Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

trade-unions (suite)

C’est seulement après l’abolition de ces lois en 1824 que le syndicalisme prend son véritable essor. Désormais, le droit d’association est reconnu aux ouvriers (sous réserve de certaines restrictions), ainsi que le droit de coalition. Les unions peuvent sortir de l’illégalité et exister au grand jour ; les grèves sont désormais autorisées. Dans les années qui suivent, on assiste à un rapide développement syndical, en particulier dans l’artisanat urbain, le textile, les mines, au point même que les divers syndicats essaient de se fédérer (tentative du Grand National Consolidated Trades Union en 1833-34). Après une période de reflux, le mouvement trade-unioniste reprend à partir de 1845, l’organisation ouvrière se concentrant de plus en plus dans les métiers qualifiés (formation, en 1851, de l’Amalgamated Society of Engineers, prototype du « nouveau modèle » syndical). Les unions poursuivent alors deux objectifs : d’une part, l’amélioration des conditions de travail et de salaire de leurs adhérents ; d’autre part, sur le plan politique, le vote d’une législation reconnaissant aux syndicats leurs pleins droits et une liberté d’action complète (1871-1876).

À ce moment-là, la dépression économique porte un coup sévère au mouvement ouvrier, et, lorsque celui-ci connaît un réveil vers 1889, c’est avec un visage différent : celui du « nouvel unionisme », qui groupe des catégories de travailleurs restés jusque-là inorganisées, les manœuvres, ou unskilled (dockers, marins, gaziers, etc.). Plus ambitieux, ce syndicalisme revendicatif et militant, animé souvent par des leaders socialistes, réclame la journée de huit heures, le droit au travail, un salaire minimum garanti et, en même temps, pousse activement à la création d’un parti ouvrier. À partir de 1868, les syndicats se sont unis dans une confédération des trade-unions (Trade Union Congress [TUC]). Or, le TUC, qui, jusque-là, était dirigé par des leaders de la vieille école et restait obstinément fidèle à l’alliance avec le parti libéral (alliance Lib-Lab), est gagné dans les dernières années du xixe s. à l’idée d’une représentation ouvrière indépendante au Parlement : d’où la naissance du parti travailliste* (Labour Party) [1900-1906].

Vers 1910, un courant nouveau vient secouer les trade-unions : c’est le syndicalisme révolutionnaire, dont l’influence (relayée à partir de 1917 par celle de la révolution russe) suscite une période d’intense agitation qui dure une douzaine d’années. Aux grandes grèves de l’avant-guerre (phénomène baptisé le « grand malaise des travailleurs ») succède la guerre de mouvement mi-pacifiste, mi-révolutionnaire des délégués d’atelier, et, après la guerre, de nouvelles grèves de vaste envergure sont menées par la « triple alliance » des mineurs, des cheminots et des ouvriers des transports. Mais les déboires économiques et politiques des années 20 entraînent un reflux sévère du mouvement ouvrier, reflux que précipite en 1926 l’épisode dramatique de l’échec de la grève générale pour soutenir les mineurs en lutte (le TUC avait appelé à une grève générale des travailleurs, mais celle-ci fait fiasco en quelques jours). Après cette grave défaite, le trade-unionisme adopte une ligne purement défensive, bien qu’à partir de 1934 il commence à regagner une partie du terrain perdu.

La Seconde Guerre mondiale, avec la participation active et sans réserve des ouvriers à l’effort de guerre, amène un développement rapide des syndicats, qui progressent en nombre et en influence. Ainsi, en 1945, la victoire électorale du travaillisme est-elle aussi une victoire du syndicalisme.


L’évolution contemporaine du trade-unionisme

Depuis 1948, les trade-unions n’ont cessé de jouer un rôle de premier plan dans la vie politique tout comme dans les relations industrielles : que ce soit comme alliés, tantôt coopérants, tantôt rétifs, des gouvernements travaillistes de 1945 à 1951 et de 1964 à 1970 ou comme interlocuteurs des gouvernements conservateurs (ceux-ci, par prudence, se sont efforcés de les ménager, notamment au cours de la période 1951-1964 [v. conservateur (parti)]). Leur force numérique est allée en croissant, car les effectifs ont continué de progresser régulièrement. Leur stratégie d’ensemble est définie chaque année au congrès du TUC, qui choisit parmi les orientations à prendre. Par ailleurs, leur action s’exerce en profondeur à l’intérieur du Labour Party, auquel ils fournissent le plus grand nombre de ses adhérents et de ses ressources financières, et sur la politique duquel ils pèsent d’un poids souvent déterminant. Mais les syndicats sont beaucoup plus que des grandes machines politiques ou des groupes de pression bien organisés. Ils occupent une place considérable dans la vie quotidienne des entreprises et des bureaux, et l’adhésion, même passive, des travailleurs est un élément essentiel de leur puissance.

Les principaux problèmes auxquels les trade-unions ont eu à faire face depuis une vingtaine d’années ont été les suivants : le maintien du plein-emploi — conquête essentielle de la période 1940-1950 — à cause des transformations technologiques (automation et informatique) et de la remontée inquiétante du chômage depuis 1969 ; le choix entre un syndicalisme de gestion, collaborant avec les pouvoirs publics, et un syndicalisme de contestation, refusant l’intégration dans la société néo-capitaliste d’abondance ; le danger de sclérose et de bureaucratisme dans les appareils syndicaux, danger que renforce l’apathie fréquente à la base, mais qui, aussi, provoque souvent des conflits entre les éléments les plus militants (les délégués d’atelier, shop stewards, remuants et actifs) et le sommet, plus modéré et jouant un rôle de frein (c’est ce qui explique le nombre de « grèves sauvages », dites « non officielles », c’est-à-dire non reconnues par le syndicat) ; les luttes d’influence entre travaillistes et communistes (ces derniers, faibles sur le plan politique, ont toujours exercé une influence importante dans le mouvement syndical, par exemple parmi les mineurs, les électriciens, etc.) ; les rivalités de tendances au sein même du mouvement travailliste entre la droite et la gauche : la droite, qui détenait presque tous les postes clefs du TUC après la guerre, a peu à peu cédé du terrain devant la gauche, qui a pris le contrôle de certains des syndicats les plus puissants, comme ceux des ouvriers des transports et la métallurgie.