Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tchécoslovaquie (suite)

Les événements politiques de 1968 ralentissent l’activité des cinéastes, mais plusieurs films sont néanmoins entrepris. En 1969-70, le régime se durcit, et plusieurs films, réalisés notamment par Schorm, Menzel et Kachyňa, sont totalement interdits. Les Fruits du paradis (1969) de Věra Chytilová et les Oiseaux, les orphelins et les fous (1969) de Juraj Jakubisko, deux coproductions (respectivement avec la Belgique et la France), annoncent la fin d’une époque.

Plusieurs cinéastes choisissent l’exil temporaire ou définitif. Miloš Forman et Ivan Passer vont réaliser leurs films aux États-Unis, et Jan Kadár au Canada. Jasný et Weiss quittent le pays. Ceux qui restent se tournent vers la mise en scène de théâtre ou d’opéra, ou choisissent temporairement le silence. La qualité des films se ressent de cette désertion forcée, et le cinéma tchécoslovaque disparaît plus ou moins de la scène internationale à partir de 1970. Quelques individualités seulement parviennent à poursuivre leur carrière sans pour autant trop sacrifier aux nouveaux canons idéologiques : Jiří Menzel, avec À l’orée de la forêt (Na Samotě u Lesa, 1975) ; Vera Chytilova, avec les Jeux de la pomme (Uvadi hra o jablo, 1977) ; Jaromil Jireš, avec Valérie au pays des merveilles (Valerie a týden divu, 1970) et ...Et je salue les hirondelles (...A pozdravuji vlaštovky, 1972). Artistiquement et thématiquement, le cinéma tchécoslovaque paraît dans une impasse.

J.-L. P.

 J. Broz et M. Frída, Histoire illustrée du film tchécoslovaque (en tchèque, Prague, 1959-1966 ; 2 vol.). / Quinze Années de film tchécoslovaque (en tchèque, Prague, 1961). / Modern Czechoslovak Film, 1945-1965 (Prague, 1965). / S. et L. Bartoškov, Profils de films (en tchèque, Prague, 1966). / M. M. Brumagne, Jeune Cinéma tchécoslovaque (Serdoc, Lyon, 1969). / J. Zalman, Cinéastes et cinéma (Prague, 1969). / V. Skvorecky, All the Bright Young Men and Women (Toronto-Québec, 1971). / Le Cinéma tchécoslovaque (la Documentation fr., 1973).


L’art en Tchécoslovaquie

L’architecture et les arts plastiques tchécoslovaques, déjà à un haut niveau à l’époque préromane (empire de Grande-Moravie), ont produit à deux périodes de leur histoire — gothique et baroque — des œuvres de premier plan, dont l’originalité a servi de base d’inspiration aux artistes des époques ultérieures.


L’art roman

Le xiie s. est la période privilégiée de l’épanouissement du style roman, période où tout le territoire se couvre d’églises (rotondes et basiliques) et d’une quantité de châteaux forts. Les plus remarquables de ceux-ci sont ceux de la famille régnante des Přemysl : Hradčany et Vyšehrad à Prague*, châteaux d’Olomouc et de Znojmo. C’est dans l’enceinte du Hradčany que fut érigée en 920 la basilique Saint-Georges, première basilique à bas-côtés. De nombreux vestiges de maisons en pierre conservés jusqu’à nos jours attestent l’importance croissante de la Prague d’alors, carrefour commercial de cette partie de l’Europe. Le pont de la Reine-Judith, construit dans la seconde moitié du xiie s. et dont il subsiste une tour et deux arches, représente pour l’époque une performance technique. En Slovaquie, le château de Spiš, déjà cité en l’an 1113, est une réalisation remarquable.

La peinture et la sculpture romanes étaient destinées avant tout à la décoration de l’architecture. Seuls des vestiges peu nombreux nous en sont parvenus.


L’art gothique

L’art gothique s’est introduit en Tchécoslovaquie dans la seconde moitié du xiiie s. seulement, mais il y a trouvé des conditions extrêmement favorables à son essor. Le retard initial fut rapidement comblé grâce aux architectes français qui construisirent en un pur style gothique le cloître de Sainte-Agnès de Prague. À l’époque du roi Jean de Luxembourg (1310-1346), l’architecture atteint le niveau de l’art européen contemporain et, sous l’empereur Charles IV*, elle en devient l’un des sommets. Ce prince fait venir de France en 1344, pour construire la cathédrale Saint-Guy, l’architecte Mathieu d’Arras († 1352), qui participe aussi à d’autres travaux remarquables : la construction de la Nouvelle Ville de Prague et celle du château de Karlštejn (ou Karlův Týn), la plus importante construction forte de type français, qui servira de reliquaire aux joyaux de la couronne du Saint Empire romain germanique et de lieu de villégiature au souverain.

Le deuxième architecte impérial, le Souabe Peter Parler (1330-1399), continue à partir de 1353 les travaux de la cathédrale Saint-Guy au Hradčany. Il construit près du pont en ruine de la Reine-Judith un nouveau pont de pierre (aujourd’hui pont Charles) et entreprend toute une série de constructions religieuses tant à Prague qu’en province. Comme sculpteur, il commence, le premier, à concevoir d’un point de vue plastique le volume des corps et des draperies. Il remplace la convention typique de la statuaire par un certain réalisme, et sa recherche d’individualisation le conduit à la limite du portrait. La statue de saint Venceslas à la cathédrale Saint-Guy est lune de ses premières œuvres ; les gisants de la famille régnante des Přemysl sont dus à son atelier. La part que ce dernier a prise dans la genèse du « beau style » qui domine la sculpture tchèque à la fin du xive s. est attestée par ces « belles Madones » et « Vierges de pitié », suaves et déhanchées dans un grand mouvement de draperies, dont les exemples les plus caractéristiques sont les Madones de Plzeň, de Český Krumlov et de Třeboň ; elles deviendront, sous des formes diverses, les modèles préférés des sculpteurs populaires.

Après cette effervescence artistique soudaine de l’époque de Charles IV, qui atteint son apogée pendant le règne de son fils Venceslas IV (1363-1419), l’architecture voit son essor arrêté pour au moins vingt ans par les guerres de religion hussites. Trouvant peu à peu une nouvelle voie, elle atteint à la fin du xve s. un sommet original dans le maniement de formes gothiques tardives poussées à leurs conséquences extrêmes. Ce haut niveau de création se maintient sous le règne bénéfique des Jagellons (1471-1526). Beneš Rejt († 1534) est la grande personnalité artistique de cette époque. Architecte des voûtes de la cathédrale Sainte-Barbe de Kutná Hora, il crée au château de Prague la salle Vladislav, dont les fenêtres laissent percevoir des caractères de la Renaissance.