Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

axiomatique (méthode) (suite)

Les mathématiciens créateurs de l’axiomatique

David Hilbert, mathématicien allemand (Königsberg 1862 - Göttingen 1943). V. l’article.

Giuseppe Peano, logicien et mathématicien italien (Cuneo 1858 - Turin 1932). Professeur à l’académie militaire de Turin, il découvre, en 1890, la courbe de Peano, qui remplit tout l’intérieur d’un carré. Cette découverte a conduit à l’approfondissement des notions de continuité et de dimension. Son Formulaire mathématique (1895), dont les quatre premières éditions sont en français et la cinquième (1908) en latin sans flexion, utilise des notations de logique qui ont déconcerté ses contemporains. Ses axiomes de définition de l’ensemble des nombres entiers naturels (1889) sont avec le formulaire une des premières manifestations de l’axiomatique moderne. Parmi ses œuvres principales, on peut citer : Applicazioni geometriche del calcolo infinitesimale (1887), Arithmetices principia, nova methodo exposita (1889), Lezioni di analisi infinitesimale (1893).


Exemples de définitions axiomatiques


Ensembles peaniens

Les axiomes de Giuseppe Peano définissent toute une classe d’ensembles, dont l’ensemble ℕ des entiers naturels n’est qu’un exemple. Un ensemble E est dit peanien si l’on peut y définir une application f qui, à tout x de E, associe son successeur x+ = f(x), unique et satisfaisant aux axiomes suivants :
a) si deux éléments x et y de E ont même successeur, x+ = y+, alors x = y ;
b) il existe un élément z de E qui n’est le successeur d’aucun élément de E ; l’équation x+ = z n’a donc pas de solution dans E ;
c) si un ensemble F qui contient z est tel que, dès qu’il contient un élément x de E, il contient son successeur x+, il contient E tout entier.

Ces axiomes peuvent paraître étranges, mais si l’on songe à ℕ (qui fait l’objet d’une étude particulière), on voit que z est le zéro, 0, que 0+ = 1, 1+ = 2, etc., et que, si x + 1 = y + 1, x = y. Le troisième axiome est moins évident à reconnaître : il justifie le raisonnement par récurrence, qui affirme qu’une propriété Pn, qui dépend d’un entier n, est vraie quel que soit n si elle est vraie pour n+ = n + 1, dès qu’elle est vraie pour n et si elle est vraie pour n = 0.

On montre que les trois axiomes sont indépendants, c’est-à-dire qu’on peut trouver au moins un ensemble A vérifiant deux de ces axiomes, sans vérifier le troisième. Ainsi, dans A = {0, 1, 2}, où la fonction f est définie par f(x) = x+, avec 0+ = 1, 1+ = 2 et 2+ = 1, l’équation x+ = 0 n’a pas de solution ; tout ensemble F vérifiant l’axiome c contient 0, 1 = 0+ et 2 = 1+ ; cependant, le premier axiome de Peano n’est pas vérifié puisque 0 et 2 ont le même successeur. Cet axiome est donc indépendant des deux autres.


Axiomatique de Hilbert

En 1898, le mathématicien allemand David Hilbert donna une liste de vingt-sept axiomes qui permet une construction logique de la géométrie euclidienne, c’est-à-dire de la géométrie du monde qui nous entoure. Les noms utilisés sont donc ceux que nous connaissons : point, droite, plan, etc. Mais ces noms n’ont aucune importance. Ce qui importe, c’est le système des axiomes qui régissent les êtres ainsi nommés, et qui permet un développement logique d’une théorie dont une image est la géométrie euclidienne.
1. Par deux points distincts passe au moins une droite.
2. Cette droite est unique.
3. Par trois points non alignés passe au moins un plan.
4. Ce plan est unique.
5. Si une droite a deux points distincts dans un plan, elle y est contenue tout entière.
6. Deux plans ayant un point commun ont au moins deux points distincts en commun.
7. L’espace contient au moins quatre points non coplanaires.
8. Tout plan contient au moins trois points non alignés.
9. Toute droite contient au moins deux points distincts.
10. Si les points A, B et C sont alignés et si B est entre A et C, B est entre C et A.
11. Si les points A et B sont distincts, il existe au moins deux points C et D tels que C soit entre A et B et B entre A et D.
12. Si les trois points distincts A, B et C sont alignés, il en existe un et un seul qui soit entre les deux autres.
13. Si on se donne quatre points, on peut toujours les nommer A, B, C et D, de façon que B soit entre C et D et que C soit entre A et B et entre A et D.
14. Si les trois points A, B et C ne sont pas alignés et si une droite D de leur plan coupe AB entre A et B, alors D coupe nécessairement AC entre A et C ou BC entre B et C.
15. Dans le plan déterminé par une droite D et un point A extérieur à cette droite, on peut mener par A une droite Δ ne coupant pas D et une seule (postulat d’Euclide).
16. Dans l’ensemble des couples de points de l’espace, on peut définir une relation notée (A, B) = (C, D) telle que (A, B) = (A, B) ; on dit que AB et CD ont même mesure.
17. Pour tout couple (A, B), on a (A, B) = (B, A).
18. Les relations (A, B) = (C, D) et (C, D) = (E, F) entraînent la relation (A, B) = (E, F).
19. Une demi-droite d’origine O étant définie à partir de O et d’un autre point A comme l’ensemble des points M, tels que M soit entre O et A ou que A soit entre O et M, il existe, pour un couple (C, D), un point B de la demi-droite tel que (O, B) = (C, D).
20. Si B est entre A et C et si B′ est entre A′ et C′, les relations (A, B) = (A′, B′) et (B, C) = (B′, C′) entraînent la relation (A, C) = (A′, C′), que les droites ABC et A′B′C′ soient distinctes ou non.
21. Dans l’ensemble des couples (dδ) de demi-droites de même origine ou angles, on peut définir une relation notée (dδ) = (d′, δ′) telle que (dδ) = (dδ′).
22. Pour tout angle (dδ), on a (dδ) = (δd).
23. Les relations (dδ) = (d′, δ′) et (d′, δ′) = (d″, δ″) entraînent la relation (dδ) = (d″, δ″).
24. Si (dδ) est un angle et d′ une demi-droite d’un plan P, dans le demi-plan défini par la droite D′ qui porte d′ et par un point M de P non situé sur D′, il existe une demi-droite unique δ′ de même origine que d′ et telle que (dδ) = (d′, δ′). [Le demi-plan défini par D′ et M est l’ensemble des points de D′ et de ceux des demi-droites dont l’origine est sur D′ et qui passent par M.]
25. Si
(A, B) = (A′, B′),
(A, C) = (A′, C′)
et
(AB, AC) = (A′B′, A′C′),
alors
(BC, BA) = (B′C′, B′A′)
et
(CA, CB) = (C′A′, C′B′).
26. Si A1 est entre A et B, A1 entre A et A2, A2 entre A1 et A3, A3 entre A2 et A4, etc.,
et si
(A, A1) = (A1, A2) = (A2, A3) = ...,
il existe un entier n tel que B soit entre A et An ; c’est l’axiome d’Archimède.
27. Il est impossible d’ajouter de nouveaux points, droites ou plans à l’espace.