Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vaud (suite)

L’accroissement de la population du canton a été supérieur à 150 p. 100 entre 1850 et 1972 (199 000 hab. en 1850). La natalité est tombée à 13,4 p. 1 000, mais dépasse encore la mortalité, qui est de 9,4 p. 1 000. La population employée dans l’industrie et le commerce dépasse 200 000 unités. L’industrie est le fait des villes (horlogerie, mécanique de précision, équipement, industries alimentaires), notamment de la capitale.

L’économie repose aujourd’hui également sur le tourisme. Celui-ci attire une clientèle surtout étrangère. Ainsi, en 1972, sur 3,6 millions de nuitées, 2,4 millions (les deux tiers) revenaient aux étrangers. Il s’agit pour l’essentiel d’un tourisme culturel et de passage.

F. R.


L’histoire

Vers l’an 500 av. J.-C., les Helvètes s’établirent dans la région, après avoir chassé les premiers habitants ; eux-mêmes résistèrent longtemps à l’envahisseur romain. Battus plusieurs fois, ils tentèrent une émigration dans la Gaule (région d’Autun-Bibracte), où Jules César les décima et les força à entrer dans leur ancien domicile au bord du lac Léman. Après 58 av. J.-C., Rome était définitivement maîtresse du pays de l’Helvétie, dont Aventicum (Avenches) devint la capitale. Alors commença une ère de prospérité pour toute la région : des forêts furent abattues, des routes se construisirent, des villes sortirent de terre.

Sous les empereurs Vespasien et Titus, Aventicum fut embellie et élargie ; ses remparts étaient à cette époque dix fois plus étendus qu’aujourd’hui. Une voie romaine venant des Alpes allait à Vevey, d’où un embranchement longeait le lac, tandis qu’une autre allait, par Orbe, rejoindre la voie de Genève au lac de Constance. L’agriculture fut développée ; on créa partout des vignobles.

Au ive s., divers peuples germains saccagèrent le pays, et la population, effrayée, se réfugia dans les montagnes. En 443, les Burgondes s’établirent dans la région en s’intégrant à la culture gallo-romaine. Leur royaume se forma sous le nom de Bourgogne, qui comprit dans son territoire le pagus Valdensis (d’où le nom de Vaud). Plus tard, en 536, les Francs imposèrent leur autorité dans le pays jusqu’à la fondation du royaume de Bourgogne transjurane en 888. Pendant cette période, le christianisme se répandit dans la région. Entre 585 et 594, Marius (532-596), évêque d’Avenches depuis 574, fit transférer le siège de l’épiscopat au bord du Léman, à l’emplacement du castrum de Lausanne, qui devint plus tard la capitale du canton.

Dans le royaume de la Bourgogne transjurane, quatre rois se succédèrent : Rodolphe Ier (888-912), qui vit le peuple vaudois défendre énergiquement ses droits contre les prétentions de l’Empire allemand ; Rodolphe II (912-937) et la reine Berthe, qui eurent à repousser les bandes sarrasines, puis les Hongrois, que Conrad le Pacifique (937-993) sut armer contre les sarrasins pour se débarrasser de ceux-ci ; Rodolphe III (993-1032), qui légua en 1032 son royaume à l’empereur d’Allemagne Conrad le Salique. Ce changement de maître fut la cause d’un soulèvement vite réprimé. Les rois de la Bourgogne transjurane résidaient souvent à Payerne, riche abbaye de Bénédictins qui fut dotée d’une des plus belles églises collégiales romanes de Suisse.

À partir du xiie s., les ducs de Savoie furent les maîtres du pays, et une ère de prospérité succéda aux troubles précédents. Les villes (Yverdon, Vevey, Moudon, Morges et Nyon) gagnèrent de plus en plus d’influence politique à côté des seigneurs du pays.

En 1536, le pays de Vaud passa sous la domination de la république de Berne*. L’évêché de Lausanne perdit son indépendance, mais garda quelques privilèges et une certaine autonomie interne. Les Bernois gouvernèrent le pays avec justice et largesse. L’introduction de la Réforme se fit sans trop de rigidité ; le calvinisme sévère de Genève ne pouvait pas se maintenir à côté du protestantisme libéral et assez souple bernois. La langue française garda son rôle prédominant dans l’Administration, dans l’Église et dans les écoles ; les Suisses allemands immigrants s’assimilèrent vite à la langue et à la nouvelle mentalité. Mais l’ère bernoise aida surtout la bourgeoisie à s’émanciper économiquement et politiquement ainsi qu’à développer un certain « nationalisme vaudois » fondé sur les intérêts communs du pays.

Au xviie s., la domination bernoise, devenue plus autoritaire, commença à peser sur le pays de Vaud. En 1723, le major Jean Daniel Abraham Davel (1670-1723) essaya de secouer le joug et d’incorporer son pays comme canton souverain à la Confédération helvétique. Mais sa tentative n’eut aucun succès, et le courageux patriote fut exécuté à Vidy. L’occasion de se libérer de la domination bernoise fut offerte par la Révolution française. On refusa massivement de prêter le serment exigé par Berne, et, le 24 janvier 1798, fut proclamée la République lémanique. Berne, battue par le général Brune, capitula le 5 mars. Puis Vaud fut rattaché à la République helvétique et devint le canton du Léman. Après le départ des troupes françaises et l’effondrement de la République helvétique, l’anarchie s’installa dans le pays de Vaud, et Bonaparte, par l’acte dit « de Médiation de 1803 », reconnut l’indépendance du canton de Vaud, qui prit place dans la Confédération helvétique. Un Grand Conseil s’assembla, et un gouvernement démocratique commença son travail.

Après la chute de Napoléon, un court intermède suivit : Berne chercha en vain à regagner sa domination ; à l’intérieur, les forces réactionnaires de l’ancien régime sapèrent les progrès de la démocratie. Mais, en 1831, plus de 13 000 citoyens sur 16 000 sanctionnèrent une Constitution nouvelle qui rendait le peuple souverain.

En 1845, en 1861 et en 1885, des Constitutions donnèrent plus d’extension encore aux principes libéraux. Grâce à une paysannerie solide et profondément démocratique, grâce également à une population ouverte, libérale et cosmopolite, grâce enfin à une industrie de grande envergure, le pays de Vaud, qui a le dos tourné vers la Suisse et la fenêtre ouverte vers la France, est devenu le centre, le noyau et l’élément constitutif de la Suisse romande.

H. O.

➙ Genève / Lausanne / Savoie / Suisse.