Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Stuarts (les) (suite)

En fait, la direction du gouvernement semble avoir appartenu au duc d’Albany plus qu’à Robert III. En 1399, le prince héritier David, duc de Rothesay, essaya bien de secouer cette tutelle. Mais, débauché et inconstant, il s’aliéna les principales familles de la noblesse, et plus particulièrement les Douglas. Arrêté et confié à Albany, il ne tarda pas à mourir en prison (1402), dans des circonstances obscures. Robert III semble avoir craint pour la vie de son autre fils, Jacques (futur Jacques Ier), encore un enfant, et il voulut l’envoyer en France : mais un corsaire anglais intercepta le vaisseau qui transportait le jeune prince (mars 1406), qui devait rester dix-huit ans prisonnier. En avril 1406, Robert III mourait : Albany restait à la tête de l’Écosse.

Ce dernier ne semble pas, en effet, avoir été très pressé de faire libérer son souverain : par contre, il réussit à faire libérer dès 1416 son propre fils Murdac (ou Murdoch), comte de Fife, lui aussi prisonnier des Anglais, qui lui succéda à sa mort, aussi bien comme régent d’Écosse que comme duc d’Albany. Après l’élimination du duc de Rothesay, Albany gouverna l’Écosse comme un véritable roi. À cet égard, il s’avéra aussi faible que Robert II et Robert III : sa position politique dépendait largement de la tolérance des grandes familles nobles, qui se firent payer chèrement leur acceptation. Les Douglas, en particulier, accrurent encore leurs richesses. Le second duc d’Albany, Murdac, gouverna selon les mêmes principes que son père.


Jacques Ier (1394-1437), roi en 1406 et de 1424 à 1437

En décembre 1423, Jacques Ier fut relâché contre une rançon de 60 000 marks. Né à Dunfermline en 1394, il avait été élevé à la cour d’Angleterre, comme un demi-prisonnier. Mais c’était un caractère exceptionnel, et il avait su tirer parti de sa réclusion pour acquérir une culture d’un niveau remarquable pour un laïque : excellent musicien, il fut aussi l’un des meilleurs poètes de son époque. Au reste, à partir du règne d’Henri V, la rigueur de sa réclusion s’atténua : il lui arriva de quitter la Tour de Londres pour Windsor et il suivit même le roi d’Angleterre lors de sa glorieuse campagne de France (1415-1420) [v. Cent Ans (guerre de)]. Enfin, peu avant sa libération, il fut marié à Joan (ou Jane) Beaufort, fille de Jean Beaufort, 1er duc de Somerset, et arrière-petite-fille de Jean de Gand.

Dès son arrivée en Écosse, il montra qu’il était bien différent de ses prédécesseurs. En deux vagues successives, il fit arrêter Albany et ses partisans (mai 1424 et mars 1425). Albany, ses deux fils et son beau-père, le comte de Lennox, furent exécutés, tandis que Thomas Boyd et sir Robert Graham étaient relâchés. Par la suite, les biens des comtes de Strathearn et de Dunbar furent confisqués (1427 et 1434). Ainsi, Jacques Ier désamorçait les contestations engendrées par le double mariage de Robert II et reprenait le contrôle de la noblesse turbulente.

Cependant, l’aspect répressif ne fut que secondaire dans la politique de Jacques Ier. Ce dernier fut le créateur d’une monarchie entièrement nouvelle, en ce sens qu’il chercha, avant tout, à développer la législation statutaire, fondée sur l’accord du roi et du Parlement. Ainsi, il créa une commission formée de six représentants de chacun des trois États du royaume, chargée de revoir entièrement la législation antérieure. Le rôle législatif du Parlement reçut une impulsion décisive. Et la nouvelle législation concernait aussi bien l’administration de la justice que la vie économique et l’organisation militaire du pays. En voici un exemple significatif : Jacques Ier interdit les jeux de balle le dimanche après-midi pour que tous les jeunes gens puissent se consacrer à la pratique du tir à l’arc, afin de renforcer le potentiel militaire de la nation écossaise. Pour mener cette action, il s’appuya plus particulièrement sur la petite noblesse, la bourgeoisie et surtout le clergé : l’une des raisons essentielles de son succès fut précisément le consensus qu’il réussit à créer.

Sur le plan militaire, Jacques Ier déploya son énergie sur deux fronts. D’une part, il mena une série d’expéditions dans les Highlands, écrasant le seigneur des Iles, Donald, à la bataille de Lochaber. Les partisans du cousin de ce dernier furent à leur tour contraints de demander pardon au roi : le Nord était pacifié. D’autre part, face aux Anglais, Jacques Ier fit preuve d’une grande résolution : malgré son mariage avec une Lancastre, il se rapprocha de la France et fiança sa fille Marguerite au dauphin Louis (futur Louis XI*) en 1428. Une expédition anglaise fut écrasée en 1435 (bataille de Piperden), et, l’année suivante, les Anglais ayant essayé d’intercepter le convoi qui emmenait Marguerite en France, Jacques Ier alla mettre le siège devant Roxburgh.

La carrière de ce grand roi fut brutalement interrompue. Un groupe de nobles, dirigé par sir Robert Graham et le comte d’Atholl, assassina Jacques Ier le 20 février 1437. Le complot avait été fomenté par les rescapés du parti d’Albany et par les partisans des descendants de la seconde femme de Robert II : il ne reposait sur aucune base nationale, et les coupables, ne trouvant nul soutien, furent promptement arrêtés et châtiés.


Jacques II (1430-1460), roi de 1437 à 1460

L’une des plaies de l’Écosse fut sans nul doute la fréquence et la longueur des régences et des minorités royales. Jacques II n’avait que sept ans à son accession au trône. Officiellement confié à Archibald, 5e comte de Douglas (v. 1390-1439), il fut en fait l’objet d’une violente compétition entre sir William Crichton et sir Alexander Livingstone, la reine mère s’étant très vite remariée avec sir James Stewart (le « Black Knight of Lorne » des ballades écossaises). En fin de compte, Crichton et Livingstone se réconcilièrent, consolidant leur pouvoir par l’assassinat du jeune William, 6e comte de Douglas, en 1440. En 1443, suite à une nouvelle brouille, l’évêque de Saint Andrews, James Kennedy, accéda à la chancellerie : sous son égide, Crichton et Livingstone se réconcilièrent de nouveau, et son influence bienfaisante apaisa dès lors les maux de cette longue minorité.