Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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théâtres de musique (suite)

Au début de l’ère chrétienne, en Europe, les officiants se mêlent au peuple dans les cérémonies du culte. Peu à peu, dans la mesure où, à l’église, les prêtres placés dans le chœur se séparent des fidèles, ils deviennent les acteurs d’un drame sacré apparenté à la tragédie antique. Au Moyen Âge, cette division s’accentue. Les tropes, véritables paraphrases des textes sacrés qui se chantent à l’église (à l’intérieur ou sous le porche) ou dans le cloître, annoncent le drame liturgique. Par la suite, en France et en Italie, les jeux, miracles, mystères, Sacre Rappresentazioni, moralités, etc., sont joués sur des tréteaux. Durant la Renaissance, les représentations profanes ont lieu soit dans les cours princières (en plein air ou à l’intérieur des palais), soit dans des maisons privées (à la ville ou à la campagne).

Mais déjà une invention originale, la scène d’illusion en perspective, transforme le théâtre, et par suite le drame lyrique naissant. Après les représentations de l’Euridice (1600) de J. Peri au palais Pitti à Florence et de l’Orfeo (1607) de C. Monteverdi* au palais ducal de Mantoue, l’opéra gagne Rome, Venise et Naples. Mais tandis que les cours et les académies européennes construisent leurs propres théâtres — en Pologne, Ladislas IV édifie le sien en 1637 —, le nouveau genre lyrique suscite un autre type de salle, qui rompt avec le milieu aristocratique : l’Opéra public. Alors qu’en 1632 les Barberini construisent à Rome un immense théâtre privé, le teatro Quatro Fontane, la république de Venise inaugure en 1637, avec l’Andromeda de F. Manelli, son premier théâtre payant, le San Cassiano, qui comprend des loges réservées aux familles patriciennes, un parterre destiné aux spectateurs munis de billets et une galerie pour le personnel de service. Entre 1637 et 1700, d’autres théâtres voient le jour à Venise, le San Giovanni e Paolo (1639), le San Moise (1639), inauguré avec l’Arianna de Monteverdi, le Novissimo (1641), le Santi Apostoli (1649), le teatro di Saloni (1670), le Sant’Angelo (1677), le San Giovanni Crisostomo (1678) et le teatro di Cannaregio (1679). Après 1700, on comptera seize théâtres, qui adoptent tous le plan « à l’italienne » en hémicycle : en forme d’aimant, de lyre, d’U plus ou moins évasé ou d’ellipse tronquée, afin de donner aux salles la meilleure acoustique possible. Rome, où se construisent encore de nombreux théâtres privés comme le Capranica (1678), le teatro Pace (v. 1690) et le teatro delle Dame (1717), ouvre, en 1671, son premier théâtre public, le teatro Tor di Nona, en forme de fer à cheval, rasé sous le pontificat d’Innocent XII. En 1651, le vice-roi de Naples, comte d’Oñate, fait édifier un théâtre dans le parc royal, inauguré avec L’Incoronazione di Poppea de Monteverdi, dont la reprise se fera ensuite sur la scène publique de la Stanza di San Bartolomeo (1654-1737). À Florence, le théâtre de La Pergola est inauguré en 1656 avec La Tancia de J. Melani. Turin, vers 1678, a son théâtre ducal (puis royal). Tous ces théâtres ont souvent une courte existence, car ils sont généralement construits en bois et détruits par de fréquents incendies. Au xviiie s. sont édifiés à Rome le teatro Argentina (1732), à Turin le nuovo teatro Regio (1741), qui existe encore aujourd’hui, et à Padoue le teatro Nuovo (1751), devenu plus tard le teatro Verdi. Enfin, trois grands théâtres, le teatro San Carlo (1737, rénové en 1816) de Naples, la Scala (1778) de Milan et La Fenice (1792) de Venise, comptent encore de nos jours parmi les grandes scènes lyriques européennes.

En France, sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII, le ballet de cour se danse dans la salle du Petit-Bourbon, au Louvre, à l’Arsenal, à l’Hôtel de Ville et dans les châteaux de Saint-Germain, Vincennes, Fontainebleau et Chantilly. En 1636, Richelieu fait bâtir le théâtre du Palais-Cardinal, où, à l’occasion du Ballet de la prospérité des armes de France (1641), le ballet est considéré comme un divertissement théâtral, les danseurs étant tenus d’évoluer sur la scène et non plus dans la salle. À l’encontre des salles italiennes, les salles françaises ont une forme rectangulaire, longue et étroite, qui prévaudra jusqu’au milieu du xviiie s. Sous Mazarin, les représentations d’opéras italiens ont lieu au Petit-Bourbon (La Finta Pazza de G. Strozzi, 1645), au Louvre (Serse de P. F. Cavalli, 1660) ou au Palais-Cardinal, devenu Palais-Royal (Orfeo de L. Rossi, 1647). En 1661, Louis XIV fait construire par Gaspare Vigarani (v. 1586-1663) la salle dite « des machines » des Tuileries, où est représenté le dernier opéra italien (P. F. Cavalli, Ercole amante, 1662). Après la fondation de l’Académie royale de musique (1669), l’opéra français, né au jeu de paume de la Bouteille, s’installe après la mort de Molière (1673) dans la salle du Palais-Royal jusqu’en 1763. Il émigré ensuite provisoirement dans la salle des machines des Tuileries, tandis qu’on agrandit la salle du Palais-Royal. Celle-ci, inaugurée en 1770, brûle en 1781. L’opéra se transporte alors dans la salle des Menus-Plaisirs, puis au théâtre de la Porte-Saint-Martin jusqu’au moment où il s’installe dans la salle Montansier (1794), rue de Richelieu. Après l’assassinat du duc de Berry (1820), la salle est fermée et détruite. L’opéra occupe alors la salle Favart, puis la salle Louvois, enfin la salle de la rue Le Peletier, incendiée en 1873. En 1874, l’opéra s’établit dans la salle Ventadour avant de prendre possession du Théâtre national actuel, inauguré en 1875. Quant à l’opéra-comique, il se joint à la Comédie-Italienne en 1762, avant de s’installer salle Favart (1783). Il fusionne ensuite avec le théâtre de Monsieur (1789), devenu théâtre Feydeau, et occupe la salle Feydeau, puis la salle Ventadour (1829), la salle des Nouveautés (1832), la deuxième salle Favart (1840) et, après l’incendie de celle-ci (1887), la salle de l’ancien Théâtre lyrique (Châtelet) avant de prendre possession de la troisième salle Favart (1898). À l’heure actuelle, le théâtre de l’Opéra-Comique est devenu un théâtre d’essai.