Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Tournai

V. de Belgique, dans le Hainaut ; 33 500 hab.


Dès l’âge de La Tène, le site de Tournai est occupé par l’homme. Capitale des Nerviens (Turris Nerviorum ou Turnacum) dont le territoire est occupé par César en 57 av. J.-C., chef-lieu de la Civitas Turnacensium à l’époque gallo-romaine, Tournai acquiert alors une grande importance stratégique en Belgique IIe, sur la route reliant la Germanie à l’Armorique. Centre économique très actif (commerce, extraction de la pierre et de la chaux, tannerie du cuir), la ville est fortifiée et dotée au ive s. d’une manufacture impériale d’équipements militaires. Vers 430, les Francs Saliens occupent Tournai, qui devient la capitale de leur roi Chlodion, puis celle de ses descendants Childéric et Clovis, qui y établissent leur palais et leur atelier monétaire. C’est à Tournai qu’est inhumé Childéric, dont le tombeau fut retrouvé en 1653. Mais, vers 486, Clovis décapitalise Tournai au profit de Soissons.

Incorporée en 511 au royaume de Clotaire Ier, en 561 à celui de Chilpéric Ier, Tournai devient un important évêché grâce à saint Éleuthère (v. 456-531), qui entreprend l’évangélisation de ses habitants. Après sa mon, l’évêché est uni à celui de Noyon, dont le siège est illustré de 641 à 660 par saint Éloi.

Refuge de Chilpéric Ier dans la seconde moitié du vie s., Tournai est incorporée à la Francia occidentalis par le traité de Verdun de 843. Peu après, elle fait partie de la marche que constitue Charles II le Chauve en faveur de son gendre Baudouin Ier Bras-de-Fer. Pénétrée par la navigation maritime qui remonte l’Escaut, Tournai devient un important portus, dont un raid normand interrompt momentanément les activités commerciales au début de 880. Tournai forme alors une seigneurie ecclésiastique dépendant de l’évêque, à qui Charles III le Simple abandonne les droits régaliens (droit de battre monnaie, etc.). Gouvernée par des échevins au début du xe s., la ville acquiert une importance économique (carrière de pierre, draperie) et religieuse considérable grâce à l’adoption, à la fin du xie s., de la règle de Cluny par l’abbaye Saint-Martin de Tournai et surtout grâce à la restauration, en 1146, du siège épiscopal de Tournai, dont le premier titulaire doit aussitôt reconnaître la commune que jurent les bourgeois de la ville en 1147-1153. Philippe II Auguste s’empare de la ville en 1187 et la place sous sa suzeraineté directe, lui imposant une redevance annuelle et l’envoi à son ost d’un contingent de 300 sergents.

Tournai, alors à son apogée, se manifeste par la célébrité de son école épiscopale, par la richesse de ses constructions (enceinte fortifiée, cathédrale, halles, ponts et maisons), par l’habileté de ses tombiers et tailleurs de pierre. Fidèle à la France et à Philippe le Bel, la place est en vain assiégée par Édouard III en 1340, au lendemain de la bataille de L’Écluse. Dévastée par des inondations, par des incendies et par la peste noire de 1348, la cité est victime de nombreux troubles et émeutes à caractère social jusqu’au début du xve s. Conservant une certaine activité économique grâce à ses ateliers de haute lisse et à la dinanderie, Tournai passe alors sous le contrôle des corporations (1420-1429). Proclamant leur fidélité à Charles VII, celles-ci font de leur ville la seule agglomération qui refuse alors l’autorité des Bourguignons dans le nord du royaume. Enlevée momentanément par les Anglais (1513-1518), la ville est prise en 1521 par Charles Quint et réunie aux Pays-Bas*.

Malgré l’héroïque défense de (Christine de Lalaing, princesse d’Épinay, Tournai se rend en 1581 à Alexandre Farnèse et reste espagnole jusqu’à sa conquête en 1667 par Louis XIV, qui la fait fortifier par Vauban et la dote d’un conseil souverain, érigé en 1686 en parlement, chargé d’opérer des « Réunions » en Flandre*.

Reconquise par le Prince Eugène en 1709, annexée aux Pays-Bas autrichiens en vertu des traités d’Utrecht et de Rastatt (1713-14), la place est dotée d’une garnison hollandaise (traité de la Barrière, 1715). Louis XV, après la victoire de Fontenoy (1745), reprend la ville, qui est restituée en 1748, par le traité d’Aix-la-Chapelle, à Marie-Thérèse d’Autriche.

En 1792, puis en 1794, Tournai tombe au pouvoir des Français ; annexée avec sa banlieue une première fois à la France par les décrets des 6 et 9 mars 1793, elle devient l’une des sous-préfectures du département de Jemmapes le 1er octobre 1795. Incorporée au royaume des Pays-Bas en 1815, puis au royaume de Belgique en 1830, Tournai est bombardée le 16 mai 1940 par les Allemands, qui détruisent de nombreuses œuvres d’art dans le centre de la ville.

P. T.

➙ Belgique / Flandre / Hainaut / Pays-Bas.

 P. Rolland, Histoire de Tournai (Casterman, 1956). / J. Plumet, l’Évêché de Tournai pendant la Révolution française (Nauwelaerts, Louvain, 1965).


L’art à Tournai

C’est surtout à partir du xiie s. et de la création d’un évêché indépendant de celui de Noyon (1146) que des monuments ont enrichi la ville. L’architecture civile et militaire y rivalise avec les édifices religieux, qui utilisent le calcaire bleu-noir, source de richesse locale. Les ateliers de sculpteurs tournaisiens, en effet, exportèrent pendant tout le Moyen Âge des cuves baptismales et des dalles funéraires taillées dans cette pierre locale, dont le poli imite le marbre.

Le pont des Trous, qui remonte au début du xive s., franchit l’Escaut sur trois arches protégées par une courtine et défendues par des tours à ses deux extrémités. Des façades romanes subsistent rue Barre-Saint-Brice. Le centre de la ville est constitué par la Grand-Place, dominée par le beffroi, un des plus anciens de l’Europe du Nord, entrepris à la fin du xiie s. La halle aux Draps, très restaurée à la fin du xixe s., le Bailliage, la grange aux Dîmes et l’église Saint-Quentin en occupent les différents côtés.