Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Trieste (suite)

Aujourd’hui, les fonctions tertiaires restent cependant importantes grâce au commerce, à l’université, aux administrations provinciale et régionale, à celles des douanes, des compagnies d’assurance et de navigation. Le port (100 ha), composé de différents éléments, a un trafic total annuel de 38 Mt (et un mouvement de 240 000 passagers). Mais c’est l’industrie qui a grandi ces dernières décennies, aidée par l’action décisive de l’État italien. Le secteur le plus développé est celui des chantiers (Italcantieri). La métallurgie est présente avec les installations Italsider dans le faubourg de Servola. Les industries alimentaires ont une longue tradition (liqueurs Stock, bière Dreher, huileries). Le travail du textile, outre les ateliers de confection, compte des entreprises notables (du groupe Snia-Viscosa). L’énergie et la chimie se marquent avec deux raffineries (Total, Esso). Le cadre urbain n’est plus suffisant malgré l’aménagement de la zone industrielle de Zaule. Les industries ont rejoint Muggia, s’installent dans la plaine alluviale du Timavo au nord (papeterie), non loin du grand centre industriel de Monfalcone.

Cette expansion, c’est aussi celle de la ville, même si l’on note une certaine stagnation des effectifs urbains, liée au vieillissement de la population et au départ des jeunes actifs. La ville s’est construite le long du port. La vieille ville est bordée par des quartiers du xviiie s., commercial au nord, résidentiel au sud. Des quartiers plus récents les entourent, et les habitations gagnent les pentes du plateau calcaire et s’alignent le long du rivage vers le nord, tandis que le sud, vers Zaule, est plus industriel. Une conurbation triestine est en formation. Ville qui est à la limite du monde méditerranéen, germanique et slave, à la tête d’une région quelque peu marginale en Italie, Trieste cherche malgré tout à retrouver un rôle commercial de premier plan. La foire de Trieste et l’oléoduc transalpin (TAL) en sont peut-être les prémices.

E. D.


L’histoire

Connue dans l’Antiquité sous le nom de Tergeste, cette cité passa sous l’autorité de Rome en 177 av. J.-C. Jules César en fit une colonie, mais c’est Octave qui entreprit, en 33 av. J.-C., de fortifier Tergeste et d’y aménager un port. Au iie s., Trajan embellit la ville, qui connut alors son plein développement, et y fit construire une basilique, un forum et un théâtre.

Au Moyen Âge, Trieste était administrée par ses barons-évêques et jouissait d’une autonomie presque totale. Au xiiie s., les Vénitiens essayèrent de s’en emparer, et la ville dut lutter pour conserver son autonomie. Mais, en 1382, elle se mit de son propre chef sous la protection du duc d’Autriche, Léopold III de Habsbourg, et, à partir de cette date, elle suivit le sort de cette puissante maison.

En 1719, en lui accordant le statut de port franc, l’empereur Charles VI fixait son destin : Trieste, qui n’était alors qu’une petite ville de 5 000 habitants, allait devenir le seul débouché maritime de l’Empire. Les armées napoléoniennes s’en emparèrent en 1805 et de 1809 à 1813. La ville fut incorporée aux Provinces Illyriennes, connut un rapide essor commercial, puis fit retour à l’Autriche.

C’est dans la seconde moitié du xixe s. qu’elle connut son plus grand développement, dû à ses importants chantiers navals, à ses nombreuses compagnies de navigation, dont la principale était le Lloyd triestin, comme à son trafic portuaire, qui, à la veille de la Première Guerre mondiale, atteignait 6,2 Mt. À la fin du xixe s., elle avait déjà plus de 150 000 habitants et s’était étendue considérablement en superficie.

Mais, peuplée en majorité d’Italiens, elle était un des foyers de l’irrédentisme et réclamait son rattachement au royaume d’Italie. La Première Guerre mondiale réalisa ce vœu, et les troupes italiennes pénétrèrent à Trieste le 3 novembre 1918. Ce fut cependant au prix de sa prospérité économique, car, coupé de son arrière-pays, le port, qui n’était plus le débouché du grand Empire austro-hongrois, disparu en 1918, ne cessa de péricliter, et, en 1934, le trafic des marchandises était tombé à 2,2 Mt, perdant près des deux tiers de son importance par rapport à 1913.

Les Allemands occupèrent la ville en septembre 1943 ; ils avaient l’intention de la conserver et d’en faire un des ports principaux du Grand Reich, mais les troupes de Tito s’en emparèrent le 1er mai 1945, après avoir conquis la Dalmatie et l’Istrie, et proclamèrent son rattachement a la Yougoslavie. Le traité de Paris signé le 10 février 1947 créa un territoire libre de Trieste (T. L. T.), qui garantissait la neutralisation et la démilitarisation de la cité sous la protection de l’O. N. U. Ce territoire fut divisé en deux zones ; la zone A comprenait la ville même de Trieste, sous contrôle anglo-américain ; la zone B, administrée par les Yougoslaves, était située au sud de la ville.

Dès le 20 mars 1948, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France proposèrent que l’ensemble du territoire libre de Trieste fût rattaché à l’Italie, mais ils se heurtèrent au veto de la Yougoslavie, soutenue par l’U. R. S. S. La rupture entre Tito et Staline, advenue en juin 1948, débloqua la situation, et les pourparlers purent reprendre avec le gouvernement yougoslave, qui sentait la nécessité de se rapprocher des puissances occidentales.

Le 8 octobre 1953, Américains et Britanniques présentaient une nouvelle solution : la zone A reviendrait à l’Italie, tandis que la zone B serait rattachée à la Yougoslavie. Tito s’y opposa, principalement parce que son pays n’avait pas été consulté auparavant. En février 1954, les États-Unis et la Grande-Bretagne entamèrent des négociations à Londres avec la participation des deux principaux intéressés, l’Italie et la Yougoslavie.

Ces pourparlers aboutirent à l’accord du 5 octobre 1954, qui donnait à l’Italie la zone A, c’est-à-dire le port de Trieste avec une population de 300 000 habitants, tandis que la Yougoslavie recevait la zone B (75 000 hab., dont 30 000 Italiens) moyennant quelques modifications de frontière. Des statuts spéciaux réglaient les droits des différentes minorités laissées des deux côtés de la ligne de démarcation : Italiens en Yougoslavie, Slovènes à Trieste. Le 26 octobre 1954, les derniers soldats anglo-américains quittaient le territoire libre de Trieste.

Trieste, où les Italiens s’étaient engagés à maintenir le statut de port franc, vit sa situation économique s’améliorer malgré la vive concurrence du port yougoslave voisin de Rijeka* (Fiume).

P. P. et P. R.

➙ Frioul-Vénétie Julienne / Illyrie.