Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tachkent (suite)

C’est, à l’origine, une ville-oasis très étendue qui se confond avec les limites des périmètres irrigués des Ouzbeks. Quand l’armée russe la conquiert, en 1865, Tachkent est un gros village, avec madrasa, mosquées, minarets et cafés maures, avec aussi une médina active. Les Russes bâtissent alors une seconde ville, celle des colons, construite sur un réseau orthogonal d’avenues et de rues, parfaitement protégée des infiltrations ouzbeks, si bien qu’au début du siècle les 60 000 Russes couvrent une superficie plus vaste que les 200 000 Ouzbeks. Les deux villes étaient séparées par des réseaux de canaux d’irrigation, les aryks.

Deux événements ont considérablement modifié la ville. D’abord, l’instauration du pouvoir soviétique : dès 1925, il s’est déclaré pour l’abolition de toute discrimination raciale. C’est ainsi que la vieille ville des artisans et commerçants a été percée par des perspectives le long desquelles se sont installés des quartiers nouveaux. En même temps, la ville russe s’est étendue et transformée pour accueillir une partie de la population ouzbek. Les rapports entre les deux villes sont désormais constants.

Le deuxième événement a été le tremblement de terre de 1966, qui aurait fait plus de 10 000 foyers sinistrés. Seuls quelques quartiers ont été épargnés. Les deux villes ont été touchées. Des immeubles modernes antisismiques s’élèvent désormais à la place des décombres.

La ville, qui possède de nombreux ensembles architecturaux (madrasa, mosquées, cimetières musulmans, bibliothèques et, dans la partie nouvelle, le Musée national, l’Opéra, la place Lénine, les ministères et les bureaux), assume plusieurs fonctions. C’est un nœud de communications, le siège d’une université, de l’Académie des sciences d’Ouzbékistan, de nombreux laboratoires et instituts de recherche agricole (en particulier sur le coton). C’est aussi une ville industrielle. L’énergie est fournie par les centrales hydrauliques du Tchirtchik et la centrale thermique d’Angren, alimentée par le charbon. L’industrie est ravitaillée par les combinats de la Fergana (engrais azotés ou fibres synthétiques) et reçoit des investissements de la Fédération, dans le cadre des plans.

Certaines industries sont issues de l’artisanat et visent à la transformation des produits régionaux : ainsi les manufactures de tabac, les moulinages et tissages de soie, les filatures de coton, les conserveries de fruits et de légumes, la viniculture, qui fournit des « champagnes » et des « cognacs ». Toutes ont été agrandies et modernisées. Un gros combinat de coton a été établi.

Une deuxième catégorie comprend les industries de support : mécanique pour l’irrigation, machines agricoles, matériel pour le textile, pour l’équipement minier, l’électrométallurgie, l’entretien et la réparation des chemins de fer. Elles ont presque toutes pour but l’extension et l’amélioration de la culture de l’« or blanc ».

Un troisième groupe comprend des industries urbaines qui travaillent uniquement pour le marché régional : pâtes alimentaires, cuir (chaussures), polygraphie.

La valeur de ces trois groupes d’industries représente plus du tiers de celle des industries de toute la république. La fondation de combinats comprenant toutes les opérations relatives au coton date de la période soviétique : avant la Première Guerre mondiale le coton brut était envoyé dans les centres textiles de la région moscovite. Filatures et tissages traitent plus de 3 Mt de coton égrené.

Enfin, Tachkent, à la tête d’une des plus vastes oasis d’Asie centrale, contribue, par son aide constante, à l’extension, à l’amélioration et à la diversification des cultures, à la régularisation des eaux, à la mécanisation de l’agriculture. Devenue grande capitale, elle reste, plus qu’autrefois encore, la ville d’une oasis.

A. B.

➙ Ouzbékistan.

Tacite

En lat. Publius (?) Cornelius Tacitus, historien romain (v. 55 - v. 120 apr. J.-C.).


Il a composé ab excessu divi Augusti, c’est-à-dire depuis la mort de l’empereur Auguste, une vaste fresque, vivante et contrastée, où l’on admire en même temps une interprétation pathétique des débuts de l’Empire. Ce monument, articulé primitivement en 30 livres, se présente à nous accompagné de trois opuscules (Vie d’Agricola et la Germanie en 98 ; Dialogue des orateurs vers 102) qui en éclairent singulièrement les tendances. Les documents externes relatifs à Tacite sont rares ; ils nous confirment au moins que l’homme fut un des grands personnages de son temps : avocat et homme politique, consul en 97 et plus tard proconsul d’Asie.


L’expérience du malheur

Celui qui devait plus tard méditer avec tant de profondeur sur les destins de Rome est pourtant, nous n’en pouvons douter, un « provincial ». Les compagnons et les mentors de sa jeunesse (qu’il a mis en scène dans son Dialogue), son mariage dans une famille de Fréjus, son amitié comme fraternelle avec Pline le Jeune nous orientent vers le sud de la Gaule ou l’Italie du Nord, Vaison peut-être — patrie de l’intègre Burrus et où l’épigraphie nous atteste la présence d’un Tacite — ou Padoue, patrie cent ans plus tôt du grand Tite-Live. L’intérêt qu’il manifeste dans son œuvre pour la partie occidentale de l’Empire et en particulier pour ses confins septentrionaux invite à rapprocher son nom de celui d’un Cornelius Tacitus, qui fut, à la génération précédente, procureur de Belgique. Quoi qu’il en soit, la famille de Tacite était de rang équestre ; elle s’était, vers la fin du règne de Néron, suffisamment enrichie et illustrée pour que, vers 78, Vespasien* (69-79) pût ouvrir au jeune homme, alors âgé de quelque vingt-cinq ans, la carrière des charges sénatoriales. Ce pouvait être, dans une Rome qui après le désordre des temps néroniens reprend une fois de plus son souffle, une carrière sans histoire ; les fonctions militaires, les tâches administratives requéraient d’abord toute l’activité de l’homme jeune ; ensuite, avec l’âge, les activités du barreau, en rôle d’accusateur, d’avocat ou de juge, passaient au premier plan. Le Sénat restait, d’ailleurs, un organe important de la vie politique : quel que fût leur tempérament, les empereurs du ier et du iie s. ont toujours eu affaire à lui.