Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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thérapeutique (suite)

Visées des traitements

On peut classer les attitudes thérapeutiques en fonction des résultats escomptés : soulager ou guérir le malade, modifier le cours de la maladie afin de la rendre compatible avec une vie normale. On se trouve ainsi devant trois sortes de thérapeutiques : symptomatique, étiologique, physiopathologique, cette dernière pouvant parfois se rattacher à l’une ou à l’autre des précédentes.


La thérapeutique symptomatique

Elle vise à soulager ou à atténuer les symptômes d’une maladie sans préjuger de sa cause. Ainsi une céphalée violente peut être calmée dès son apparition par les analgésiques (amidopyrine, morphine), mais cette thérapeutique symptomatique est néfaste si le diagnostic n’est pas encore posé, car elle peut masquer les signes de l’affection et retarder ainsi le traitement de la cause. Par contre, dans certains cas tels que la syncope, l’hémorragie, le choc, le traitement symptomatique doit être appliqué immédiatement, le diagnostic étant reporté au moment où le risque vital est écarté. Enfin, le traitement symptomatique trouve une indication importante chez les malades incurables, à qui le seul service à rendre est de les laisser souffrir le moins possible.


La thérapeutique physiopathologique

Elle s’adresse aux mécanismes qui entraînent les troubles. Par exemple, le traitement physiopathologique du coma hypoglycémique (par chute du taux de sucre sanguin) est l’administration de sucre, celui du diabète étant l’administration d’insuline, qui corrige l’hyperglycémie (excès de sucre sanguin) du diabète mais ne guérit pas celui-ci. Les diurétiques soulagent l’hypertension artérielle ou l’insuffisance cardiaque en faisant éliminer un volume important de liquide de l’organisme, mais ne traitent pas la cause de ces maladies.

Le traitement physiopathologique n’est parfois qu’un traitement symptomatique plus poussé, qui s’exerce sur le mécanisme physiologique du trouble, mais qui peut parfois suffire à la guérison lorsque le mécanisme en question est l’origine même de la maladie : par exemple dans les intoxications, l’administration d’un antidote au toxique est un traitement physiopathologique, mais c’est en même temps un traitement étiologique.


La thérapeutique étiologique

S’adressant à la cause de la maladie, c’est évidemment la plus importante, lorsqu’elle est possible. Ainsi, la fièvre typhoïde est traitée par le chloramphénicol, antibiotique actif contre le bacille d’Eberth, qui en est la cause, et on peut parler de traitement étiologique. Les autres moyens employés pour faire baisser la fièvre, soutenir le cœur et la tension artérielle, soulager les maux de tête n’étant que des adjuvants.

Il convient, d’ailleurs, en présence d’une fièvre non encore diagnostiquée, d’éviter l’emploi intempestif d’antithermiques (aspirine, quinine, etc.), voire d’antibiotiques, qui risquent de masquer les symptômes et de retarder le diagnostic de la cause et par suite le traitement de celle-ci.

Les trois démarches ci-dessus peuvent être illustrées par un exemple : un malade consulte pour une anémie aiguë (pertes de connaissance, pâleur intense). Le traitement symptomatique et urgent de cet état est une transfusion. À la suite d’examens complémentaires, on découvre que le mécanisme de cette anémie est une carence en fer. Le traitement physiopathologique consistera alors à administrer du fer au malade. L’anémie se trouve corrigée, mais on ne sait toujours pas pourquoi ce malade manquait de fer. Des investigations plus poussées découvrent alors un ulcère duodénal qui saigne à bas bruit de façon chronique. Ce n’est alors que le traitement médical ou chirurgical de cet ulcère qui sera le traitement étiologique de l’anémie et la guérira définitivement.


Dangers et inconvénients des thérapeutiques modernes

À cette époque de découvertes incessantes de nouveaux médicaments, le praticien se trouve en présence de nombreuses présentations pharmaceutiques, de spécialités, pour traiter avec des résultats divers pratiquement toutes les maladies. Employés à doses convenables, les médicaments nouveaux ne sont pour la plupart pas toxiques, mais l’enthousiasme suscité par la mise en œuvre de nouvelles méthodes entraîne souvent des excès dont les effets secondaires peuvent être néfastes. Il en est ainsi pour les anticoagulants*, les corticoïdes, les antibiotiques*. Ces derniers sont un excellent exemple de cet enchaînement. Aux États-Unis d’Amérique, en 1974, une prescription sur cinq comporte des antibiotiques. En cinq ans, le nombre de prescriptions d’antibiotiques a augmenté de 25 p. 100, cet accroissement étant particulièrement net dans les hôpitaux, où les excès de l’antibiothérapie ont créé une pathologie nouvelle d’une extrême gravité qu’on appelle l’hospitalisme infectieux. À l’origine, on trouve le phénomène de résistance aux antibiotiques, caractérisé par le fait que les germes développent des moyens de défense à l’égard des antibiotiques avec lesquels ils sont en contact, lorsque la dose n’est pas d’emblée suffisante pour les tuer. On a pu isoler sur des souches bactériennes des fragments d’ADN, dits « plasmides », responsables de cette résistance et qu’on a nommés facteur R (de résistance). Le facteur pourrait même être transmissible d’une bactérie à l’autre. La résistance des germes hospitaliers aux antibiotiques a entraîné une forte augmentation des doses administrées, avec l’entrée dans le cercle vicieux d’un renforcement parallèle de la résistance des germes, sans parler de l’inconvénient que constitue le prix de revient de ces médicaments. Un autre aspect du problème, psychologique celui-là, est que l’existence de la prétendue protection antibiotique autorise parfois la négligence des règles de l’hygiène la plus élémentaire.

Un courant énergique se dessine actuellement vers une limitation de l’emploi des antibiotiques aux cas de véritable nécessité, et en particulier vers l’abandon des antibiothérapies dites « de couverture », préventives, en vue d’une éventuelle inflation contre un germe inconnu, par exemple lors d’une extraction dentaire, et qui ne font que créer davantage encore de souches résistantes.