlhelm) de la droite, sans compter les organisations nazies.

Enfin, le gouvernement mène incontestablement une politique nationaliste. Sans doute la période 1924-1929 offre-t-elle une détente internationale, mais la diplomatie allemande, que Stresemann dirige jusqu’à sa mort en 1929, n’en garde pas moins un caractère entreprenant. Le Reich cherche à développer sa pression économique dans les pays de l’Europe centrale et à reconstituer une Mitteleuropa en s’appuyant sur le dynamisme des Konzern reconstitués et parfois renforcés, tel l’I. G. Farben, qui devient pour un temps le plus grand trust du Reich.


Le plan Dawes, Stresemann et la diplomatie allemande

Le plan Dawes, parachevé à la conférence de Londres (16 juill. - 16 août 1924), a rendu à l’Allemagne une grande possibilité d’action. Le Reich ne doit plus verser que de 1 à 2,5 milliards de mark-or chaque année, fournis essentiellement par des impôts indirects, des taxes sur les transports et des fonds procurés par l’industrie. Le président de la Reichsbank, Hjalmar Schacht, favorise un expansionnisme économique dans le cadre de ce qu’il appelle, dès 1924, la « collaboration européenne ».

En même temps, Stresemann veut rendre à l’Allemagne, par la voie de la négociation, la place qu’elle occupait avant 1913. Puisqu’une politique de force est impossible, il préconise la diplomatie. Il cherche à obtenir pour son pays l’égalité des droits (Gleichberechtigung). En outre, tout en proclamant son désir de respecter les traités, il agit indirectement pour faciliter l’agitation dans des territoires anciennement allemands. Profitant des maladresses françaises en Alsace, il couvre et aide les autonomistes séparatistes en Alsace.

En même temps, il engage une longue négociation de rapprochement avec les Occidentaux — Français et Anglais — tout en profitant de leurs dissensions. Du 5 au 16 octobre 1925 se tient à Locarno une conférence qui réunit, avec les représentants de l’Allemagne, ceux de la Grande-Bretagne, de la France, de la Belgique, de l’Italie, de la Pologne et de la Tchécoslovaquie.

C’est en fait la renonciation solennelle de l’Allemagne à l’Alsace-Lorraine, renonciation garantie par l’Italie et la Grande-Bretagne. En outre, la France, la Belgique et l’Allemagne s’engagent à ne se livrer de part et d’autre à aucune attaque ou agression et à ne recourir en aucun cas à la guerre. Enfin, quatre traités d’arbitrage sont signés par l’Allemagne avec la France, la Belgique, la Pologne et la Tchécoslovaquie. L’Allemagne promet de ne pas modifier par la force ses frontières orientales. Par ailleurs, elle sera admise à la Société des Nations. Si elle s’engage à l’Ouest, elle ne renonce à aucune de ses revendications à l’Est. Stresemann et le gouvernement allemand se refuseront à conclure un Locarno oriental.

Cette politique d’expansion pacifique n’est pas aussi scandaleuse qu’on a voulu le dire : l’Autriche-croupion, telle qu’elle résulte du traité de Versailles, a des difficultés à vivre et souhaite devenir allemande. Quant au corridor polonais, il est peuplé de populations en grande partie allemandes. Les Sudètes*, enfin, connaissent de la part des Tchèques une discrimination fâcheuse.

Cette politique est-elle antisoviétique, comme l’a dit Ernst Thälmann, chef du KPD ? On ne saurait l’affirmer. Le 24 avril 1926 est signé à Berlin un traité germano-soviétique confirmant Rapallo et qui est aussi un pacte de non-agression et de mutuelle neutralité en cas de conflit avec une tierce puissance. En même temps, l’Allemagne s’engage, quand elle sera à la S. D. N., à s’opposer à toute tendance hostile à l’U. R. S. S. Elle sort peu à peu de son isolement et liquide une bonne part des clauses du traité de Versailles. C’est ainsi que le désarmement allemand, quoique réel, est loin d’être total.


L’essor économique et culturel

En ces années 1927-28, l’Allemagne connaît un très grand essor, fondé sur la rationalisation, la politique scientifique, la concentration des entreprises et une recherche certaine de l’intégration sociale. En même temps, la vie intellectuelle se développe intensément.

On cherche à renforcer les liens entre industrie et recherche. Une véritable fringale de recherche s’empare des Allemands, qui font financer par l’industrie les travaux scientifiques appliqués comme les travaux fondamentaux. Les laboratoires permettent à l’Allemagne de gagner ce que l’on a appelé la « bataille des brevets ». Industrie de l’azote, essence synthétique, rayonne, cinéma parlant, tout cela sort des laboratoires et des usines allemands. Hauts fourneaux à rendement considérable, industrie électrique font de l’industrie allemande l’une des premières du monde par la quantité et aussi par la qualité. L’Allemagne reçoit huit prix Nobel scientifiques sur les vingt-sept qui sont attribués de 1919 à 1927.

La concentration des entreprises est un autre moteur de cet essor. Elle atteint aussi bien les banques que la sidérurgie et l’industrie chimique. 900 entreprises occupent plus de 1 000 ouvriers et groupent ensemble 2 500 000 salariés.

Tout cela entraîne un essor considérable. En 1929, l’Allemagne produit autant d’acier que la France et la Grande-Bretagne réunies.

C’est le temps où la culture allemande atteint un de ses plus hauts niveaux. Au Bauhaus* se forge l’urbanisme moderne du xxe s., tandis que le cinéma allemand progresse et prend, au moins qualitativement, la première place avec des auteurs comme Fritz Lang*, Murnau* ou Josef von Sternberg*, auteur de l’Ange bleu. C’est le temps aussi où Einstein*, Heisenberg*, Max Born mettent la physique allemande à la pointe de la science mondiale, tandis que Heidegger* et Husserl* élaborent leur pensée.

On voit aussi se développer l’idée d’intégration de la classe ouvrière dans la société, idée qui s’explique dans une large mesure par les modifications de structure de l’industrie allemande.