Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vallès (Jules) (suite)

Lors de la Commune* de Paris et des événements qui la précédèrent, Jules Vallès joue un rôle de premier plan. Pacifiste, il s’oppose à la guerre contre les Prussiens ; révolutionnaire, il entend mettre fin au régime de Napoléon III. Il est élu dans le XVe arrondissement et participe à la commission de l’enseignement. Sur les barricades, il est aux premières lignes. À la chute de la Commune, l’action de Vallès a été telle qu’il est obligé de gagner l’Angleterre pour échapper à la répression. Le 4 juillet 1872, il est condamné à mort par contumace et radié de la Société des gens de lettres. C’est l’exil en Angleterre. En 1876, grâce à l’intervention d’Aurélien Scholl (1833-1902), Vallès, sous des noms d’emprunt, reprend sa carrière journalistique. Il tient une chronique, la Rue à Londres. Il collabore au Réveil, à la Marseillaise. Il donne notamment la première version de Jacques Vingtras, qui paraîtra en 1879 sous le nom de Jean La Rue. L’année suivante, après neuf ans d’exil, il revient en France à la suite de la proclamation de l’amnistie pour les survivants de la Commune. Le Bachelier, la deuxième partie de Jacques Vingtras, parait en 1881. Aidé par Séverine (Caroline Rémy, 1855-1929), rencontrée à Bruxelles avant son retour en France, il lance un second Cri du peuple (1883). Il y prend le parti des anarchistes, s’élève contre le colonialisme et œuvre pour la réforme de l’enseignement. Atteint du diabète, Vallès meurt le 14 février 1885, en pleine activité. Fidèle collaboratrice, Séverine se chargera de faire paraître le troisième volet de la trilogie Jacques Vingtras : l’Insurgé, en 1886.

Vallès se comporta avant tout en homme d’action. Jusqu’à ses derniers jours, il fut en lutte pour combattre le pouvoir et la société établis qui entretenaient l’injustice à tous les niveaux : dans la famille (toute-puissance de l’autorité paternelle), au collège (autorité contraignante de la hiérarchie), dans la société (tyrannie du pouvoir sur le peuple). Son œuvre journalistique tout comme son œuvre romanesque ne peuvent être comprises sans ce sentiment profondément vécu par lui sur le plan personnel, dont il épousa la cause sur le plan collectif. Ni les brimades, ni les incarcérations, ni l’insécurité sa vie durant ne purent le faire taire. Il prit incessamment le parti des « réfractaires », des ratés, des laissés pour compte de la société avec un enthousiasme, une persévérance, une sincérité parfois touchants. Mais son action resta toujours individualiste. Méfiant vis-à-vis des idéologies, il n’appartint jamais à aucun parti politique. Mis à part Proudhon, qui nourrit sa pensée, il voulut se créer lui-même son propre système, qui n’avait pour logique que celle de l’expérience vécue dont il tirait dans l’action de sa plume et de sa personne les conclusions qui s’imposaient.

Pamphlétaire de talent, il fut aussi romancier. Mais là encore, Vallès écrit par nécessité, poussé par l’événement. La trilogie Jacques Vingtrasl’Enfant, le Bachelier, l’Insurgé — est l’histoire de sa vie à peine déguisée. Il s’efforce de saisir l’événement dans son authenticité, refusant de l’enjoliver par la rhétorique, de le camoufler par de la littérature : la phrase est courte, incisive, mordante, seulement agrémentée par des images efficaces pour en augmenter la portée. Vallès rompt avec le ronron romanesque pour donner une œuvre qui, par sa spontanéité, s’apparente davantage au reportage qu’à la fiction. Il n’invente rien. Il raconte, il se raconte. Il tente de retourner contre elle-même la forme romanesque, le langage contre lui-même, prenant, par exemple, le contre-pied d’images toutes faites : Victor Noir et son frère se ressemblent « comme deux gouttes de sang ». Par ce refus de littérature, se contentant de montrer ses personnages tels qu’ils se montrent sans leur supposer des sentiments ou des idées, en portant attention à l’objet, en observant avec une rigueur dépourvue de tout lyrisme, Vallès annonce le roman moderne.

M. B.

 G. Gille, Jules Vallès (Flammarion, 1941 ; 2 vol.). / M. L. Hirsch, Jules Vallès l’insurgé (Éd. du Méridien, 1949). / Jules Vallès, numéros spéciaux de Europe (1957 et 1968). / M.-C. Bancquart, Vallès (Seghers, 1971). / G. Delfau, Jules Vallès : l’exil à Londres, 1871-1880 (Bordas, 1971).

Valmy (bataille de)


Sept heures du matin, le 20 septembre 1792 : sur une route qui, longeant l’Argonne, va de Grandpré à Châlons, l’avant-garde de l’armée prussienne s’avance et surgit du brouillard à quelques mètres de la batterie que commande le général Deprez de Crassier (1733-1803). Celle-ci ouvre le feu et permet un moment de couvrir le gros des troupes de Kellermann (1735-1820), qui, hâtivement, se masse sur un tertre étroit surmonté d’un moulin à faible distance du village de Valmy. La bataille commence, elle va durer toute la journée, elle va sceller le destin de la République qui, le lendemain, sera décrétée à Paris par la Convention* nationale.

À quelques kilomètres de Kellermann, derrière Valmy, il y a l’armée de Dumouriez (1739-1823). S’il est là, c’est qu’il a d’abord échoué dans une savante manœuvre : il s’agissait pour lui d’entraîner les forces coalisées dans le massif de l’Argonne, de s’y cacher et, au moment favorable, de fondre sur elles et de les exterminer. Le plan n’a pu être réalisé dans sa partie finale. Pour que les Prussiens et les Autrichiens ne pénètrent pas plus avant et n’atteignent pas Paris, il faut les couper de leurs arrières et de leurs centres d’approvisionnement. Kellermann et Dumouriez tiennent la voie qui par Les Islettes mène vers Verdun ; les coalisés vont, au cours de la journée, chercher à s’en emparer pour continuer ensuite leur progression vers Paris. Ils y demanderont raison aux sans-culottes qui, depuis le 10 août, détiennent captifs le roi et sa famille. Dans un manifeste du 25 juillet 1792 écrit par un émigré et que le général prussien Brunswick (1735-1806) a signé, Paris a été menacé d’une subversion totale.