Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vétérinaire (art) (suite)

Dans l’Antiquité gréco-romaine, Hippocrate* ne s’intéresse que fort peu à la médecine animale. Quant à Aristote, dans De l’histoire des animaux, il fait de justes considérations sur les coliques et les hernies inguinales du Cheval, la morve de l’Âne, la pneumonie et les luxations du Bœuf, le tournis du Mouton, la ladrerie et la dysenterie du Porc, la rage du Chien : il connaît l’hémostase et la cautérisation, le traitement des fistules recto-vaginales, la castration des Mammifères et des Oiseaux, l’usure des dents et les signes de l’âge. On pense qu’un de ses livres sur la pathologie du bétail aurait été perdu.

Les maîtres de l’école d’Alexandrie n’apportent pas une contribution notable à la connaissance des maladies des animaux, malgré Hérophile, anatomiste et clinicien, Érasistrate, physiologiste et anatomo-pathologiste, qui tous deux étudient aux iv-iiie s. av. J.-C. l’animal, mais ne portent pas leur attention sur ses maladies. Il faut encore citer Babos Demokritos (env. 200 ans av. J.-C.), à la fois médecin, vétérinaire, agronome, alchimiste, astrologue et magicien. Mais, en conclusion, la révolution hippocratique n’apporte pas à la médecine vétérinaire les mêmes transformations qu’à la médecine de l’Homme.

Cependant, des professionnels spécialisés dans les soins à donner aux animaux existent en Grèce comme au Moyen-Orient, le même prêtre soignant les humains et les animaux. Il en est de même aux armées. Il y a ainsi confusion entre les médecins, urbains et ruraux, et les hippiatres.

L’incendie de la grande bibliothèque d’Alexandrie a sans doute détruit des documents qui nous auraient mieux renseignés sur l’art vétérinaire de l’Antiquité.

Les premiers documents un peu précis concernant les épizooties sont fournis par la Bible ; plusieurs des fléaux que Yahvé envoie aux Égyptiens, coupables de retenir le peuple d’Israël, atteignent les animaux (cinquième plaie d’Égypte). Au xiiie s. av. J.-C., selon Homère, une peste aurait atteint d’abord les Chiens, puis les Chevaux et les Mulets, et enfin les Hommes.

Plutarque mentionne, ainsi que Tite-Live et d’autres auteurs, des pestes communes à l’Homme et aux animaux. Les armées romaine et carthaginoise, en Sicile, sont décimées par une maladie que le poète Silius Italicus décrit exactement comme une invasion septicémique atteignant d’abord les Chiens, puis les Oiseaux, les bestiaux et les Hommes. Thucydide fait des descriptions identiques : frissons et fièvre intense, sécheresse des muqueuses, haleine brûlante, localisations pulmonaires se terminant par le marasme et la mort.

On peut en outre citer les références de Virgile qui permettent de reconnaître la péripneumonie du Bœuf, la fièvre typhoïde du Cheval, la clavelée du Mouton. Columelle parle d’une peste des Chèvres qui n’est ni la clavelée ni le charbon et décime ou détruit le troupeau ; il faut remarquer qu’alors on tue les malades pour enrayer la contagion. Par contre, cet auteur décrit des affections qui ne correspondent à aucune des maladies actuelles.

Un peu plus tard, la peste bovine, parfaitement identifiable, sera de façon durable la cause de graves épizooties, et l’humanité subira, pendant des siècles et avec la même résignation, les mêmes maux.

Peu avant l’ère chrétienne, des esclaves, attachés à la surveillance des troupeaux, qu’ils connaissent bien, font de précieuses observations, traitent les animaux malades et pratiquent de cette manière ce qui devient un art, mais reste élémentaire.

Les progrès sont très lents. La médecine animale, bien que se libérant peu à peu de toute influence surnaturelle, reste aléatoire. La profession médicale, écrit Pline, est peu conforme à la dignité romaine. Galien* (v. 131 - v. 201), qui marque l’apogée de la médecine humaine, n’apporte rien à la médecine animale, en dépit des dissections qu’il pratique sur de nombreux animaux.

C’est au xe s. que paraît à Byzance un ouvrage magistral sur l’élevage et la médecine du bétail : Hippiatrika, rédigé par des hippiatres byzantins. Les articles traitent de divers sujets en se rapportant particulièrement au Cheval : maladies générales (morve, gourme, fourbure, fièvres) ou locales (fractures), études sur les indications et les modalités de la saignée, considérations sur les boissons et les onguents. L’ouvrage compile des auteurs du ive s. : Hieroklês, vétérinaire praticien, expose avec compétence non seulement les maladies du Cheval, mais aussi ce qui se rapporte à l’élevage, à l’hygiène, au choix et à l’utilisation de cet animal, en recommandant d’observer avec attention les symptômes des maladies ; Theomnêstos, qui accompagne l’empereur d’Orient Licinius Licinianus, traite de la dysenterie, des plaies de harnachement, des maladies du Chien, et décrit même les signes du tétanos ; Apsyrtos, vétérinaire en chef de l’armée de Constantin le Grand, fera ensuite figure de chef d’école en exerçant son art à Prousa et à Nicomédie.

Bien que de lecture difficile en raison de son plan peu cohérent, Hippiatrika contient, en le condensant, tout ce qui était connu dans l’Antiquité en médecine vétérinaire. Si le Cheval y tient la plus grande place, avec une description de ses maladies organiques analogues à celles du temps présent, les maladies du bétail ne sont pas ignorées, non plus que quelques maladies du Chien. La chirurgie y apparaît plus évoluée que la médecine, et les grandes contagions sont longuement traitées. Ultérieurement, deux manuels de compilation combleront quelques lacunes de ce grand livre.

Un système de soins aux animaux a dû exister dès le début du Moyen Âge, fixant les attributions et les tarifs, les garanties dans les échanges et les louages, puis apparut la corporation de la « mareschalerie », sans que soit produite de publication sur la médecine animale, et cela jusqu’au xiie s. L’Église a pour les bêtes le mépris de Platon, leur niant une âme.

De leur côté, les Arabes transmettent les connaissances de l’Antiquité portant surtout sur le Cheval, qui, seul, les intéresse : la médecine du Cheval connaît, grâce à eux, une des périodes les plus brillantes de son histoire.