Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tchécoslovaquie (suite)

En Slovaquie, le principal témoin de l’architecture gothique du xive s. est la cathédrale Sainte-Élisabeth de Košice, construite dans le style de Parler. L’influence de l’atelier qui a travaillé à la construction de cette cathédrale est visible dans toute la Slovaquie orientale, et ce non seulement dans l’architecture, mais aussi dans la sculpture et la peinture. À la fin de l’époque gothique, la ville de Levoča devient prépondérante grâce au maître Pavel, auteur notamment du maître-autel et de l’autel de la Nativité de l’église Saint-Jacques de Levoča (1508-1518), chefs-d’œuvre de l’expression réaliste dans le gothique européen tardif.

À la même époque, un essor considérable marque l’architecture civile, celle des châteaux et celle des villes tchèques et slovaques, en plein renouveau (hôtels de ville). Le caractère de base d’un grand nombre de villes remonte d’ailleurs aux siècles gothiques.

De tous les arts, c’est la peinture qui s’est transformée le plus tardivement. Au début du xive s. encore, on peint en Bohême et en Slovaquie dans le style roman byzantin. Le tableau gothique apparaît vers le milieu du xive s. grâce aux peintres de cour de Charles IV, et particulièrement grâce au maître Theodorik, qui garnit la chapelle du château de Karlštejn d’un ensemble splendide de panneaux consacrés aux saints et aux prophètes (1365-1367). À la fin du siècle apparaît en Bohême du Sud un autre peintre génial, que l’on appelle, d’après son lieu d’activité, le « maître de Třeboň ». Il utilise le clair-obscur dans la création de scènes sacrées qui réalisent une synthèse de l’idéalisme et du réalisme gothiques.


La Renaissance

L’architecture tchèque a conservé jusqu’au début du xviie s. les principes architectoniques de base du Moyen Âge et n’a accepté les formes de la Renaissance italienne que dans la décoration extérieure. Un nouvel art tchèque est né ainsi, du moins dans le domaine laïque, car l’Église resta fidèle au style précédent.

Par l’intermédiaire des maîtres transalpins qui travaillèrent au château de Prague (pavillon d’été du Belvédère, 1538-1563) fut introduit en Bohême un art purement italien. Les principales familles nobles se firent bâtir à Prague quelques splendides palais et en province de nombreux châteaux pleins de charme (Pardubice, Litomyšl, Opočno, Bučovice).

La Renaissance s’implanta plus tôt en Slovaquie grâce au roi Mathias Corvin et à sa cour de Buda (v. Hongrie), où il employait de grands maîtres florentins. Ce style rencontra auprès des notables de l’Église une plus grande compréhension qu’en Bohême (cathédrale de Pětikosteli). La particularité principale des constructions slovaques de la Renaissance est leur caractère fortifié, qui devait les assurer contre les fréquentes invasions turques.

En fait, la Renaissance resta dans l’ombre de l’art gothique et fut rapidement estompée par l’art baroque.


Le baroque

La riche tradition artistique existant dans les terres tchèques et en Slovaquie a permis la croissance du baroque* tchèque vers son point culminant, inséparablement lié au nom de son plus grand représentant, Kilian Ignaz Dientzenhofer (1689-1751). Le calme des surfaces extérieures de l’architecture de ce dernier contraste avec les ondulations et les tourbillons de l’espace intérieur. Son œuvre la plus monumentale est l’achèvement, dans la Malá Strana de Prague*, de l’église Saint-Nicolas, construite par son père, le Bavarois Christoph Dientzenhofer (1655-1722). Il mena, à Prague et en Bohême, des chantiers nombreux et divers.

D’autres architectes, tels Giovanni Santini (1667-1723), Anselmo Lurago (1701-1765), František Maximilián Kaňka (1674-1766), ont également affirmé leur personnalité propre à travers un grand nombre de constructions baroques de valeur. Cette imposante activité, qui débuta dans la seconde moitié du xviie s. et s’étendit à tout le pays, a imprégné le paysage tchèque d’un caractère pittoresque et vivant, caractérisé par l’articulation baroque des corps de bâtiment et les verticales des clochers aux typiques toits à bulbe.

Si Prague fut le centre de cette fièvre de construire, deux des sculpteurs baroques les plus représentatifs, Ferdinand Maximilián Brokov (ou Brokoff, 1688-1731) et Mathias Braun (1684-1738), firent aussi de la capitale, par leurs innombrables travaux, une métropole de la sculpture (palais, jardins, statuaire du pont Charles). Mathias Braun apporta dans l’évolution de la plastique tchèque le style illusionniste, qui est sensible dans sa décoration de l’ensemble du château de Kuks.

En peinture, l’art tchèque vit le développement d’une véritable personnalité, Petr Brandl (1668-1735), qui devint le peintre d’autels le plus recherché de la fin du xviie s. Brandi passe du clair-obscur à l’illusionnisme chromatique du baroque culminant : la couleur l’emporte chez lui sur tous les autres moyens d’expression picturaux. Une partie importante de son œuvre, à côté de peintures monumentales, est représentée par des portraits et par d’expressives figures de saints.

En Slovaquie, l’époque baroque se signala par un grand nombre de constructions, qui apparurent notamment dans la seconde moitié du xviiie s., alors que Bratislava était ville de la couronne de Hongrie. Les influences étrangères ne furent pas négligeables, en particulier celle du milieu viennois.


Le xixe siècle

L’appauvrissement économique du pays, causé par la centralisation généralisée du gouvernement viennois, provoqua un déclin artistique et une stagnation des activités à la fin du xviiie s. L’architecture se réduisit à l’utilitaire, tandis que fléchissait la créativité en sculpture et en peinture. Face à la tradition baroque et à l’influence du romantisme allemand, un véritable artiste affirma cependant sa personnalité, le peintre Josef Mánes (1820-1871), qui se tourna vers les traditions culturelles du peuple. Illustrateur, portraitiste, paysagiste, il arriva, dans son effort d’expression objective, à la limite de la peinture de plein air.