Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

temps (suite)

Mesure du temps

Les progrès de l’astronomie et surtout de la physique ont, notamment depuis 1950, introduit en plus du temps solaire moyen, reposant intégralement sur la rotation terrestre, d’autres sortes de temps, et, dans ce domaine, diverses méthodes de mesure coexistent aujourd’hui. Elles se classent en deux catégories.

• L’une d’elles, se rapportant en particulier aux temps astronomiques, se déduit de l’étude des mouvements de corps célestes. La donnée immédiate est une échelle de temps qui constitue un système de référence permettant de classer les événements, leur succession ou leur simultanéité, en leur donnant des dates. Les astres et leurs mouvements sont des horloges naturelles.

• L’autre catégorie de mesures s’obtient par le cumul de périodes de phénomènes strictement périodiques. La donnée immédiate est un intervalle de temps étalon. L’unité de temps est alors définie par la durée d’un certain nombre de ces périodes. L’échelle de temps est déduite de l’unité par comptage (ou cumul ; on dit aussi « intégration »).

Le temps n’est pas absolu : on ne peut pas parler du temps sans préciser le système de référence auquel on rapporte ses observations. Toutefois, les effets relativistes sont petits et l’on peut définir un temps terrestre valable pour tous. Mais cela n’est vrai qu’à environ 10–13 près, et les étalons atomiques de fréquence atteignent déjà presque des stabilités de cet ordre. La gamme des durées qui peuvent être mesurées, ou au moins estimées, s’étend de l’âge de l’Univers (10 milliards d’années, ou 3 × 1017 s) à la période des rayons cosmiques (3 × 10–23 s) ; ces durées sont donc dans un rapport de 1040.


Horloges naturelles

À la rotation de la Terre s’attache le temps universel, à sa translation autour du Soleil s’attache le temps des éphémérides.

• La détermination du temps universel est effectuée en principe par observation du Soleil et en fait par observation d’étoiles dont la position par rapport au Soleil est déterminée. Trois types d’instruments sont utilisés : les lunettes méridiennes à mesure visuelle ou photoélectrique, les lunettes photographiques zénithales — qui donnent la plus faible erreur aléatoire (5 ms pour l’observation d’un groupe d’étoiles) et systématique (2 ms), mais imposent un choix très particulier d’étoiles — et enfin les astrolabes, qui observent les passages d’étoiles à une hauteur constante dans tous les azimuts.

• Le mouvement de translation de la Terre autour du Soleil permet de définir le temps des éphémérides (TE). Sa détermination est effectuée en fait par observation de la Lune, dont on considère le mouvement en longitude, treize fois plus rapide que celui du Soleil. La méthode la plus moderne consiste à photographier simultanément la Lune et les étoiles environnantes. Le mouvement de la Lune étant soumis à de nombreuses perturbations, il est nécessaire d’étalonner l’horloge-Lune par rapport à l’horloge primaire que constitue le mouvement en longitude du Soleil. L’erreur accidentelle sur la détermination du temps des éphémérides est actuellement 0,1 s. Le défaut d’uniformité de ce temps est dû aux défauts de la théorie de rattachement au Soleil et est évalué entre 1 et 4 × 10–9.

L’évaluation des très grandes durées est effectuée par des procédés entièrement différents. La radioactivité fournit une solution à ce problème par l’intermédiaire de la « vie » des corps radioactifs, par exemple la datation par dosage du carbone 14.


Horloges artificielles et étalons de fréquence

Si on excepte les horloges à écoulement de liquide (clepsydres) ou de poudre (sablier), les horloges sont des générateurs de fréquences stables fournissant des intervalles de temps égaux. Pour réaliser un garde-temps, permettant de dater des instants, il faut accumuler ces intervalles de temps et les numéroter : c’est le rôle de la minuterie d’aiguilles dans l’horlogerie classique, des compteurs électroniques dans la chronométrie moderne.

Jusque vers 1925, tous les garde-temps utilisaient les oscillations mécaniques d’un pendule ou d’un balancier-spiral, méthodes dues à Huygens*. Puis on fit appel aux diapasons entretenus électriquement (fréquences de l’ordre de 1 kHz). Vers 1930, les quartz piézoélectriques apportèrent un progrès considérable et durable. Ce sont encore des vibrateurs mécaniques dont l’entretien est assuré par un amplificateur électronique. Leur fréquence est de 1 ou 5 MHz ; elle peut être démultipliée électroniquement et amenée à une valeur suffisamment basse (1 000 Hz) pour permettre le fonctionnement d’un moteur synchrone entraînant les aiguilles. En réalité, au moyen de compteurs électroniques en cascade, dont chacun émet une impulsion lorsqu’il en a reçu un certain nombre, il est aisé d’obtenir une impulsion électrique à chaque seconde. Ces impulsions extrêmement brèves et régulières permettent de comparer les indications d’horloges différentes à une fraction de microseconde près.

Le premier garde-temps atomique fut le maser à ammoniac : un jet de molécules triées selon leur état pénètre dans une cavité résonnante où ces molécules changent d’état en produisant un courant à hyperfréquence (24 GHz). Il fut supplanté par des appareils plus maniables tels que le résonateur à rubidium. Les atomes de rubidium 87, amenés dans un état dit « F = 2, m = 0 » par « pompage* optique », sont contenus dans une cellule placée dans une cavité accordée sur la fréquence de leur transition vers l’état F = 1, m = 0. Si la cavité est excitée à cette fréquence, elle induit cette transition, ce que l’on détecte par un procédé optique. Cela permet de régler exactement sur la fréquence atomique (6,8 GHz) le générateur hyperfréquence excitant la cavité. On lui adjoint un oscillateur à quartz asservi à une fréquence sous-multiple.

Dans le maser à hydrogène atomique, où on utilise la transition entre les niveaux F = 1, m = 0 et F = 0, m = 0, la même idée a été réalisée : on reçoit les atomes dans un ballon en silice à parois revêtues de Téflon sur lesquelles ils rebondissent environ 100 000 fois. On obtient ainsi une résonance particulièrement aiguë (fréquence de 1,42 GHz).

Un étalon atomique à jet de césium et son horloge à quartz asservie délivrent après démultiplication de fréquence des impulsions séparées par une seconde (atomique), constituant, après numérotage, une échelle de temps atomique dont le défaut d’uniformité n’est que 2 × 10–12 environ. La précision de lecture peut atteindre la nanoseconde.