Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sucre (suite)

Épuration des jus

Pression ou diffusion ont extrait, avec le sucre, les autres constituants solubles : sels minéraux, matières colorantes, acides organiques du végétal, matières azotées solubles et colloïdales. L’épuration a pour objet d’éliminer la plus grande partie possible du « non-sucre », surtout les colloïdes et les matières colorantes. Le jus d’extraction est en effet vert noirâtre (vesou) ou bleu-noir (betterave), double dans les deux cas. Après épuration, il doit être clair, d’une teinte jaune plus ou moins foncée.

Le réactif épurant principal est la chaux, préparée par calcination de la pierre calcaire (carbonate de calcium) dans un four spécial. Sa consommation est surtout importante en sucrerie de betteraves, où l’on a besoin également du gaz carbonique provenant de la réaction de décomposition. Le four est un cylindre vertical, garni intérieurement de réfractaires et qui reçoit à la partie supérieure la pierre mêlée à 10 p. 100 de coke (combustible). Le mélange descend peu à peu dans le four, où le coke brûle, fournissant la chaleur de décomposition et un appoint de gaz carbonique. La chaux cuite (chaux vive) est extraite à la base. Le gaz est tiré à la partie supérieure par l’aspiration d’une pompe à gaz qui assure donc le tirage. La chaux vive est traitée par l’eau et donne, sous forme de chaux éteinte, un lait de chaux. C’est sous cette forme qu’ajoutée au jus elle provoque la formation d’un précipité contenant les matières éliminées. En canne, on ajoute juste assez de chaux (quelques grammes par litre) pour amener les jus à un pH alcalin : de 5,5 environ, on remonte vers 7,5-7,8. On peut augmenter le volume du précipité par addition de phosphates solubles ou d’anhydride sulfureux. On décante ensuite le jus clair ; les boues du décanteur sont filtrées de manière à séparer le résidu solide, ou « tourteau », qui est évacué. Ces opérations sont effectuées à une température de 80-85 °C. Le jus épuré est à peu près neutre (pH : de 6,8 à 7).

Pour la betterave, le processus est plus complexe : les jus sont plus difficiles à épurer convenablement. Le procédé, dit « calco-carbonique », se fait en six étapes.
a) Une addition de chaux (environ 2 g par litre) provoque la formation d’un précipité. Mais celui-ci ne peut être séparé par filtration : il se tasse trop facilement et devient imperméable sur les surfaces filtrantes.
b) On ajoute un excès de chaux (au total 15 g par litre environ) à ce jus.
c) On précipite la chaux en excès en faisant passer dans le liquide, à chaud (80 °C), un courant de gaz carbonique : c’est la carbonatation. Le précipité de carbonate de calcium formé « arme » le précipité mou du chaulage et le rend filtrable. Mais, si on élimine toute la chaux, une partie du précipité repasse en solution. On arrête donc la carbonatation avant d’avoir précipité toute la chaux.
d) On sépare le précipité par filtration ou décantation avec filtration des boues, comme en canne.
e) On peut alors, par une deuxième carbonatation, éliminer toute la chaux restante.
f) Il faut alors séparer par une nouvelle filtration le précipité produit par la deuxième carbonatation.

On utilise aussi d’autres procédés d’épuration. Ainsi, le barbotage d’anhydride sulfureux dans le jus provoque une diminution de la coloration et facilite le travail de cristallisation par la suite. Grâce au traitement sur échangeurs d’ions, employés surtout pour remplacer les ions calcium encore contenus dans les jus épurés par des ions sodium, on vise ainsi à éliminer la formation de dépôts dans les appareils d’évaporation, qui diminuent considérablement l’efficacité de ceux-ci.

Le jus épuré est légèrement dilué par addition de lait de chaux. Il contient encore 14 p. 100 environ de saccharose et diverses impuretés que l’épuration n’a pas pu éliminer : la plupart des sels minéraux de la betterave — sels de potassium principalement —, certaines matières azotées (aminoacides) et une assez grande variété de produits divers, le tout représentant 1,5 p. 100. Ces impuretés se retrouveront dans la mélasse en fin de travail.


Concentration des jus

• Le jus épuré — de 15 à 16 p. 100 de matières sèches sortant de l’épuration —, est concentré jusqu’à 70 p. 100 environ pour permettre ensuite l’extraction du sucre par cristallisation méthodique. La quantité d’eau à évaporer est énorme : une usine traitant 3 000 t de betteraves par jour doit vaporiser 120 m3 d’eau par heure environ. On y parvient à moindres frais grâce au dispositif connu sous le nom de multiple effet : lorsque le jus, chauffé par la vapeur, bout, il fournit de la vapeur. On utilise cette vapeur pour chauffer un autre appareil, fournissant lui-même la vapeur à un troisième, et ainsi de suite. Bien entendu, le chauffage n’est possible que si la température de la vapeur chauffante — donc sa pression — est plus élevée que la température — ou la pression d’ébullition du jus. On a donc le long du système une chute régulière, qui conduit de 130 °C en tête — au premier effet — à 70 °C à peu près au dernier, qui, par conséquent, fonctionne sous une pression inférieure à la pression atmosphérique. Dans cet intervalle, on arrive à placer cinq appareils successifs en sucrerie de betteraves et quatre en cannes, où l’on part de températures plus basses en tête. Ainsi, 1 kg de vapeur pourrait vaporiser 5 kg d’eau. Mais l’usine a besoin d’autres vapeurs de chauffage, pour la diffusion, les réchauffages divers, les appareils de cristallisation. En général, on n’a pas besoin d’une vapeur aussi chaude que celle qui alimente le premier corps. On va donc la prendre au niveau voulu, le plus économique entre les effets. Ces « prélèvements » abaissent quelque peu le rendement du multiple effet, mais ils sont nécessaires : en fait, la station d’évaporation est, d’une part, l’atelier qui transforme par concentration le jus en sirop et, d’autre part, l’organe distributeur de la vapeur de chauffage à toute l’usine.