Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vô Nguyên Giap

Général et homme politique vietnamien (An Xa, province de Quang Binh, 1911).


Après avoir entamé en 1924 des études secondaires au collège national de Huê, il s’inscrit dès 1926 au Tân Viêt Cach Menh Dang (parti révolutionnaire du nouveau Viêt-nam). En 1930, mêlé aux troubles qui suivirent les rebellions de Yên Bay et de l’Annam central, il est arrêté et condamné à trois ans de prison, mais il aurait été relâché avant la fin de sa peine. De toute façon, en 1933, il poursuit ses études secondaires à Hanoi, au lycée Albert-Sarraut, où il obtient son baccalauréat. Il entre ensuite à l’université pour étudier le droit ; il gagne sa vie en donnant des leçons d’histoire dans une école privée et milite au Front démocratique indochinois avant de s’inscrire, en 1937, au parti communiste indochinois (P. C. I.) créé en 1930, mais autorisé seulement en 1936. Il loge pendant ce temps chez le professeur Dang Thai Mai. Il collabore alors à plusieurs journaux, dont le Nhan Dan (le Peuple) et aurait connu Pham Van Dông à cette occasion.

En 1939, le parti communiste indochinois est interdit. Vô Nguyên Giap quitte Hanoi, laisse sa femme à Vinh et se rend en Chine, à Yan’an (Yen-ngan), où il aurait reçu un entraînement militaire. En novembre 1940, il serait retourné au Tonkin et aurait pris part aux troubles de la région de Thai Nguyên. Cependant, certaines sources placent à ce moment un voyage de quelques mois à Moscou. Quoi qu’il en soit, Vô Nguyên Giap participe en mai 1941, en Chine, dans le Guangxi (Kouang-si), à la réunion du Comité central du P. C. I., où est créé le Front de l’indépendance du Viêt-nam (Viêt-minh). Il y rencontre Hô Chi Minh, qui le charge d’organiser des guérillas dans le nord du Tonkin, et entre alors au Comité central. À peu près à la même époque, sa femme, Nguyên Thi Minh Khai, qui assurait des liaisons entre les mouvements révolutionnaires, est arrêtée à Vinh et condamnée à quinze ans de travaux forcés par la cour martiale de Hanoi. Elle mourra en détention en 1942 ou en 1943.

Pour accomplir la mission qui lui avait été confiée, Vô Nguyên Giap entreprend une campagne de persuasion parmi les minorités ethniques de la haute région, obtenant en particulier l’appui de Chu Van Tan, un chef thô, devenu par la suite dirigeant important du régime de Hanoi. Ce n’est, cependant, qu’en octobre 1944 qu’apparaît, dans le cadre d’une brigade de propagande armée pour la libération du Viêt-nam, la première unité régulière viêt-minh, prototype de la future armée populaire vietnamienne. Le 22 décembre marque la naissance officielle de cette brigade, qui entre en action durant l’hiver de 1944-45, attaquant deux postes frontières français dont les garnisons sont massacrées.

Le général Giap, qui a tiré parti du coup de force japonais du 9 mars 1945 pour étendre la zone contrôlée par ses guérillas, profite de la capitulation japonaise pour entrer le 25 août à Hanoi. Le 2 septembre 1945, il est un des signataires de la déclaration d’indépendance de la république démocratique du Viêt-nam et entre au Gouvernement provisoire comme ministre de l’Intérieur. Il ne se désintéresse cependant pas des questions militaires et devient en mars 1946 président du Conseil suprême de la Défense nationale. Il épouse la fille du professeur Dang Thai Mai. Durant l’été, il remplace Hô Chi Minh, parti négocier à Fontainebleau, et en profite pour éliminer les nationalistes anticommunistes. Opposé à l’accord conclu en septembre avec la France, il parvient à persuader Hô Chi Minh qu’un coup de force est indispensable pour venir à bout des objections françaises. Le 3 novembre, un nouveau gouvernement est formé, dans lequel Giap prend la Défense nationale. Le 19 décembre, celui-ci passe à l’action, mais ses troupes sont durement éprouvées à Hanoi par les chars du général Leclerc*. C’est sans doute pourquoi il doit abandonner peu après le ministère de la Défense nationale, tout en conservant le commandement en chef de l’armée populaire vietnamienne, mais, en 1947, il redevient ministre de la Défense. Pendant quatre ans, il se maintient sur la défensive, forgeant des unités régulières, qui bénéficieront d’une aide accrue dès qu’en 1949 les armées communistes de Mao Zedong (Mao Tsö-tong) auront achevé de contrôler la Chine. En octobre 1950, ses forces régulières sont lancées sur les positions françaises le long de la frontière chinoise, notamment à Cao Bang, qu’elles enlèvent ; mais elles subissent en 1951 à Vinh Yên, au Dong Trieu et à Ninh Binh des pertes qu’il faudra deux ans pour combler. Cependant, la persévérance du général Giap et de ses troupes, l’aide chinoise et la lassitude française aboutiront en mai 1954 à la bataille décisive de Diên Biên Phu.

Le 20 septembre 1955, une réorganisation du gouvernement de Hanoi permet à Vô Nguyên Giap, qui conserve le ministère de la Défense nationale, de devenir vice-président du Conseil. En 1958, Giap est membre du Bureau politique. En 1959, il publie son livre Guerre du peuple, armée du peuple, dans lequel il expose sa doctrine militaire, sa tactique et ses méthodes de propagande. Sans renier l’autorité de Mao Zedong, il professe que les guerres populaires peuvent être raccourcies par des batailles décisives menées parallèlement à des insurrections générales. On lui attribue d’ailleurs généralement la responsabilité des offensives du Têt (fin janvier 1968), de Pâques 1972 et du printemps 1975 au Viêt-nam du Sud.

Le général Giap, après une éclipse de plus de six mois due sans doute à des ennuis de santé, réapparaît en mai 1974 à Hanoi à la célébration du vingtième anniversaire de Diên Biên Phu. En mai 1975, il se rend à Saigon après la chute de la ville. Conjointement avec le général Van Tien Dong, chef d’état-major général de l’armée populaire vietnamienne, il signe un long article paru du 5 au 16 juillet 1975 dans le Saigon Giai Phong et intitulé : la Grande victoire de l’offensive générale et du soulèvement populaire du printemps 1975.

Le général Giap est membre du bureau politique du parti Lao Dông, secrétaire du comité des affaires militaires du parti, vice-Premier ministre, ministre de la Défense nationale, membre du conseil de la Défense nationale et commandant en chef de l’armée populaire vietnamienne.

P. B.

➙ Indochine / Viêt-nam.

 G. Le Quanq, Giap ou la Guerre du peuple (Denoël, 1973).