Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sucre (suite)

Technologie sucrière


Approvisionnement de l’usine

La matière première est soit la canne à sucre, sous forme de tiges de 2 à 5 m de long pour 3 à 5 cm de diamètre et contenant de 13 à 18 p. 100 de saccharose, soit la betterave, sous forme de racines (poids moyen : environ 800 g) contenant de 15 à 20 p. 100 de saccharose.

Dans le premier cas, la canne est coupée à la main ou (de plus en plus) par des machines récolteuses. L’opération suppose l’élimination de l’extrémité de la tige (bout blanc, riche en impuretés) et des feuilles. L’effeuillage, difficile à réaliser mécaniquement, est souvent remplacé par le « brûlage » du champ arrivé à maturité : on élimine ainsi les feuilles déjà séchées. Les cannes, coupées en bâtons ou hachées en tronçons suivant le type de machine, sont chargées sur des véhicules de transport pour être amenées à l’usine. Elles sont alors soit passées directement dans les appareils d’extraction, soit entassées pour constituer un stock de nuit. Mais la durée de stockage ne doit jamais dépasser vingt-quatre heures. L’usine paie les cannes en fonction de leurs teneurs en sucre et en fibre (matières insolubles de la tige), déterminées à partir d’un échantillon pris par une sonde dans le chargement du véhicule de transport.

La betterave est arrachée par des machines qui coupent en outre le collet supportant les feuilles. Les racines sont acheminées vers l’usine par des camions, mais une partie des betteraves peut rester en stock en bordure de champ pendant quelques semaines (pratique qui provoque une certaine perte de sucre). La betterave transportée retient de la terre, des pierres, des feuilles, qui constituent la tare (parfois 50 p. 100 du poids total). Une opération sérieuse de nettoyage est donc nécessaire à l’entrée de l’usine : lavage, élimination des matières lourdes (pierres) ou légères (feuilles). La terre ainsi amenée à la sucrerie constitue un sérieux problème. La betterave est payée en fonction de sa teneur en sucre, sur échantillons prélevés directement dans le champ ou pris à la sonde dans le chargement.

Le problème de l’approvisionnement peut se résumer ainsi : un camion de 20 t de charge utile, plein de betteraves, contient en réalité, du fait de la tare, de 10 à 18 t de betteraves propres. Si nous considérons une usine de 6 000 t par jour, il faut donc, à 16 t en moyenne, quatre cents camions. Si le transport fonctionne douze heures par jour, on aura donc à l’entrée de l’usine des camions arrivant — et repartant — à raison de trente-trois par heure, devant subir une pesée en charge, vider leur chargement et repasser sur une bascule pour le poids à vide.


Extraction du sucre

Le sucre, substance de réserve, est contenu clans les vacuoles d’un tissu à grosses cellules — moelle de la tige pour la canne, parenchyme de la racine pour la betterave. On le fait passer dans un jus d’extraction soit par pression (canne), soit par diffusion (betterave, et parfois canne).

• Pression. La canne subit d’abord une préparation : les tiges sont broyées plus ou moins grossièrement (ce travail ne doit pas libérer de jus), le plus souvent par un appareil à couteaux tournants, le coupe-cannes. Le produit broyé passe dans les cylindres d’extraction, les moulins. Chaque moulin est constitué par trois cylindres à axe horizontal, un en haut et deux en bas. La canne subit une première pression entre le cylindre supérieur et le premier cylindre inférieur (d’entrée), puis une seconde entre le cylindre supérieur et le second cylindre inférieur (de sortie). Le jus qui s’écoule porte le nom de vesou. Dans un moulin moderne, les cylindres ont un diamètre de 1 m environ pour une longueur utile de 2 m, tournent à une vitesse de trois à cinq tours par minute. Le cylindre supérieur est appliqué sur les cylindres inférieurs par des vérins hydrauliques qui fournissent la force de pression, avec une poussée pouvant atteindre 700 t. L’ensemble d’extraction comporte en général quatre ou cinq moulins, soit douze ou quinze cylindres, et peut, dans ces dimensions, traiter de 4 000 à 5 000 t par jour — en demandant une puissance d’entraînement de l’ordre de 2 000 ch, fournis par des turbines à vapeur. Le résidu d’extraction — écorce, moelle et fibres de la tige — est la « bagasse ». Ramené par la pression à 45 p. 100 d’humidité, il est surtout employé comme combustible et assure complètement l’alimentation énergétique de l’usine.

• Diffusion. La betterave lavée est d’abord découpée en lanières de 4 mm de largeur et de 2 mm d’épaisseur environ, les cossettes, par des coupe-racines. Ces cossettes sont soumises au processus de diffusion : dans un appareil vertical ou horizontal (le plus courant), on fait circuler en sens contraire la cossette et de l’eau. Ainsi, l’eau s’enrichit de plus en plus en matières extraites (dont le sucre), tandis que la cossette perd ses composants solubles. On va donc à une extrémité (tête) de l’appareil faire entrer la cossette et sortir un jus de diffusion qui contient la presque totalité du sucre, tandis qu’à l’autre (queue) entre l’eau de diffusion et sort la pulpe, ou cossette épuisée, contenant 93 p. 100 d’eau environ. L’opération se fait à chaud, à 72-73 °C. Il existe divers appareils de diffusion, le plus employé, dit « R. T. » (Raffinerie Tirlemontoise), tournant sur des chemins de roulement à raison de vingt-cinq tours par heure environ. Il peut traiter jusqu’à 6 000 t par vingt-quatre heures. Le jus sort avec une richesse en sucre un peu inférieure à celle de la betterave — c’est la différence de richesse qui conditionne l’extraction. La pulpe est ramenée par pression à 80 p. 100 d’humidité (de consistance molle, elle se prête mal à la pression), puis est séchée et agglomérée pour fournir un aliment du bétail (destiné aux ruminants) assez apprécié.

L’extraction par diffusion commence à être utilisée pour la canne, se faisant dans des appareils moins complexes et exigeant moins de force motrice que les moulins. Mais elle ne supprime pas la pression, nécessaire pour amener la bagasse à l’état de combustible.