Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Syrie (suite)

L’art de la Syrie chrétienne

La situation géographique de la Syrie et l’importance des courants commerciaux ont fait de son art, aux époques paléochrétienne* et byzantine*, l’intermédiaire entre l’hellénisme séleucide, continué à l’époque romaine, et les formes orientales anciennes, notamment interprétées par l’Iran* sassanide. De nouveaux facteurs sociaux, politiques et religieux conditionnent également cet art, et parmi ceux-ci l’influence de Constantinople, siège du pouvoir central, et surtout le développement du judaïsme et du christianisme, qui vont élaborer de nouvelles formes architecturales pour leurs lieux de culte.


Architecture

L’activité architecturale de Rome en Syrie se poursuit à l’époque byzantine, mais, s’il n’y a pas de rupture de style entre les architectures païenne et judéo-chrétienne, on constate cependant une influence orientale croissante.

Les synagogues des iiie et ive s. (Doura-Europos, Capharnaüm, el-Hammah [ou Hammat-Gader]), plus précoces que les églises, car le christianisme n’était pas encore admis dans l’Empire, ainsi que les églises paléochrétiennes des ive et ve s., à abside non saillante en Syrie du Nord (Serdjilla, Ruwayḥa, Dar Qita), à abside saillante et à toit de dalles de pierre en Syrie du Sud (Umm al-Djimāl, Dayr al-Kahf ; l’abside, qui dérive du mégaron hellénique, n’y est pas le lieu du culte, mais la place du clergé), sont une synthèse de la basilique* romaine et du petit temple gréco-romain pour culte initiatique oriental.

Les influences conjuguées de l’architecture sassanide des palais de Ctésiphon et de Sarvistān, d’une part, et de la Sainte-Sophie de Constantinople*, d’autre part, marquent un changement vers la fin du ve s. En haute Mésopotamie (monastère de Qartamin), le triangle Édesse-Nisibis-Amida joue un grand rôle dans la diffusion des formes iraniennes. Les arcades sur colonnes remplaçant les colonnades sous architraves du style gréco-romain, les façades entre deux tours saillantes, les plans octogonaux avec coupole sur pendentifs et demi-coupoles sur absides saillantes, les décorations extérieures de colonnades superposées sont autant de caractéristiques nouvelles. Le rôle du pouvoir central, surtout avec Justinien, accroît l’influence de la capitale byzantine. Les empereurs développent l’architecture urbaine ou palatiale (Antioche*), mais ce qui nous est parvenu — souvent ruiné — appartient surtout à leurs fondations religieuses. C’est ainsi que l’empereur Zénon fait construire de 476 à 490 le sanctuaire de Saint-Siméon-Stylite (Qal‘at Sim‘ān) : à l’emplacement de la colonne où vécut le saint s’élève un octogone central couronné d’une coupole, d’où rayonnent, comme les branches d’une croix grecque, quatre basiliques à trois nefs, celle de l’est comportant trois absides saillantes (dont c’est le plus ancien exemple) décorées à l’extérieur de deux rangs superposés de colonnes ; à cet ensemble s’ajoutent des bâtiments conventuels et un martyrium (v. saint) à coupole inscrite dans un carré, où est enterré le saint. Justinien fait reconstruire la basilique de la Nativité à Bethléem, remaniée depuis, et surtout, vers 530, l’ensemble de Sergiopolis (auj. Ruṣāfa) en plein désert, acte politique qui impose Byzance aux fédérés rhassanides, dont elle est la métropole religieuse et temporelle, comme en témoigne la basilique-prétoire portant dans l’abside l’inscription grecque « Victoire et gloire à Alamoundaros » (al-Mundhir) ; la façade de la cathédrale, à cinq portes, s’inspire du type de l’arc de triomphe romain ; la nef est soutenue par de très grands arcs comprenant chacun un couple d’arcs subordonnés. On peut encore mentionner dans le même style les grandes basiliques syriennes de Qalb Lozé et de Bostra (auj. Buṣrā), les églises de Jérusalem (tombeau de la Vierge, église Saint-Jean-Baptiste).


Mosaïque, peinture, enluminure, sculpture

Les mosaïques de pavement en cubes de pierre (celles en cubes de verre des murs et des voûtes n’ont pas été conservées) des villas d’Antioche, des synagogues de Gerasa (Jordanie) et de Beit Alpha (Palestine), des églises de Gerasa et de Madaba (Jordanie) présentent des motifs analogues, géométriques, végétaux, allégoriques (les mois de l’année) ou cynégétiques — avec des figurations d’animaux de forme iranienne, mais de symbolisme eschatologique judéo-chrétien.

Dans la peinture, conservée surtout dans les tombes, la parenté des cycles représentés dénote un dirigisme du clergé. Les influences romano-coptes se mêlent à celles de l’Iran, qui rayonnent à partir de la synagogue de Doura-Europos, où les scènes de l’Ancien Testament sont traitées à l’orientale. On peut, à ce propos, remarquer que l’interdiction de la représentation humaine, juive, puis islamique, ne sera plus ou moins suivie qu’à partir du viiie s.

Les enluminures des manuscrits du vie s. (Évangiles) montrent une iconographie religieuse grecque entourée de décorations syro-orientales dans les marges (animaux, plantes, fontaines). L’influence grecque recule à la fin du vie s. pour faire place au goût autochtone, ce qui est corrélatif à l’hétérodoxie des Églises orientales persécutées par Byzance.

La sculpture reste hellénique pour la figuration humaine, mais s’orientalise dans l’ornementation très riche qui caractérise le style de la Syrie chrétienne. Un décor découpé, fouillé, perforé en dentelle, court en frises à motifs géométriques, végétaux, zoomorphes sur les corniches, les bandeaux, les arcs, les cancels et les chapiteaux. Il y a deux sortes de chapiteaux : le corinthien, très répandu, qui donne naissance au théodosien, plus massif, et l’iranien, à deux registres, l’inférieur en forme de panier couronné d’acanthes et le supérieur portant des protomés d’animaux. Griffons, bouquetins, lions dévorant des gazelles, paons faisant la roue sont autant de motifs iraniens qui fleurissent dans l’art de la Syrie et de Byzance, d’où ils passeront dans l’art roman de l’Europe occidentale.