Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vipère (suite)

Les Vipéridés sont connus depuis l’Oligocène d’Europe. On pense qu’ils proviennent de Couleuvres, et qu’ils ont évolué parallèlement aux Élapidés (v. cobra) en acquérant la fonction venimeuse. À côté des deux tribus que nous avons déjà citées, Vipérines ou Vipères vraies et Crotalinés ou Vipères à fossettes, se situe une troisième tribu, celle des Atractaspinés, ou Vipères fouisseuses, que certains rangent dans les Colubridés : elles ont un aspect de Vipère, avec une queue courte et des crochets antérieurs canaliculés, mais les plaques ventrales sont de grande taille, comme celles des Couleuvres.

Les principaux genres de Vipérines sont les Atheris, Vipères arboricoles à queue prenante, les Causus, Vipères nocturnes, les Echis, Vipères des sables, et trois genres plus importants, qui sont les Bitis, Vipères heurtantes, les Cerastes, Vipères à cornes, et les Vipera. Les espèces du genre Bitis sont très venimeuses et vivent en Afrique, soit dans la forêt (B. gabonica, B. nasicornis), soit dans la savane (B. lachesis). La Vipère à cornes (Cerastes cerastes) doit son nom à ses écailles sus-oculaires dressées ; elle vit dans les régions désertiques. On connaît une dizaine d’espèces de Vipera, représentées en Europe, en Afrique du Nord ou en Asie proche-orientale. En France vivent l’Aspic (V. aspis), la Péliade (V. berus) et la Vipère d’Ursini (V. Ursini). En Inde se rencontre la Vipère de Russell, la plus grande (1,50 m) et la plus venimeuse des Vipères.

Les Crotalinés comportent deux genres asiatiques : Agkistrodon, également présent aux États-Unis et au Mexique, et Trimeresurus, d’Extrême-Orient, avec des espèces arboricoles et terrestres. Parmi les espèces américaines citons le Fer de lance (Bothrops atrox, de l’Amérique centrale, qui dépasse 2 m), le Maître de la brousse (Lachesis muta, d’Amérique du Sud, qui atteint 4 m et est l’un des Serpents les plus dangereux avec le Cobra royal) et les Serpents à sonnettes (genres Crotalus et Sistrurus), qui doivent leur nom à l’existence au bout de la queue d’un organe sonore ou bruiteur constitué par un certain nombre de segments cornés emboîtés les uns dans les autres.

R. B.

➙ Cobra / Serpents / Venin.

 A. Bellairs, The Life of Reptiles (Londres, 1969, 2 vol. ; trad. fr. les Reptiles, Bordas, 1972). / J. Guibé, « Systématique des Reptiles actuels », dans Traité de zoologie sous la dir. de P.-P. Grassé, t. XIV, fasc. 3 (Masson, 1970). / S. Lécuru-Renous et R. Platel, la Vipère aspic (Doin, 1970).

Virgile

En lat. Publius Vergilius (ou Virgilius) Maro, poète latin du ier s. av. J.-C.



Introduction

Avec une œuvre exclusivement poétique et relativement peu étendue, Virgile n’a cessé d’exercer une influence profonde sur la poésie et la culture européennes pendant toute l’Antiquité, mais aussi bien aux Temps modernes de Dante à Valéry. Père de l’Occident, a-t-on dit quelquefois. Chez nous, sa présence est particulièrement sensible dans l’œuvre de Ronsard, de Racine, de Rousseau, de Hugo ; mais il ne faudrait oublier ni Watteau ni Poussin.

L’Antiquité, se départant ici de son indifférence habituelle, nous a transmis un certain nombre de Vies de Virgile ; d’autre part, commentateurs, grammairiens, sensibles, dirait-on, à l’impression d’une proximité personnelle manifestée au travers de l’œuvre, expliquent volontiers par des circonstances biographiques la composition ou tel détail des poèmes. Il n’est pas facile d’utiliser ces documents, qui, dans leur formule actuelle, ne sont pas antérieurs au ive s. : beaucoup de traits paraissent avoir été inventés ; une bonne part de ceux-là même qui inspireraient confiance peuvent être nés d’une interprétation contestable des poèmes. Pourtant, au travers de l’ensemble, on croit discerner les linéaments d’une Vie qui remonterait à Suétone*, le biographe des Césars ; certaines indications particulièrement précises sur les événements qui bouleversèrent la Cisalpine au cours des années mêmes où furent écrites les Bucoliques (42-38 av. J.-C.) pourraient provenir des Histoires de Caius Asinius Pollio (Pollion), un contemporain.


L’expérience de la campagne

Virgile est né dans la civitas de Mantoue ; la date traditionnelle de 70 av. J.-C. répond assez bien à ce que nous entrevoyons des rapports du poète avec ses contemporains. Provient-elle de son épitaphe, comme on l’a supposé ? Elle a pu tout aussi bien être élaborée à partir de ces synchronismes que les Anciens aimaient à instituer à l’intérieur de leurs traditions.

Les Vies attribuent à Virgile une origine rurale (et non citadine) qui s’accorderait en effet au caractère de sa poésie. On a essayé de localiser un peu précisément le village ou le domaine dans lequel le jeune homme aurait grandi. Une tradition qui remonte à l’Antiquité désigne Andes (auj. Pietole), à 5 km au sud-est de Mantoue ; mais, si le poète, comme il semble, a mis quelque chose de son histoire personnelle dans le scénario des Bucoliques I et IX, il faut chercher ailleurs, en un horizon moins uniformément plat. Plusieurs indices concordants désigneraient plutôt un pays de collines à une vingtaine de kilomètres au nord de Mantoue, près de l’endroit où l’antique via Postumia franchissait le Mincio ; on a retrouvé sur la rive droite et à partir de Crémone des traces de lotissements qui pourraient remonter à l’époque où les bergers des Bucoliques, Virgile lui-même sans doute, furent menacés dans leurs biens.

Sur la famille du poète, le nom de Maro nous apprend peut-être quelque chose. Les Étrusques, au temps de leur indépendance, avaient des magistrats appelés marones, et ce titre s’était fixé comme cognomen dans certaines familles. On a noté que, par la suite, Virgile fut l’ami de Mécène, issu, à n’en pas douter, d’une famille toscane ; il a, dans l’Énéide, fait aux Etrusques une place beaucoup plus grande qu’aucun de ceux qui avaient avant lui raconté la légende d’Énée. Cette fidélité au souvenir d’un passé devenu alors bien lointain suggère un certain niveau de culture. Précisément, Donat et Servius donnent à la mère de Virgile le nom de Magia, et, à en juger cette fois par l’épigraphie, une famille de Magii semble avoir tenu quelque place dans Crémone. On supposera donc que, lorsque biographes et commentateurs insistent sur l’obscurité des origines du poète, c’est qu’ils ont voulu le voir à travers les petites gens qu’il met en scène dans les Bucoliques. Pourtant, leurs suggestions peuvent n’être pas entièrement fallacieuses : il est notable que rien, dans l’œuvre de Virgile ni dans les gloses qui s’y rapportent, ne fasse état, pour quelque moment de sa vie, d’ambitions politiques, d’une formation à l’éloquence recherchée auprès d’orateurs en vue, du souci d’une carrière à engager dans l’entourage d’un des puissants du jour.