Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

travail (sociologie du) (suite)

L’organisation scientifique du travail

L’organisation du travail se trouve liée à deux concepts fondamentaux, d’une part celui de la répartition des tâches, d’autre part celui du cadre dans lequel s’effectue cette répartition. L’entreprise se trouve alors définie comme un « groupe humain hiérarchisé qui met en œuvre des moyens intellectuels, physiques, financiers pour extraire, transformer, transporter, distribuer des richesses ou produire des services, conformément à des objectifs définis par une direction, personnelle ou collégiale, en faisant intervenir, à des degrés divers, les motivations de profit et d’utilité sociale » (P. Lauzel). L’organisation du travail est donc aussi ancienne que l’humanité et remonte à une époque où les sociétés primitives s’organisaient pour subsister, les hommes allant à la chasse ou à la pêche, et les femmes se préoccupant des vêtements et des repas. Elle a varié en fonction de la société et des techniques mises en œuvre.


Historique

L’organisation du travail a porté alternativement d’une part sur l’exécution de tâches matérielles (ateliers et chantiers), d’autre part sur les travaux administratifs.

• L’organisation des ateliers et des chantiers. Le texte le plus ancien connu actuellement appartient à l’œuvre de Xénophon* (v. 430 - v. 355 av. J.-C.) ; il concerne la fabrication des cothurnes et le travail de la ménagère. On trouve au Moyen Âge et à la Renaissance nombre d’études d’organisation de chantiers, en particulier celle qui devait aboutir, en 1586, à la mise en place de l’obélisque du Vatican, moyennant 52 mouvements orchestrés par des sonneries de trompettes avec 800 hommes et 140 chevaux qui fournissaient l’énergie nécessaire. Au xviie s., Vauban* eut l’idée de faire chronométrer les terrassements nécessités par les fortifications de l’époque. Il en conclut que la surveillance coûtait moins cher que la diminution de travail consécutive à son absence. Au siècle suivant, Coulomb*, dans ses Recherches sur le travail de diverses professions, dégageait les notions de qualité et de vitesse dans l’accomplissement d’une tâche. De son côté, Lavoisier* découvrait le rôle de l’oxygène dans la respiration animale et démontrait que sa consommation était fonction de l’effort fourni. Un pas encore plus décisif devait être accompli au début du xxe s. par un Américain, Frederick Winslow Taylor (1856-1915), avec l’apparition de l’organisation scientifique du travail, dont les idées maîtresses se trouvent énoncées dans l’ouvrage intitulé Shop Management, paru en 1911, et portent sur quatre points essentiels :
— l’existence dans la main-d’œuvre d’une flânerie systématique, avec les définitions des moyens économiques destinés à la combattre ;
— l’utilité d’un chronométrage, avec la définition du processus opératoire de prise et d’exploitation des temps ;
— la sélection de l’ouvrier ;
— la création et la formation d’une maîtrise fonctionnelle chargée essentiellement de préparer le travail, de développer la science du travail par l’étude des temps élémentaires d’exécution, d’aider, d’instruire et de guider le personnel d’exécution, de pourvoir ces derniers en outils et de veiller que ces derniers soient maintenus en bon état, enfin d’élaborer le programme des opérations.

Les correctifs les plus importants qui devaient être apportés à la doctrine de Taylor sont dus au mouvement des relations humaines, lequel s’efforça de démontrer que l’accroissement de productivité des postes de travail pouvait être également obtenu en cherchant à mieux satisfaire les besoins de l’homme au travail et à l’intégrer dans l’entreprise.

• L’organisation administrative. Le système bureaucratique élaboré sous Richelieu* et complété par Colbert* repose sur un règlement assorti d’un organigramme. Le règlement prévoit les situations auxquelles un responsable peut se trouver confronté, avec la conduite à tenir en pareil cas. Si ledit règlement est bien conçu, le système fonctionne, mais l’évolution de l’environnement nécessite également des révisions en conséquence. D’autre part, il engendre une séparation entre la conception et l’exécution, ce qui entraîne souvent des conflits. Les critiques formulées à l’encontre du système bureaucratique sont probablement à l’origine de la doctrine élaborée par Henri Fayol (1841-1925), laquelle se résume en cinq impératifs, appelés les impératifs de Fayol :
— prévoir, afin de scruter l’avenir, et dresser un programme d’action ;
— organiser, en vue de constituer les organes déployant les activités qui justifient l’existence de l’entreprise ;
— commander, c’est-à-dire donner les directives et instructions et faire agir le personnel ;
— coordonner, donc relier, unir, harmoniser l’ensemble des activités ;
— contrôler, afin de s’assurer que tout se passe conformément aux prévisions.

Aux États-Unis devait naître vers 1920, c’est-à-dire peu après l’apparition du « fayolisme », l’organisation qualifiée de direction par objectifs, assortie d’un système de management adapté en conséquence. Dans ce système, les chefs donnent à leurs collaborateurs des objectifs, à charge pour eux de gérer les moyens nécessaires pour les atteindre. On aboutit le plus souvent à des structures très décentralisées, à une adaptation permanente des moyens aux besoins, à une coordination souple au sommet ainsi qu’à l’existence d’un contrôle de gestion chargé de suivre l’évolution de la situation financière et de proposer le cas échéant les correctifs appropriés.


L’évolution actuelle

En ce qui concerne l’organisation des ateliers et des chantiers, une certaine tendance se dessine, en particulier dans les pays scandinaves, vers une globalisation des tâches, la préparation du travail se limitant à une équipe qui prend sur elle de s’organiser en conséquence pour aboutir à un objectif déterminé, sachant qu’elle dispose de services supports en cas de difficulté. Dans le cas de l’organisation administrative, il semble que les entreprises se structurent selon un environnement périphérique sur lequel se positionnent les fonctions essentielles (production, achats, ventes, publicité, etc.). Une telle structure se prête du reste à une direction participative par objectif, ainsi qu’aux nouvelles approches de l’organisation que représentent l’analyse de la valeur, les techniques d’optimisation et la planification.

A. O.