Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

technique de calcul analogique et hybride (suite)

 W. J. Karplus, Analog Simulation (New York, 1958). / A. E. Rogers et T. W. Connolly, Analog Computation in Engineering Design (New York, 1960 ; trad. fr. Applications industrielles du calcul analogique, Dunod, 1966). / M. Danloux-Dumesnils, le Calcul analogique par courants continus (Dunod, 1964). / G. A. et T. M. Korn, Electronic Analog and Hybrid Computer (New York, 1964 ; 2e éd., 1972). / G. A. Bekey et W. J. Karplus, Hybrid Computation (New York, 1968).

technocratie

Situation caractéristique de nombreuses sociétés industrielles, où le pouvoir de fait est progressivement accaparé par des experts de la haute administration.



Introduction

Le terme technocratie est de plus en plus souvent employé dans les débats publics. En dépit de son apparence savante — et peut-être à cause d’elle —, il a en quelques années connu une singulière fortune. De nombreux ouvrages lui ont été consacrés, à commencer par l’étude de Jean Meynaud, la Technocratie, mythe ou réalité ? (1964). On ne compte plus les articles de presse ou discours qui se réfèrent à la technocratie et aux technocrates, le plus souvent pour les dénoncer et leur imputer tous les maux dont souffrent nos sociétés.

C’est après la Première Guerre mondiale que le mot est apparu aux États-Unis. Il avait été forgé par des spécialistes des sciences sociales et plus spécialement par des économistes comme T. Veblen. Il apparut en France au cours des années qui suivirent la Libération. À cette époque se tint un colloque de sociologues consacré au thème « industrialisation et technocratie ». La nouvelle révolution industrielle du xxe s. entraînera-t-elle la domination des techniciens ? se demandait-on alors, faisant écho aux préoccupations du comte de Saint-Simon*.

À partir des années 1955-1960, les mots technocratie et technocrate tombent dans le domaine public. Les adversaires de l’Europe intégrée fustigent les technocrates de Bruxelles. La Ve République naissante est accusée, jusque dans les rangs de la majorité, de faire la part trop belle à une nouvelle franc-maçonnerie dont l’influence surpasserait celle des ministres en titre.

La technocratie n’est-elle qu’un mythe, comme l’affirment souvent ceux que l’on classe d’ordinaire dans cette catégorie ? L’un d’entre eux, Pierre Guillaumat, ne disait-il pas qu’un technocrate n’est en fin de compte qu’un technicien avec lequel on n’est pas d’accord ?

Dans le domaine social, il n’y a pas de fumée sans feu. Le recours constant à un mot, même équivoque ou chargé d’affectivité, n’est jamais dénué de signification : il est à lui seul un phénomène social ; il est parfois l’indice d’un malaise, voire d’une crise de la société.

Tel est bien le cas pour la notion qui nous préoccupe. Comme l’avait reconnu l’Association internationale de science politique, qui avait organisé en 1961 un colloque sur « le problème de la technocratie et le rôle des experts dans la vie politique », il y a un problème de la technocratie dans les États contemporains et plus particulièrement en France. L’une des interrogations fondamentales de la science politique n’est-elle pas de déterminer qui exerce la réalité du pouvoir dans les sociétés industrielles d’aujourd’hui ?


La notion de technocratie

Considéré de manière scientifique, c’est-à-dire en écartant tout jugement de valeur et toute idée a priori, le terme technocratie peut désigner soit le gouvernement des techniciens, soit le gouvernement par la technique.


La technocratie, gouvernement des techniciens

Le terme technocratie s’applique, en premier lieu, à une nouvelle forme de gouvernement des sociétés qui se distinguerait fondamentalement des systèmes politiques traditionnels : monarchie, démocratie, aristocratie, etc. Ainsi entendue, la technocratie serait le régime dans lequel le pouvoir suprême appartiendrait à la classe des techniciens, devenue le groupe dominant de la société industrielle.

Cette définition appelle deux remarques.

Le pouvoir attribué à la nouvelle élite serait un pouvoir de fait plus que de droit. Si l’opinion publique est généralement favorable au gouvernement des capacités, si certains auteurs comme James Burnham ont jugé inéluctable l’« ère des organisateurs », aucune constitution n’a jusqu’à présent reconnu aux spécialistes le privilège de gouverner la collectivité. Bien plus, si dans les sociétés modernes il y a dictature des techniciens, celle-ci est en contradiction avec les principes du droit public, qui, à l’Est comme à l’Ouest, stipulent que le gouvernement tire sa légitimité de l’élection populaire. La technocratie apparaît donc comme une confiscation du pouvoir par une fraction de la collectivité.

Reste à savoir ce qu’il faut entendre exactement par le vocable technicien.

D’un certain point de vue, le technicien s’oppose à l’ignorant, à l’amateur, au non-spécialiste. Il se définit par son appartenance à une catégorie professionnelle reliée à une branche des connaissances.

Dans une autre perspective, le technicien fait pendant à l’homme de science : le premier applique ses connaissances, mais aussi ses qualités et aptitudes à la solution de problèmes pratiques, dans le cadre d’organisations à finalités économiques ou sociales ; le second possède une connaissance théorique des phénomènes et se préoccupe avant tout de faire reculer les limites du savoir humain.

Enfin, il faut remarquer que le terme technicien, réservé jusqu’à une date récente aux spécialistes des sciences exactes, tend de plus en plus à être utilisé dans le domaine des sciences humaines.

Cette pluralité de significations ne facilite pas la tâche de celui qui s’efforce de donner un contenu concret à la notion de technocratie. Gouvernement des savants ? Gouvernement des ingénieurs ? Gouvernement des administrateurs ? Selon que l’on retient telle ou telle de ces acceptions, la signification du phénomène technocratique n’est pas la même.