Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

temps (suite)

Depuis 1955, le temps universel, donné par le résultat brut des observations, est désigné par TU 0 ; corrigé de l’influence du mouvement du pôle, il donne le temps TU 1, lequel, corrigé de l’influence de la variation saisonnière de la rotation terrestre, donne le temps TU 2. La synthèse des mesures mondiales de ce temps TU 2 conduit à l’heure définitive, connue à 1 ms près.

De nombreuses personnes, en particulier les journalistes, donnent une date et une heure dans l’échelle de temps universel en les faisant suivre du sigle GMT. C’est une erreur. Il faut utiliser le sigle TU ; GMT signifie en effet « temps moyen de Greenwich » ; or, l’échelle de temps universel est un temps civil.

L’échelle de temps universel ne peut être plus uniforme que l’échelle de temps sidéral. Pour l’établir, on utilise en effet des observations qui donnent l’angle horaire H du Soleil vrai, puis on lui ajoute l’équation du temps fournie par la théorie. Mais cette équation du temps contient les inégalités du temps sidéral, en particulier toutes les perturbations de la rotation de la Terre. C’est pour cette raison que l’échelle de temps universel (TU 2) a un défaut d’uniformité, assez élevé, de 10–7. Insensible il y a encore un siècle, ce défaut est maintenant jugé, dans certains cas, inacceptable.


Temps des éphémérides

Pour éviter les inconvénients précédents, on a songé à définir une nouvelle échelle de temps qui serait affranchie de la rotation de la Terre autour de son axe. Dans l’étude du mouvement de la Terre autour du Soleil (ou, ce qui revient au même, du mouvement du Soleil autour de la Terre), on peut assimiler la Terre à un point matériel, ainsi que le Soleil et les planètes ; la théorie, certes très difficile à faire, n’a pas cependant à tenir compte de phénomènes mal connus comme le frottement des marées ou l’influence des vents, ou de phénomènes imprévisibles tels que les brusques sauts observés dans la vitesse de rotation de la Terre, dont on ne connaît d’ailleurs pas l’origine avec certitude.

La théorie du mouvement du Soleil considérée comme étant la meilleure jusqu’à présent est celle qu’a faite, à la fin du xixe s., l’astronome américain Simon Newcomb (1835-1909) ; les Anglais et les Américains l’utilisent pour calculer les éphémérides du Soleil, c’est-à-dire la liste des positions du Soleil à minuit pour tous les jours de l’année. Les Français, pour ce faire, utilisent, dans la Connaissance des temps, recueil annuel d’éphémérides publié par le Bureau des longitudes, la théorie du Soleil d’Urbain Le Verrier (1811-1877). Newcomb avait trouvé pour la longitude du Soleil, c’est-à-dire pour l’angle que fait la direction Terre-point vernal avec la direction Terre-Soleil, l’expression
L = L0 + L1t + L2t2 + P(t),
dans laquelle L0, L1, L2 sont des constantes, soigneusement calculées par Newcomb, et P(t) une somme de fonctions périodiques de t. La longitude moyenne du Soleil est par définition
L′ = L – P(t) = L0 + L1t + L2t2.

Elle sert à définir une nouvelle échelle de temps, appelée temps des éphémérides, dont le défaut d’uniformité est d’environ 2,5 . 10–9, soit quarante fois plus faible que celui de l’échelle de temps universel. La seconde des éphémérides est l’unité de temps correspondant à cette échelle ; elle est définie comme une fraction de l’année tropique (temps qui s’écoule entre deux passages du Soleil au point vernal), choisie de telle sorte qu’elle soit voisine de la seconde de temps moyen, unité de temps de l’échelle de temps universel définie comme la 86 400e partie du jour moyen.

Si l’échelle de temps des éphémérides (TE) est plus uniforme que l’échelle de temps universel (TU), elle ne constitue pas pour autant une échelle de temps idéale. Le Soleil n’est pas un astre qui se prête à des observations astronomiques précises, et de plus son mouvement annuel est lent, si bien qu’on atteint l’échelle de temps des éphémérides en se servant du mouvement de la Lune comme intermédiaire. Ce mouvement est complexe et soumis, en dehors des forces gravitationnelles, à d’autres forces encore mal étudiées, si bien que le défaut d’uniformité moyen, estimé à 2,5 . 10–9, pourrait très bien atteindre le double de cette valeur. Mais, surtout, l’erreur accidentelle sur la valeur du temps des éphémérides à un instant donné, valeur calculée sur une moyenne portant sur un an après comparaison des mesures, peut atteindre 0,1 s. Pour l’échelle de temps universel, cette erreur est cent fois plus faible. Tout se passe comme si l’horloge donnant le temps des éphémérides, bien qu’excellente, avait une aiguille trop grosse, ne permettant de lire l’heure qu’à un dixième de seconde près, alors que l’horloge de temps universel, bien que moins uniforme, permet la lecture de l’heure au millième de seconde près. Enfin, le temps des éphémérides n’est guère commode à utiliser, car il n’est connu qu’avec un délai assez important, du fait qu’il faut dépouiller un grand nombre d’observations astronomiques. En 1974, la différence entre le temps des éphémérides et le temps universel était de l’ordre de 45 s.


Temps atomique

Les changements de niveau d’énergie des atomes donnent lieu à des phénomènes périodiques à très haute fréquence et extrêmement stables. Un atome d’un corps est formé d’un noyau comportant un certain nombre de protons portant chacun une charge électrique élémentaire positive. Autour du noyau tournent des électrons chargés négativement, mais les électrons peuvent changer d’orbite, chaque orbite correspondant à un niveau d’énergie déterminé. Quand un électron passe d’un niveau à un autre, il se produit un rayonnement électromagnétique de fréquence bien déterminée ν, égale au quotient de la différence d’énergie des deux niveaux E par une constante h, dite « constante de Planck » : ν = E/h. Par exemple, une certaine transition de l’atome de césium 133 entre les niveaux F = 4, m = 0 et F = 3, m = 0, étudiée en 1958, a donné une fréquence de 9 192 631 770 Hz, c’est-à-dire cycles par seconde de temps des éphémérides et a permis de définir la seconde. Les physiciens ont été amenés à penser que cette fréquence est d’une très grande stabilité, et l’on a décidé qu’elle servirait à définir une nouvelle unité, la seconde des éphémérides, qui serait la durée du nombre de cycles de la transition du césium. On dispose ainsi d’un moyen pour avoir une échelle de temps d’un nouveau genre par comptage d’un certain nombre d’unités mises bout à bout. Pour obtenir une échelle mondiale de temps, il faut comparer entre eux plusieurs étalons et réaliser par le calcul un étalon moyen. Cette échelle, appelée temps atomique international (TAI), est établie et diffusée par le Bureau international de l’heure, situé à l’Observatoire de Paris. Le défaut d’uniformité de cette échelle est de l’ordre de 10–13, soit un million de fois plus faible que celui de l’échelle de temps universel. Quant à la précision de lecture, elle dépend de la technique employée, mais varie de 0,001 s à 0,000 01 s. Comme cependant le temps universel a de nombreux usages et qu’il est en particulier exigé des navigateurs pour faire le point, le Bureau international de l’heure, qui continue à calculer très exactement le temps universel, diffuse au moyen des signaux horaires par radio une échelle de temps, appelée temps universel coordonné (TUC), qui est en fait l’échelle de temps atomique à laquelle on fait subir, si besoin est, un saut dans le numérotage des secondes pour qu’elle coïncide au mieux avec l’échelle de temps universel.