Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

autopropulsé (projectile) (suite)

Principe de fonctionnement

Les obus, lorsqu’ils sont lancés vers l’avant, font reculer en même temps le canon ou sa masse reculante. Les avions à hélice avancent alors que la masse d’air brassée par l’hélice est lancée vers l’arrière. Ces engins envoient vers l’arrière quelque chose qui leur est extérieur. L’engin autopropulsé, au contraire, lance vers l’arrière une charge prise sur sa substance même. Ainsi cette charge engendre-t-elle une force propulsive qui ne résulte pas de l’appui que la matière éjectée peut prendre sur le milieu ambiant. Cette force est donc la même, que l’engin fonctionne dans l’air, dans l’eau ou dans le vide. Elle peut être calculée en appliquant le principe de l’identité de l’action et de la réaction : la quantité de mouvement de ce qui est lancé vers l’avant est égale à la quantité de mouvement de ce qui est lancé vers l’arrière. Soit M la masse de l’engin à l’instant t, dv l’accroissement de la vitesse pendant le temps dt, μ la masse de matière éjectée par unité de temps, w la vitesse de la matière éjectée par rapport à l’engin. Si l’engin, non soumis à l’action de la pesanteur, se déplace dans le vide, on peut écrire que
dv = , dt,
c’est-à-dire que l’augmentation de la quantité de mouvement pendant un temps dt est égale à la quantité de mouvement de la masse éjectée pendant le même temps dt.

D’autre part, la force propulsive F de l’engin lui donne une accélération suivant la formule

d’où F dt = w μ dt, F = μ w. Cette formule montre que la force propulsive d’un propulseur, exprimée en kilogrammes, est égale au produit du débit-masse exprimé en kilogramme-masse par la vitesse d’éjection en mètres par seconde. Cette poussée est indépendante de la vitesse de l’engin. De même, on démontre que, dans ces conditions, la vitesse en fin d’autopropulsion est donnée par la formule

Si l’engin a une vitesse V0 au début de l’éjection, la vitesse V1 en fin d’éjection est donnée par la formule

Cette formule est applicable aux engins semi-autopropulsés, aux engins lancés à partir d’avions ou aux fusées à étages multiples (engins non soumis à l’action de la pesanteur et se déplaçant dans le vide).

La source d’énergie qui se trouve à bord du véhicule est, pour les armes autopropulsées, actuellement d’origine chimique et résulte de la combustion d’un combustible dans un comburant. Ces substances sont appelées ergols. La substance qui doit être éjectée à grande vitesse vers l’arrière est constituée par le gaz de combustion. Le comburant (ou oxydant) peut être l’air ambiant (cas des réacteurs aérothermiques, stato-, pulso- ou turboréacteurs) ou emporté par l’engin. Dans ce dernier cas, l’engin est appelé fusée.

Les ergols, ou propergols, peuvent être solides (fusée à poudre) ou liquides (fusée à liquide). Ces poudres sont sans dissolvant ou coulées. Les liquides sont : l’acide nitrique, l’oxygène liquide ou l’eau oxygénée pour les comburants ; les produits pétroliers ou d’autres produits, tels que l’aniline, l’alcool furfurylique, etc., pour les combustibles. Certains liquides, appelés monergols, jouent à la fois le rôle de comburant et de combustible, leur combustion étant en réalité une décomposition (eau oxygénée). D’une manière générale, les propergols solides et liquides ont des vitesses d’éjection et des consommations spécifiques comparables. Les fusées à poudre sont plus faciles à manipuler, mais les fusées à liquide ont des durées de propulsion plus longues.


Guidage des engins autopropulsés

Pour atteindre l’objectif fixé, l’engin doit être soit dirigé dès son départ dans la direction convenable avec un dispositif jouant un rôle analogue à celui du canon — il s’agit alors d’une roquette —, soit dirigé ou non dès son départ dans une direction convenable, puis guidé sur sa trajectoire par télé-ou autoguidage — il s’agit dans ce cas d’un missile*.

Les dispositifs de guidage initial sont très simples. Pour les engins légers à très courte portée, ce sont des tubes en tôle mince que l’on porte sur l’épaule. Pour les engins tirant à petite et à moyenne distance, le dispositif consiste en un ensemble de tubes cylindriques en tôle, montés sur un affût léger. Pour les engins tirant à grande distance, les tubes sont en général remplacés par des rails.

La dispersion des roquettes est assez importante. Elle est due pour une faible part au dispositif de lancement, pour une part plus importante aux causes d’ordre aérologique, mais surtout au mode d’autopropulsion (existence d’un véritable empennage gazeux et irrégularité de la combustion des agents propulsifs).


Différents emplois des roquettes

Ces engins sont utilisés soit à très courte portée (lance-roquettes antichars, ou L. R. A. C), soit pour battre une surface notable à petite ou à moyenne portée (arme de saturation avec de nombreux projectiles lancés simultanément), soit pour atteindre un objectif de grandes dimensions (V1 sur Londres en 1944).

• Les roquettes antichars ont l’avantage de permettre une bonne utilisation de la charge creuse. L’absence de rotation du projectile ne diminue pas en effet le rendement de cette charge. Le lance-roquettes est léger, et le tireur, qui épaule pour viser, doit tenir compte d’une zone arrière dangereuse, due à un jet de flammes au départ du coup. Pendant la Seconde Guerre mondiale existaient le bazooka américain et le Panzerfaust allemand, plus lourd et d’une portée supérieure. Des armes plus modernes sont actuellement en service, telles que le L. R. A. C. américain M 9 A de 60 mm et de 150 m de portée, les L. R. A. C. français de 73 mm (Mle 1950 ; portée 200 m) et de 89 mm F1 (portée 315 m).

• Les roquettes d’artillerie sont des engins à poudre tirés de rampes multiples à cadence très rapide. Parmi ces armes qui effectuent des tirs de saturation à courte portée à cause de leur grande dispersion, on citera :
— les roquettes américaines M 16 de 114 mm, tirées par le lance-fusées T 66 de 24 tubes sur remorque (projectile de 19 kg, portée 4 700 m) ;
— les orgues de Staline soviétiques, lance-fusées de 8 ou 35 glissières, lançant un projectile de 6,5 kg à 6 200 m ou un de 25 kg à 8 000 m ;
— les Nebelwerfer allemands, pouvant tirer, en une première version, 6 projectiles de 35 kg à 6 500 m ou, dans une seconde version, 5 projectiles de 112 kg à 7 800 m.

• Les roquettes d’avions sont employées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale tant contre les appareils adverses que pour l’attaque d’objectifs (troupes, blindés, etc.) au sol. (V. chasse aérienne.)

À ce type d’armes, il faut rattacher le V1 allemand de 1944, l’Honest John américain, capable de transporter une charge nucléaire*, ainsi que les canons sans recul et les projectiles semi-autopropulsés.

Efficaces aux petites et moyennes portées, les roquettes ont l’inconvénient de manquer de précision. Pour l’obtenir, on doit recourir au guidage du projectile sur sa trajectoire : il s’agit alors de missiles*.

A. D.

➙ Missile / Nucléaire / Projectile / Tir.