Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Termites (suite)

Les termitières

Si certains Termites primitifs s’établissent à l’intérieur des vieux arbres, la plupart des espèces construisent leurs nids selon un plan déterminé et avec des matériaux variés : argile, humus, carton de bois, ou bien leurs propres excréments.

Parmi les termitières les plus complexes, il faut citer celles de Bellicositermes d’Afrique, qui dresse ses clochetons de terre à plusieurs mètres au-dessus du sol, protégé par une muraille impénétrable ; l’habitacle délicat, truffé de logettes et de galeries, enserre la cellule royale. Chez quelques espèces (Eutermes fungifaber par exemple), le nid est surmonté d’un chapeau de terre qui le protège des intempéries et lui donne l’aspect d’un énorme champignon. Amitermes meridionalis d’Australie doit son nom de « Termite-boussole » à son édifice en forme de muraille verticale, toujours orienté nord-sud.

Quelques formes appuient leur nid contre le tronc des arbres ; d’autres, utilisant un carton de bois, suspendent le leur aux branches, mais prennent soin de le relier au sol par des galeries de terre appliquée contre l’écorce.

La construction représente une œuvre collective, assurée par les ouvriers, sans plan préétabli, mais témoignant d’une corrélation étonnante entre les activités des individus ; ceux-ci paraissent stimulés par leur propre travail et celui de leurs voisins ; c’est cette stimulation déclenchant une réponse adaptée que P.-P. Grassé a appelée stigmergie. La termitière est en remaniement continuel et s’agrandit en même temps que la population qu’elle abrite ; avant d’émerger en cathédrales élancées, les nids restent souterrains plusieurs années, puis l’habitacle subit un exhaussement lent, tandis que s’élève la muraille.


Nutrition

Les Termites sont essentiellement xylophages, mais bien des espèces, surtout parmi les formes supérieures, ajoutent au bois diverses substances végétales (feuilles, tiges jeunes, humus). Seuls les ouvriers se montrent capables d’assimiler la cellulose, et encore ne le font-ils que grâce aux micro-organismes anaérobies qui pullulent dans leur panse rectale : Bactéries chez les Termitidés, Flagellés du groupe des Métamonadines (exemple : Trichonympha) chez les Termites inférieurs ; il s’agit là d’un cas typique de symbiose. Les Flagellés phagocytent les particules de bois et, à partir de la cellulose, libèrent divers acides assimilables, comme l’acide acétique et des acides gras ; ils dégradent également la lignine.

Soldats et sexués dépendent des ouvriers pour leur alimentation ; ceux-ci leur procurent une sécrétion salivaire d’aliments régurgités (aliment stomodéal) et un liquide riche en symbiotes, émis par l’anus, mais distinct des excréments (aliment proctodéal). D’autre part, les exsudations émises par le tégument des individus, spécialement des sexués et des jeunes, sont fréquemment léchées par leurs congénères. L’ensemble de ces échanges alimentaires (trophallaxie) joue un grand rôle dans la cohésion de la société, chez les Termites comme chez les autres Insectes sociaux.

En consommant le bois plus ou moins décomposé, les Termites absorbent aussi le mycélium des Champignons qui s’y trouvent. Mais les espèces de la sous-famille des Macrotermitines réalisent, à l’intérieur de la termitière, une véritable culture, soit de Xylaria (Ascomycète), soit de Termitomyces (Basidiomycète) ; les Termites champignonnistes malaxent des débris végétaux pour confectionner des « meules » d’aspect spongieux, sur lesquelles il effectuent des cultures pures. Ce n’est pas le Cryptogame qu’ils consomment, mais la matière de la meule, transformée et rendue assimilable par l’activité du Champignon.

Tous les Termites ont besoin d’eau ; dans les déserts ou en période de sécheresse, ils forent des galeries verticales très profondes, jusqu’à la nappe aquifère.


Reproduction et essaimage

Qu’ils restent emprisonnés à vie dans la cellule royale ou qu’ils puissent se déplacer à l’intérieur de la termitière, le roi et la reine assurent seuls la fonction reproductrice. À l’aide de spermatozoïdes sans flagelle — cas exceptionnel chez les Insectes —, le mâle féconde périodiquement la femelle ; celle-ci pond continuellement, du moins dans les régions où les conditions climatiques restent favorables toute l’année ; chez les formes européennes, on compte quelques centaines ou quelques milliers d’œufs par an ; pour Bellicositermes natalensis, la fécondité atteint 36 000 œufs par jour ! Une forte mortalité affecte de telles pontes.

Chaque année, à une date qui varie d’une espèce à l’autre et est influencée par la saison, certains jeunes, appelés nymphes et munis de fourreaux alaires, subissent une mue et deviennent des imagos ailés ; à un moment donné, les ouvriers percent des orifices à travers la muraille du nid, et ces nouveaux adultes s’échappent en masses impressionnantes : c’est l’essaimage. Le vol dure peu ; posés sur le sol ou sur la végétation, les Insectes perdent leurs ailes, les couples se forment et exécutent pendant quelques heures une promenade nuptiale ; puis chacun d’eux s’enfonce dans la terre ; fondateurs d’une nouvelle société, le mâle et la femelle aménagent les premières galeries du nid, soignent les œufs et les larves de leur première ponte ; la division du travail s’établit dès l’apparition des ouvriers et des soldats dans la descendance.


Ancienneté et affinités

Les premiers Termites connus datent de l’Éocène ; l’ambre oligocène de la Baltique contient des Isoptères de diverses familles.

Des affinités de structure et de biologie entre les Blattes et les Termites justifient leur réunion dans le même super-ordre des Blattoptéroïdes : appareil buccal broyeur, nervation primitive des ailes, régime alimentaire. La Blatte américaine xylophage Cryptocercus vit en symbiose avec des Flagellés intestinaux tellement proches de ceux des Termites que l’on a pu en réaliser expérimentalement l’échange ; de plus, un Termite primitif d’Australie, Mastotermes darwiniensis, possède non seulement des Flagellés symbiotes, mais également des Bactéries vivant dans les cellules adipeuses, comparables à celles du Cryptocercus. Cela permet de supposer une origine commune aux deux groupes.

M. D.

 E. Marais, Mœurs et coutumes des Termites (Payot, 1938). / J. de Feytaud, le Peuple des Termites (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1946 ; 3e éd., 1966).