Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

L’art

On ne sait à peu près rien de l’art des tribus slaves de l’Est, ni de la Russie kiévienne des premiers princes. On a parfois coutume de faire remonter l’art russe aux Scythes* (v. aussi steppes [art des]), mais il s’agit en fait d’une tout autre civilisation.

La naissance de l’art russe véritable — ou tout au moins du premier dont les réalisations nous soient parvenues — est étroitement liée à la conversion du prince Vladimir vers 988, qui a entraîné la Russie dans l’orbite culturelle de Byzance. Si l’art russe peut être considéré à l’origine comme une sorte de prolongement de l’art byzantin*, il y incorporera également d’autres influences étrangères et remodèlera les éléments byzantins en fonction des conditions locales (climat, matériaux de construction, couleurs, etc.) et en s’inspirant sans doute des monuments artistiques qui devaient exister avant la pénétration de l’influence byzantine (constructions en bois qui ne se sont pas conservées), de façon à aboutir à une synthèse conforme au sens esthétique national.

Cette première période de l’art russe, dominée par l’architecture et la peinture religieuses, s’étend jusqu’au début du xviiie s. Le règne de Pierre le Grand marque une rupture, et la Russie est entraînée pour deux siècles dans l’imitation de l’art européen baroque et classique, sans arriver à une synthèse originale comme dans la période précédente.

Au début du xxe s., l’art russe entre dans le mouvement général de l’art européen, et la peinture russe surtout devient un élément moteur de l’avant-garde européenne. Mais, à partir de 1930 environ, la Russie se détache des recherches générales de l’Occident pour essayer de créer un nouvel art qui apparaît essentiellement déterminé par la commande officielle : le réalisme socialiste.


L’art russe avant Pierre le Grand


L’architecture

C’est du xie au xiiie s., à la fin de la période prémongole de l’histoire russe, que se forment les traits fondamentaux de l’architecture russe. Des maîtres d’œuvre venus de Byzance introduisent l’église à coupoles, élevée sur un plan en croix inscrite dans un carré, ainsi que la technique de construction en brique. Par ailleurs, il semble que des architectes allemands apprennent aux Russes à construire en pierre (à Novgorod). Mais bientôt ce sont des maîtres d’œuvre russes qui dirigent la construction des églises, en y introduisant des éléments originaux, en particulier les formes cubiques sans doute imitées des édifices en bois. C’est ainsi que s’élaborent les deux types d’église qui s’imposeront dans toute la Russie, avec un certain nombre de variantes, jusqu’à la fin du xviie s. Tous les deux sont caractérisés par un plan en forme de croix grecque inscrite dans un carré ; le premier, représenté par Sainte-Sophie de Novgorod, est à cinq coupoles ; le second, représenté par Saint-Dimitri à Vladimir, à une seule. Quant aux coupoles elles-mêmes, elles devaient être beaucoup plus plates, la forme étirée que nous connaissons actuellement ne s’étant répandue que plus tard, sans doute aux alentours du xive s. À cette époque, il existe trois grands centres architecturaux : Kiev*, Novgorod*, Vladimir*-Souzdal. Il reste très peu de monuments du premier, tout au moins sous leur forme primitive ; quant aux deux autres, ils se distinguent surtout par les éléments ornementaux, beaucoup plus riches et abondants à Vladimir qu’à Novgorod.

L’invasion mongole arrête tout le développement culturel de la Russie, et on cesse de bâtir en pierre jusqu’au début du xve s., sauf à Novgorod, où, après une interruption d’un siècle tout de même, on se remet à édifier de petites églises paroissiales à une coupole à partir de la fin du xiiie s. Plus complexes, les églises de Pskov leur sont comparables au xve et au xvie s. Au xve s., cependant, le centre architectural de la Russie se déplace à Moscou*, qui étend peu à peu son hégémonie sur les autres principautés. Moscou reprend les formes de l’architecture prémongole, mais en y introduisant des ornements propres : arcs en encorbellement (kokochnik), décors en brique, coquilles de style Renaissance introduites par des Italiens. Au xvie s. apparaît un type d’église tout à fait nouveau, dit « de style pyramidal », en forme de tour surmontée d’une pyramide élancée généralement octogonale (chater [chatior]), qui aurait été reprise de l’architecture en bois. Au xviie s. se répandent largement des églises paroissiales de style moscovite, que l’on retrouve notamment à Souzdal, Iaroslavl, Rostov, Ouglitch, Kostroma, etc. Dans la Russie prépétrovienne, les édifices religieux s’inscrivent souvent dans des ensembles plus vastes : kremlins (places fortes) ou monastères fortifiés. Entourés de remparts d’abord en bois, puis en pierre ou en brique, ils renferment une collégiale (sobor) et plusieurs autres églises, un clocher et quelques bâtiments civils ou conventuels (palais du prince ou de l’évêque, cellules des moines, etc.). L’une des entrées des monastères est toujours constituée par une église-porte. Ces différents éléments ont généralement été construits au cours des siècles et dans des styles différents, ce qui confère à ces ensembles un caractère très particulier (kremlins de Novgorod, Souzdal, Moscou, monastères de Zagorsk, de Volokolamsk, ainsi que de Saint-Cyrille sur le lac Blanc et de Saint-Théraponte dans la région de Vologda).

Parallèlement à l’architecture en pierre se développe une architecture en bois dont les premiers monuments qui se soient conservés remontent à la fin du xve s. et qui s’épanouit aux xviie-xviiie s., surtout dans le nord de la Russie. Les églises de bois sont constituées par un noyau central flanqué d’une abside et souvent d’une galerie et d’un porche. Le noyau central peut être un cube couvert par un toit à double pente, un cube coiffé d’un chater, une tour hexagonale ou octogonale surmontée elle aussi d’un chater. Les autres parties de l’édifice sont souvent surmontées d’une petite coupole couverte d’écaillés. Les murs sont formés de troncs d’arbre couchés, la longueur d’un fût servant ainsi de module.