Tatars (suite)
Si, de nos jours, le mot tatar a été remplacé bien souvent au profit de termes d’ethnies plus précises, il demeure d’un usage courant au niveau populaire et apparaît encore sous la plume des historiens quand il s’agit de peuples turcs qui ne vivent pas en Turquie. Dans quelle mesure cet usage est-il légitime ? Dans quelle mesure répond-il seulement à une tradition ? Il est difficile de le dire. Stricto sensu, on ne devrait nommer aujourd’hui Tatars que les habitants de la république autonome des Tatars, qui relève de la République soviétique de Russie et dont la capitale est Kazan. Cette ville fut, au cours des derniers siècles, un important centre de culture islamique, et le niveau intellectuel de la population se trouve, de ce fait, particulièrement élevé.
Les Tatars de Kazan, qui constituaient avant la Seconde Guerre mondiale un peu moins de la moitié de la population de la république, doivent y être maintenant encore plus minoritaires. Par contre, plus d’un million d’entre eux vivent dans la république autonome de Bachkirie. Mais, en U. R. S. S. même, le mot tatar est encore officiel (ou semi-officiel suivant les cas) pour nommer des groupes humains de langues turques, certains d’une relative importance, la plupart constituant de petites formations noyées dans la masse de la population européenne émigrée ou dans celle de plus puissantes ethnies turques.
Ainsi avons-nous (la liste n’est pas exhaustive) des Tatars d’Izmaïl en Ukraine, des Tatars de Minsk et de Grodno en Biélorussie, des Tatars du Danube en Moldavie, des Tatars de Kassimov, de Tobolsk, de Baraba en Sibérie. Dans cette dernière région plus qu’ailleurs et malgré les « nationalités » modernes, on continue à désigner comme Tatars l’immense majorité des Turcs, en particulier ceux de l’Altaï et de l’Ienissei.
Les images qui se sont attachées aux « Tatars » et le souvenir de la frayeur que provoqua l’invasion des Mongols sont à l’origine de la transformation de tatar en tartare, terme calqué sur barbare et influencé par celui qui désigne le fond des enfers dans l’Antiquité. Tartare est expressif, mais ne répond à aucune réalité.
J.-P. R.
➙ Mongols / Turcs.