Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Stuarts (les) (suite)

Tout cela était d’autant plus grave que les rapports avec l’Angleterre se tendaient, ne serait-ce que dans la mesure où l’influence de l’Église écossaise jouait contre Henri VIII, dont elle désapprouvait la politique religieuse. Une fois de plus, Jacques V se rapprocha de la France : il épousa d’abord en 1537 Madeleine (1520-1537), fille de François Ier, puis en 1538 Marie de Lorraine (1515-1560), la veuve du duc de Longueville, une femme remarquable à tous égards, dont Henri VIII essayait, de son côté, d’obtenir la main. Toutefois, préoccupé par ses relations avec la France, Henri VIII était peu disposé à rompre avec l’Écosse. C’est, au contraire, Jacques V qui, sur les conseils du cardinal Beaton, prit l’initiative de la rupture. Or, l’armée écossaise était aussi peu prête que possible : de nombreux nobles, favorables à la politique religieuse d’Henri VIII, refusèrent de la rejoindre, et Jacques V choisit comme général un de ses favoris, Olivier Sinclair, universellement détesté. L’armée écossaise, forte de plus de 10 000 hommes, se laissa surprendre à Solway Moss par les 2 000 hommes du duc de Norfolk (24 nov. 1542). Il n’y eut pratiquement pas de combat : les Écossais s’enfuirent en désordre au premier choc ; les Anglais en massacrèrent quelques-uns et firent plus de 1 500 prisonniers, tandis que la plupart des fuyards se noyaient dans le Solway Moss.

Humiliante, la défaite du Solway Moss n’était pas une irréparable catastrophe comme Flodden. Pourtant, elle provoqua une terrible crise dépressive chez le souverain, qui se retira à Falkland, où, prostré, il mourut peu après. C’est là qu’il s’écria, quand on lui annonça la nouvelle de la naissance de sa fille Marie (v. Marie Ire Stuart), que la souveraineté des Stuarts, « venue avec une fille, partirait avec une fille ». Là encore, il se trompait.


Les rois Stuarts d’Angleterre

En 1603, à la mort d’Élisabeth Ire* d’Angleterre, Jacques VI Stuart (roi d’Écosse de 1567 à 1625) fut appelé à succéder à la reine défunte, puisque, par son arrière-grand-mère, Marguerite Tudor, il était le dernier descendant d’Henri VII Ainsi, avec lui, qui, sous le nom de Jacques Ier*, régna sur une Grande-Bretagne* qui comprenait l’Angleterre, l’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande, la dynastie des Stuarts accéda au trône d’Angleterre, où, avec Charles Ier* (1625-1649), Charles II* (1660-1685) et Jacques II* (1685-1688), elle se maintint jusqu’à l’arrivée de Guillaume d’Orange, qui, en 1688, contraignit les Stuarts à l’exil.


Les Stuarts en exil


Jacques Édouard Stuart, le Prétendant (1688-1766) [Jacques III d’Angleterre, Jacques VIII d’Écosse]

Lorsqu’en novembre 1688 Guillaume d’Orange (futur Guillaume III*) débarqua en Angleterre, sa mère, Marie de Modène, l’emmena en France. Jacques Édouard passa la plus grande partie de sa jeunesse au château de Saint-Germain, où il fut soigneusement éduqué sous la direction de son père, Jacques II* d’Angleterre. En 1700, à la mort du fils unique de la reine Anne, Guillaume, duc de Gloucester, les perspectives de restauration apparurent moins chimériques. En réalité, ne serait-ce qu’en raison de la guerre entre la France et l’Angleterre, on accumulait à Londres les précautions contre une éventuelle restauration des Stuarts. Toutefois, en 1707, l’Acte d’union entre l’Angleterre et l’Écosse provoqua un tel mécontentement en Écosse que, pour la première fois, une opportunité d’action s’offrait aux Stuarts exilés. La flotte française équipée pour l’occasion fut, toutefois, incapable de débarquer des troupes, et la tentative échoua (1708).

Entouré de médiocres conseillers (il faut excepter Henry Saint John, vicomte Bolingbroke, encore qu’il ne l’écoutât guère), le Prétendant était un homme terne et morose, à la fois bigot et assez débauché, à peu près inapte à la vie politique. Il ne sut jamais profiter de l’existence d’un parti jacobite outre-Manche. Certes, pendant le règne de la reine Anne (1702-1714), mis à part la malheureuse tentative de 1708, il essaya de s’attirer les bonnes grâces de la souveraine. Mais celle-ci aurait-elle souhaité une restauration qu’elle n’avait aucun moyen pour la faire aboutir. Sa mort frustra Jacques Édouard de toutes ses espérances. Aussi celui-ci monta-t-il avec le concours de John Erskine, 6e comte de Mar (1675-1732), un incapable, une nouvelle tentative (1715). Sans tenir compte de l’indisponibilité d’un soutien français (du fait de la mort de Louis XIV), ils suscitèrent un soulèvement jacobite en Écosse. Mar ne sut pas exploiter les premiers succès : le Prétendant, à son arrivée en Écosse, fut déçu et il montra à ses soldats une si triste figure qu’ils en furent complètement démoralisés. En outre, Mar ravagea le pays de façon épouvantable (et inutile) au cours de sa retraite : la cause jacobite devait en souffrir longtemps. Pour couronner cette peu glorieuse expédition, le Prétendant et Mar s’éclipsèrent sur un bateau français, sans même avertir leurs partisans, qu’ils abandonnèrent sans scrupule à la répression anglaise (1716).

Le Prétendant dut quitter la France à la suite de cet échec : il se réfugia en Italie. Là, en 1719, un mariage fut conclu pour lui avec Marie Clémentine Sobieski (1702-1735), la petite-fille du roi de Pologne. Celle-ci devait donner deux fils au Prétendant, mais la conduite de celui-ci à son égard fut si scandaleuse qu’elle devait ruiner complètement son prestige. En 1719, une nouvelle tentative jacobite eut lieu en Écosse avec l’appui espagnol. Mais son échec mit fin aux espoirs de Jacques Édouard : ce n’est qu’avec son fils Charles Édouard que les jacobites purent tenter de nouveau quelque chose, et le Prétendant mourut en 1766 complètement à l’écart de la vie politique.


Charles Édouard, le Jeune Prétendant (1720-1788) [Charles III d’Angleterre]

Né en 1720, il était tout différent de son père : célèbre dès sa jeunesse par sa beauté, sa vigueur physique, sa folle intrépidité et son charme, il était aussi brillant que son père était terne. Malheureusement, il avait une fâcheuse propension à prendre ses désirs pour des réalités. Il s’entourait d’aventuriers sans scrupule plutôt que de sages conseillers et, en fin de compte, il devait se révéler obtus et borné.