Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

autofinancement

Remploi de ses profits par une entreprise*.


C’est seulement après la Seconde Guerre mondiale que, en France, l’autofinancement, pratiquement ignoré du fait de la stagnation de l’économie française au cours des années 30, est devenu un sujet d’analyse. Sous l’empire des nécessités, notamment en fonction de la modernisation de l’économie, et sous l’influence de la révolution keynésienne, qui insiste sur le rôle stratégique de l’investissement*, le rôle de l’autofinancement a, en quelque sorte, été découvert. L’énorme effort exigé par la reconstruction réclamait un accroissement rapide de la production et des investissements, et, par voie de conséquence, de considérables ressources de financement. L’autofinancement allait devenir dans ces conditions la méthode normale de financement de l’investissement.

Parallèlement, la création d’une comptabilité* nationale, au départ même des travaux qui devaient inspirer le premier plan de modernisation et d’équipement, dit « plan Monnet » (1947-1953), était subordonnée au rassemblement des statistiques nécessaires à l’établissement du compte capital des entreprises. Ainsi furent formulées les premières estimations des profits non distribués.

La connaissance de l’autofinancement a grandement progressé depuis lors, tant en raison des progrès de la comptabilité nationale que des travaux particuliers qui lui ont été consacrés ; la consultation des comptes de la nation et le rapprochement des bénéfices non distribués des entreprises avec leurs investissements permettent d’apprécier son rôle considérable. Ainsi, en 1965, la formation brute de capital fixe de toutes les entreprises non financières s’est élevée à quelque 65 milliards de francs, alors que les profits non distribués s’élevaient à quelque 43 milliards. L’autofinancement équivaut donc aux deux tiers de la formation brute de capital fixe. Si l’on ajoute à cette dernière la variation des stocks de cette année-là (1 milliard), on voit qu’il représente encore 65 p. 100 de l’investissement ainsi compris. En somme, c’est la pression de la croissance économique et l’ampleur du taux d’autofinancement qui ont fait apparaître son caractère irremplaçable. Par la suite, l’amenuisement des marges — consécutif à une concurrence internationale accrue, résultant elle-même de la réalisation du Marché commun — et l’intéressement* des salariés aux fruits de la croissance des entreprises ont fait rebondir l’intérêt porté à l’autofinancement.

L’autofinancement peut être regardé (M. Malissen) comme l’accroissement des éléments d’actif (ou la réduction de dettes) qu’une entreprise réalise au cours d’une période — généralement un exercice — à l’aide des ressources financières dégagées pendant la même période lorsque celles-ci ne proviennent ni d’apport des actionnaires, ni du produit d’emprunts additionnels à long, moyen ou court terme, ni de la réalisation d’autres éléments d’actif (les plus-values de cessions entrent toutefois en compte). Les ressources de l’autofinancement consistent donc en bénéfices réalisés et non distribués.

Remploi des profits non distribués, l’autofinancement n’est évidemment possible que dans la mesure où l’entreprise réalise des profits, c’est-à-dire parvient à dégager les liquidités nécessaires à partir des recettes tirées de la vente de ses produits. Plus généralement, si l’autofinancement peut être source d’expansion de l’entreprise, il n’en demeure pas moins qu’il ne pourra être poursuivi à long terme sans expansion corrélative des recettes de celle-ci. Il prend tout son sens et même sa justification lorsque est considéré le rôle fondamental qu’il joue dans la croissance* économique. La réalisation de bénéfices, que ceux-ci soient ou non retenus dans l’entreprise, présuppose, dans la grande majorité des cas, des investissements bien orientés et une gestion efficace. En effet, si des entreprises méconnaissent les besoins réels du marché, investissent exagérément dans des fabrications actuelles, le marché se trouvera rapidement saturé, les profits pourront baisser ou même disparaître, et l’autofinancement sera alors rendu plus difficile sinon impossible. Mais, si l’entreprise sait utiliser des profits élevés dans la recherche, la mise au point, le lancement de produits ou de services nouveaux, c’est-à-dire en innovant, elle peut améliorer sa compétitivité. C’est précisément pour ces produits nouveaux, dans lesquels elle a une chance de posséder, si elle est vraiment la première, une position de monopole, que des profits très élevés pourront être de nouveau réalisés. Une confusion doit être évitée : ce n’est pas l’autofinancement mais les profits élevés qui sont à l’origine de la croissance de l’entreprise ; sans profits élevés, l’autofinancement ne peut pas être pratiqué ; or, c’est la croissance à partir de l’autofinancement qui permet à l’entreprise de poursuivre celui-ci par la suite.

Sous la réserve, évidemment fondamentale, que le réinvestissement des profits ne donne pas lieu à un gaspillage, il est clair que l’autofinancement comporte pour l’entreprise des avantages et des effets bénéfiques :
1. l’entreprise qui pratique l’autofinancement s’enrichit des dettes qu’elle n’a pas contractées, d’une économie correspondant à la rétribution des capitaux qu’elle n’a pas sollicités et aux droits d’apports qu’elle n’a pas payés ;
2. le risque de dépréciation monétaire est partiellement conjuré ; si l’entreprise, en effet, s’était bornée à verser aux fonds d’amortissement des annuités calculées pour compenser la dépréciation des installations en cours, par référence à leur valeur d’origine, elle aurait pris le risque, en cas de dépréciation monétaire, de n’être pas en mesure de reconstituer les éléments d’actifs amortis et d’avoir à parfaire, par de nouveaux apports, la dotation du fonds d’amortissement. L’utilisation immédiate des disponibilités du fonds d’amortissement permet d’acquérir des installations dont la valeur s’accroîtra si la monnaie se déprécie ;
3. lorsque l’entreprise est stable, le risque que lui fait courir l’autofinancement est faible en considération des bénéfices supplémentaires résultant d’une expansion de son activité ;
4. l’entreprise qui pratique l’autofinancement s’assure dans l’immédiat une plus grande indépendance à l’égard du marché des capitaux et un meilleur crédit (la valeur de son actif augmentant, elle constitue donc une meilleure garantie). Mais l’autofinancement implique l’incorporation dans le prix de revient de charges fixes (amortissement) supplémentaires, il paraît donc réservé aux entreprises dont les autres éléments du prix de revient sont susceptibles d’être abaissés. Les entreprises marginales ou les entreprises dont le prix de revient ne pourrait être abaissé que par l’effet des installations nouvelles acquises par autofinancement se trouvent donc pratiquement exclues du bénéfice de cette pratique.