Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

adaptation (suite)

La présence de toxines microbiennes antigéniques dans l’organisme détermine l’élaboration d’anticorps capables de les détruire. Et l’on pourrait multiplier les exemples. Le frottement suscite la formation d’une callosité ou d’un durillon ; à une blessure succèdent une coagulation hémostatique et une cicatrisation ; l’ablation d’un rein entraîne l’hypertrophie de l’autre (hypertrophie compensatrice)...

Les végétaux, réagissant rapidement aux actions du milieu, montrent une gamme variée d’accommodats. Il suffira de rappeler les expériences pratiquées sur des plantes vivaces plantées soit en montagne, soit en plaine. Ces plantes présentent des aspects fort différents : la plante d’altitude montre un raccourcissement important des tiges, et les feuilles sont disposées en rosette ; les graines de l’accommodat alpin semées en plaine engendrent d’emblée des plantes identiques à la forme de plaine. Les modifications du phénotype (de l’aspect de la plante) intéressent uniquement les caractères somatiques ; la structure héréditaire, le génotype, ne subit aucun changement.

Ces adaptations nombreuses et variées protègent les organismes contre tous les changements des conditions de l’environnement ; elles représentent des cas particuliers d’un phénomène général, l’adaptation régulatrice, ou homéostasie de W. B. Cannon ; le milieu interne offre une constance liée tout autant aux matériaux qu’au fonctionnement des organes. Toute perturbation externe ou interne provoque des réactions homéostatiques tendant à rétablir l’équilibre normal. Ce pouvoir régulateur diminue avec la vieillesse.

Dans leur grande majorité, les réactions adaptatives et régulatrices sont efficaces ; mais parfois elles peuvent être indifférentes ou gênantes. Ainsi, l’amputation d’un organe provoque la formation à la même place d’un autre organe inutile. C’est le phénomène d’hétéromorphose : une antennule remplace la tige oculaire d’un Crustacé ou une petite patte remplace l’antenne d’un Phasme.

À cette adaptation individuelle, ou adaptation régulatrice, se rattache le syndrome général d’adaptation de Hans Selye. Ce syndrome correspond aux diverses réactions d’un organisme soumis à l’action prolongée d’une agression quelconque (stress). Trois phases se manifestent successivement : une réaction d’alarme suscitée par un stimulus agressif, un état de résistance comportant une adaptation au stimulus et enfin un état d’épuisement si la réaction adaptative durable se montre impossible. À chacune de ces phases correspondent des modifications physiologiques et métaboliques.


Adaptation spécifique

Alors que l’adaptation individuelle, de durée souvent courte, affecte un individu, l’adaptation spécifique intéresse tous les individus appartenant à une même espèce qui vit et se reproduit dans des conditions spéciales plus ou moins différentes des conditions normales. L’espèce est alors acclimatée à un nouvel environnement.


Acclimatation

Souvent l’homme participe grandement à l’acclimatation des espèces végétales ou animales ; il les protège et favorise leur maintien. Les jardins hébergent de nombreuses plantes exotiques, alpines ou maritimes. Parfois ces plantes, bien adaptées au point de vue végétatif, prospèrent, mais se reproduisent mal ou pas du tout ; les conditions ne permettent pas la floraison, et si celle-ci, cependant, s’effectue, les graines n’arrivent pas à maturité. Des conditions climatiques particulièrement sévères provoquent la disparition de certaines espèces qui paraissent bien acclimatées. La rigueur de l’hiver de 1879-80 a tué beaucoup d’espèces exotiques considérées comme acclimatées depuis plus d’un siècle.

L’acclimatation des animaux domestiques ou des animaux élevés dans les parcs zoologiques requiert un accord entre l’époque de la reproduction et le rythme des saisons.

L’intervention humaine se manifeste fréquemment lors de l’acclimatation des plantes ou des animaux ; mais, parfois, plantes ou animaux conquièrent de nouveaux biotopes, s’adaptent à leurs conditions et font partie de la flore ou de la faune sauvages. L’espèce est alors naturalisée.


Naturalisation

Certains exemples de naturalisation sont classiques ; les déplacements des espèces sont suivis dans le temps et dans l’espace.

Originaire des eaux saumâtres du bassin ponto-arabo-caspien au Pliocène, le Mollusque bivalve Dreissensia polymorpha a envahi au xviiie s. la Volga ; adaptée à l’eau douce, l’espèce s’est propagée, par l’intermédiaire des fleuves et des canaux, en Allemagne, en Angleterre, aux Pays-Bas et en France. Elle est actuellement abondante dans les canaux. Le Mollusque Gastropode Lithoglyphus naticoides, connu des bassins du Danube, du Dniepr et de l’Europe sud-orientale, a suivi une migration analogue, mais moins rapide. Il est signalé en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et en France. Le Crabe chinois Eriocheir sinensis, originaire de Chine, se trouve le long des côtes, dans les rivières et les collections d’eau douce. Introduit accidentellement dans l’Elbe ou la Weser (1912), il s’est propagé dans les fleuves et le long des côtes du Danemark, de la mer Baltique, de la Suède, du golfe de Finlande ; il est actuellement aux Pays-Bas, en Belgique, en Angleterre et en France. Le trop célèbre Doryphore (Leptinotarsa decemlineata), découvert au Colorado (1814), a successivement envahi toute l’Amérique, puis l’Europe à partir de Bordeaux, où il a été introduit accidentellement avec des marchandises (1919). Importé en Australie (1870), le Lapin s’est rapidement naturalisé et a pullulé. Le Poisson-Chat d’Amérique (Ameiurus nebulosus), bien établi dans certains lacs, étangs et fleuves français, détruit la faune piscicole indigène.

On pourrait encore citer l’introduction de plantes variées : le Robinier d’Amérique du Nord, le Marronnier d’Inde, les Champignons (Oïdium, Mildew) d’origine américaine, parasites de la Vigne, Elodea du Canada, qui entrave la circulation fluviatile...

Ces divers exemples montrent que les naturalisations ne sont pas toujours bénéfiques. L’intervention humaine, indirecte et involontaire, favorise souvent la dissémination des espèces, qui profitent parfois des transports humains (coques de bateaux, marchandises variées, avions, etc.).