Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

autorité

Qualité qui permet à un acteur social d’exercer le droit ou le pouvoir de commander ou de se faire obéir.



Introduction

Pour préciser le sens de ce terme, il faut d’abord distinguer les différentes relations d’autorité, les cadres institutionnels dans lesquels ces relations s’exercent ainsi que les différents systèmes de valeurs qui assurent leur légitimité. Il apparaît alors qu’aux différents niveaux ainsi distingués se font jour des exigences si difficilement compatibles qu’une représentation cohérente du phénomène pris dans son ensemble est extrêmement malaisée.

On peut partir de cette définition proposée par un théoricien des organisations, Chester I. Barnard : « Un individu peut accepter, et en fait acceptera, comme revêtue d’autorité une communication si, et seulement si, celle-ci satisfait simultanément à quatre conditions : a) il peut comprendre et en fait comprendra le message ; b) au moment où il aura à mettre en œuvre cette instruction, il est convaincu que celle-ci n’est pas contradictoire avec les buts de l’organisation ; c) au moment de la prise de décision, il est convaincu que le message ne met pas en danger ses intérêts personnels ; d) et enfin il est physiquement et mentalement capable de s’y conformer. »

On peut distinguer l’autorité à la fois de la force et du pouvoir. Pour montrer que l’autorité est autre chose que la force pure, il suffit de souligner que le recours à cette dernière constitue une ultime instance, relativement rare et éventuellement coûteuse. « Je lui dis viens et il vient. Je lui dis va et il va. » Cette docilité constitue le signe même de l’autorité. Il s’agit bien de pouvoir, et même de son accroissement, puisque celui qui est revêtu d’autorité, en s’assurant le concours d’autrui, accroît l’étendue de son contrôle sur les choses et sur les gens ; mais ce pouvoir s’exerce à l’intérieur d’une hiérarchie de statuts et entre des personnes.

L’autorité est une qualité des relations de subordination, qui s’apprécie de deux manières. D’abord, elle se définit par rapport au fonctionnement du système de statuts ou par rapport à l’efficacité du système social (c’est évidemment dans cette perspective que s’est placé Barnard) ; en outre, du point de vue des acteurs concernés, elle se caractérise par son acceptabilité. Selon Barnard, l’acceptabilité d’une instruction donnée, c’est la probabilité que celle-ci tombe à l’intérieur d’une « zone d’indifférence », constituée par l’ensemble des commandements auxquels un individu peut se trouver effectivement soumis et qui lui apparaissent ou bien comme presque acceptables ou bien comme presque inacceptables. Si l’on pose qu’il doit exister une liaison entre l’acceptabilité des ordres et l’efficacité de l’action collective, le problème de l’autorité est ramené à celui des conditions dans lesquelles cette liaison peut être satisfaite.


L’autorité démocratique

Les quatre propositions énoncées par Barnard mettent l’accent sur deux caractères que tout commandement doit posséder pour être revêtu d’autorité. Il faut qu’il soit compréhensible (ce sont les énoncés a et d) ; il faut, en outre, qu’il ne donne pas lieu à conflit (ce sont les énoncés b et c). En ce qui concerne la compréhension du commandement, elle dépend à la fois de la difficulté intrinsèque de l’injonction et des capacités physiques et mentales de l’exécutant éventuel. Pour ce qui est de la dimension conflictuelle, elle doit être envisagée de deux points de vue. D’abord les dispositions de l’exécutant risquent de devenir défavorables si celui-ci a le sentiment que ce qui lui est demandé est contraire à son propre intérêt. Ce point a été clairement illustré par les sociologues industriels, qui ont étudié les phénomènes de freinage ou de résistance des ouvriers devant l’introduction de méthodes nouvelles, qu’ils soupçonnent de fournir au patron un surplus de profit. Cependant les risques de conflit résultent non seulement de la différence entre les buts de l’organisation et ceux de tel ou tel de ses membres, mais aussi du comportement du titulaire de l’autorité, qui entend asservir l’exécutant à ses fins propres, tout en prétendant parler au nom de la discipline et de l’intérêt supérieur de l’organisation. Le soupçon que les règlements ne sont pas faits pour le bon fonctionnement du service, mais pour la commodité et dans l’intérêt de ceux qui les ont faits, produit la méfiance des subordonnés et entraîne des effets allant de l’absentéisme à la contestation active.

L’autorité peut se définir comme un ensemble de tâches compréhensibles pour les exécutants et qui ne les mettent en conflit ni avec eux-mêmes ni avec les dirigeants de l’organisation. Ce sont à des vues tout à fait voisines qu’étaient parvenus les psychosociologues de l’école de Kurt Lewin. La distinction qu’ils proposent entre trois types de leadership — autoritaire, démocratique, non interventionniste — est introduite dans un cadre semi-expérimental ou quasi expérimental. Un groupe d’adolescents est placé, pour l’exécution d’une tâche, sous le contrôle d’un adulte qui, tour à tour, exercera l’autorité selon les trois modes définis préalablement par l’expérimentateur. Le résultat de cette expérience, c’est que l’autorité démocratique est à la fois la plus efficace — ce que montre la productivité du groupe dans la tâche en question — et la plus satisfaisante — si l’on en juge d’après l’opinion des participants eux-mêmes.

Que faut-il entendre par leadership démocratique ? Le moniteur a reçu trois séries d’instructions très précises. D’abord, il motivera les appréciations qu’il est amené à porter sur les participants (il s’abstiendra de tout jugement abrupt, surtout de jugement négatif). En second lieu, il s’abstiendra de décider à la place du groupe, dont il devra respecter l’autonomie. Pourtant, il est invité à ne point « laisser faire », à ne pas prendre vis-à-vis du groupe une distance excessive. S’il lui est interdit d’imposer au groupe les solutions qui ont sa préférence, il doit s’employer, en fournissant toutes les informations demandées, à faciliter la prise de décision collective.