Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Stuarts (les) (suite)

L’origine de la famille

Les historiens écossais du Moyen Âge ont essayé de donner une origine nationale à la dynastie des Stuarts : ainsi est né le mythique Banquo, thegn de Lochaber, auquel les sorcières promirent une gloire plus éclatante encore que celle de Macbeth, ce qui lui valut d’être assassiné par ce dernier... En réalité, l’origine de la famille est bretonne : sénéchal du comte de Dol, l’ancêtre des Stuarts n’est qu’un petit chevalier breton dont les fils s’illustreront l’un à la première croisade et l’autre dans les troupes des conquérants normands de l’Angleterre. Ce dernier, Flaald Fitz Alan (ou Fitzalain), a reçu des terres importantes à la frontière galloise : la fortune de la famille date cependant de la rencontre de l’un de ses petits-fils, Walter (Gautier) Fitz Alan, avec le prince d’Écosse David (1084-1153), qui résida durant sa jeunesse à la cour du roi d’Angleterre. Impressionné par la grandeur de la monarchie normande, David ramena dans son pays natal de nombreux chevaliers rencontrés à Westminster et commença à introduire les institutions féodales el les pratiques administratives anglo-normandes dans son royaume, lorsqu’il devint roi en 1124. Cette politique sera poursuivie par ses successeurs, à commencer par Guillaume le Lion (roi de 1165 à 1214).

Ainsi, Walter Fitz Alan (Gautier Filzalain) quitta l’Angleterre pour devenir le grand sénéchal héréditaire (high steward [ou stewart]) du royaume d’Écosse : très vite, le nom de Fitzalain fut oublié, et la famille du sénéchal fut désignée par son titre héréditaire de Stewart jusqu’au xvie s., où la graphie du nom se changera en Stuart. David Ier accorda au premier sénéchal de vastes domaines sur la basse vallée de la Clyde, dans le Renfrewshire, où Gautier fonda en 1163 l’abbaye de Paisley. Le mariage du quatrième sénéchal, Alexandre Stewart, avec la fille du seigneur de Bute agrandit considérablement ces possessions : dès le milieu du xiiie s., les Stewart étaient l’une des plus puissantes familles nobles de l’Écosse.

L’une des plus glorieuses aussi : Alexandre Stewart anéantit en 1263 la flotte d’Haakon IV, roi de Norvège, et contribua ainsi à écarter définitivement la menace scandinave qui pesait sur le nord de l’Écosse. Jacques (James) Stewart et son frère Jean (John) s’illustrèrent également dans les luttes patriotiques contre les Anglais, que ce soit aux côtés de sir William Wallace (v. 1270-1305) ou de Robert Ier Bruce (roi de 1306 à 1329). Et Gautier (Walter) Stewart († 1326), le sixième grand sénéchal, se rendit illustre par ses actions d’éclat à la bataille de Bannoekburn (1314). Gloire, richesse : on comprend que Robert Ier Bruce ait marié sa fille Marjorie (ou Marie), alors seule héritière du trône, au jeune Gautier. Certes, la naissance en 1324, de David Bruce (David II) remit en cause l’intérêt immédiat de ce mariage. Mais la mort prématurée de Robert Ier Bruce livra l’Écosse aux ambitions du roi d’Angleterre Édouard III, qui y installa en 1333 un souverain fantoche, Édouard de Baliol. Durant cette période, le jeune David étant en sûreté en France, Robert, fils de Gautier et de Marjorie, fut l’un des chefs incontestés du parti patriotique : lorsque, après son retour en Écosse, David II eut été fait prisonnier par les Anglais (1346), il exerça la régence. David II étant mort sans héritiers, il monta sur le trône d’Écosse en 1371.


Les rois Stuarts d’Écosse


Robert II (1316-1390), roi de 1371 à 1390

Quels qu’aient pu être l’éclat des fêtes du couronnement et le caractère incontestable des prétentions de Robert Stewart à recueillir l’héritage de David II, il n’en est pas moins vrai qu’accédait au trône une nouvelle famille ni plus illustre ni plus riche que beaucoup d’autres. En particulier, la famille Douglas pouvait se targuer d’une puissance bien supérieure à celle des Stewart.

Aussi le règne de Robert II fut-il difficile. Et cet homme, qui avait fait preuve de certaines qualités dans les périodes les plus sombres du règne précédent, était affaibli par l’âge et recherchait bien plus un confortable repos que l’exercice du pouvoir. Certes, il bénéficia de la passivité anglaise : en août 1388, les Écossais remportèrent à Otterburn un brillant succès sous la conduite de James, 2e comte de Douglas et de Mar. Mais aucun avantage diplomatique ou territorial ne vint traduire cette supériorité militaire. Surtout, le souverain se révéla incapable de mettre un frein aux prétentions et aux actions de la noblesse, à commencer par celles de son propre fils Alexandre, le célèbre « loup de Badenoch », qui mit à feu et à sang toute l’Écosse du Nord.

Robert II fut, d’autre part, responsable d’une des plus sérieuses difficultés que dut affronter la monarchie des Stuarts à ses débuts. Son premier mariage, avec Elizabeth Mure, était entaché de consanguinité. Robert II ne se préoccupa d’obtenir une dispense pontificale que vers 1348, donc bien après la naissance de ses premiers enfants. Ne pouvait-on pas voir en ceux-ci des bâtards ? C’est du moins ce que prétendront les diverses familles descendant des enfants du second mariage de Robert II avec Euphemia Ross en 1355, qu’il s’agisse du comte d’Atholl, Walter, ou des descendants, par les femmes, de David, comte de Strathearn, les Graham et les Hamilton, comtes d’Arran. La dynastie était, de la sorte, profondément minée.


Robert III (v. 1337-1406), roi de 1390 à 1406, et la régence des Albany (1402-1425)

Robert III s’avéra plus faible encore que son père. Dès 1388, ce dernier l’avait d’ailleurs relevé de toutes ses fonctions en raison de son état de santé. Lucide, mais infirme et de caractère pusillanime, le nouveau souverain ne put qu’assister au déchaînement de la noblesse : ainsi, en 1390, le « loup de Badenoch » brûlait la ville et la cathédrale d’Elgin. Les guerres privées faisaient rage, comme, dans le Nord, celle du clan Chattan contre le clan Kay et celle du seigneur des Iles, Donald, contre le frère du roi, Robert, duc d’Albany, qui entraîna la destruction d’Inverness et le sac d’Aberdeen (1411).