Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tsiganes (suite)

La langue tsigane (romani, sintó, kaló, dans ses variantes selon les groupes), qui dérive directement du sanskrit, a longtemps paru suspecte, parce que non comprise, aux populations côtoyées par le Tsigane. Elle a fréquemment été interdite par des lois, et souvent les Tsiganes ont été interdits de séjour, refoulés aux frontières ou emprisonnés. Les relations entre Tsiganes et non-Tsiganes (Français ou autres) sont souvent tendues. Le gadjo (non-Tsigane) accuse le Tsigane d’être sale, voleur, de ne pas travailler, et il refuse de le reconnaître comme faisant partie d’une ethnie ayant sa propre culture. Il se fait du nomade, du Tsigane, une image fausse et défavorable, née d’une mauvaise connaissance acquise jour après jour par ouï-dire, stéréotype élaboré à partir de légendes populaires, de cinéma, de télévision, de lecture de la presse. Et son comportement envers le Tsigane découle de cette image fausse et stéréotypée qu’il s’en fait. De même, tous les gouvernements ont adopté une attitude hostile vis-à-vis des Tsiganes, et ce n’est que très récemment que quelques-uns sont devenus plus compréhensifs.

La société tsigane, soumise aujourd’hui à des pressions de plus en plus fortes, se voit imposer par la radio, la télévision, la scolarisation et l’action des travailleurs sociaux, des modèles culturels auxquels elle n’était pas préparée. Une institution aussi fondamentale que la kris chez les Rom est agitée de contradictions de plus en plus vives. Elle perd de son efficacité parce que beaucoup des valeurs traditionnelles sont remises en question, et parce que les problèmes à traiter ne sont plus du même ordre qu’il y a quelques années. La fonction de cohésion sociale lui est de plus en plus difficile à assumer et pour cette fonction, nécessaire à la survie du groupe social, la kris est relayée par un type nouveau d’institutions, notamment un Comité international Rom, fédération d’associations tsiganes nationales, qui prétend intervenir directement auprès des gouvernements et des organismes internationaux (Conseil de l’Europe, O. N. U...). Le passage de la kris à ces nouvelles institutions est synonyme d’une profonde réorganisation du groupe social, d’une véritable mutation.

Les Gitans

Le terme est souvent employé à tort, avec un sens péjoratif, pour désigner l’ensemble des Tsiganes.

Il est utilisé à juste titre pour désigner l’un des trois groupes tsiganes, celui des Kalé (en esp. Calé), disperses en Espagne, en Afrique du Nord et dans le sud de la France essentiellement. Les Kalé sont reconnaissables par leur langue, très influencée par les structures grammaticales espagnoles, et par leur musique et leur chant, flamenco* et cante jondo.

J.-P. L.

 O. Gjerdman et E. Ljungberg, The Language of the Swedish Coppersmith Gypsy Johan Dimitri Taikon (Uppsala, 1963). / J.-P. Liégeois, les Tsiganes (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1971) ; Mutation tsigane, la révolution bohémienne (P. U. F., 1976). / F. de Vaux de Foletier, Mille Ans d’histoire des Tsiganes (Fayard, 1971). / K. Stoyanovitch, les Tsiganes. Leur ordre social (Rivière, 1974). / J.-P. Clébert, Tsiganes et Gitans (Éd. du Chêne, 1975).
On peut également consulter les revues Études tsiganes (Paris, 1955 et suiv.) et Journal of the Gypsy Lore Society (Liverpool, 1888 et suiv.).

Ts’ing (époque)

En pinyin Qing, époque de l’histoire de la Chine* s’étendant de 1644 à 1911.


Malgré le chaos politique et économique qui accompagna la chute des Ming* et bien que la nouvelle dynastie fût de race mandchoue, il n’y eut pas de rupture dans les traditions artistiques de la Chine. De 1680 environ à la fin du xviiie s., le pays connaît une ère de prospérité favorable aux arts. Les empereurs admirent la culture chinoise, favorisent les lettrés et s’intéressent aux arts : Kangxi (K’anghi, 1661-1722) fait rédiger une encyclopédie de calligraphie et de peinture en cent volumes, crée des ateliers d’art dans le palais et s’entoure de peintres ; Qianlong (K’ien-long, 1736-1796), curieux d’exotisme et d’antiquités, admet à la cour des missionnaires jésuites, savants ou artistes, et réunit d’immenses collections de peintures, calligraphies, bronzes archaïques, céramiques anciennes. Tout l’art du xviiie s. reflète ce goût du passé ou ces contacts avec l’Occident.

L’architecture et la sculpture ne se signalent par aucune innovation importante. En peinture, diverses tendances coexistent. Les peintres de cour dépeignent en style académique des fleurs, des oiseaux, des jeunes femmes dans des jardins. Tels sont, vers 1720-1750, Yuan Jian (Yuan Kiang) et Leng Mei, influencés par la perspective occidentale qu’enseignaient les Jésuites. Le plus doué de ceux-ci fut le père Giuseppe Castiglione (1688-1766), en Chine de 1715 à sa mort, auteur de portraits, de scènes de cour, de chevaux qu’il signait Lang Shining (Lang Che-ning) et où il alliait la technique chinoise à l’emploi des ombres.

L’influence des Jésuites n’affecta pas les groupes de « peintres-lettrés » inspirés par Dong Qichang (Tong K’i-tch’ang*, 1555-1636) et par les paysagistes Yuan*. Les plus célèbres sont les « Quatre Wang » : Wang Shimin (Wang Che-min, 1592-1680), dont les paysages comptent parmi les chefs-d’œuvre du xviie s., Wang Jian (Wang Kien, 1598-1677), Wang Hui (Wang Houei*, 1632-1717) et Wang Yuanqi (Wang Yuan-k’i, 1642-1715), peintre favori de Kangxi. À ce groupe s’ajoutent Yun Shouping (Yun Cheou-p’ing, 1633-1690), dont les peintures de fleurs furent reproduites en estampes et ont inspiré certains motifs des porcelaines de « famille rose », et Wu Li (Wou Li, 1632-1718), devenu jésuite sans avoir pour autant modifié sa manière. Parmi les nombreux artistes provinciaux, Hongren (Hong-jen, † 1663) peint des paysages à l’encre sèche proches de ceux de Ni Zan (Ni Tsan*), et Gongxian (Kong Hien, v. 1618-1689) est l’auteur de paysages tragiques d’où toute présence humaine est bannie.

Les peintres les plus originaux sont cependant les « individualistes », moines bouddhistes en révolte contre l’art officiel : Bada shanren (Pa-ta chan-jen*, 1626-1705), Shi Tao (Che T’ao*, v. 1641 - apr. 1717), Kun Can (K’ouen Ts’an*, 1612 - av. 1680).