Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Staline (Joseph [Iossif] Vissarionovitch Djougatchvili, dit) (suite)

Lorsque la Seconde Guerre mondiale se termine, l’U. R. S. S., dont la participation à la victoire sur Hitler a été décisive, bénéficie d’un prestige énorme dans le monde, et Staline, qui la dirige, est au zénith de sa gloire. Il est difficile de suivre Khrouchtchev quand celui-ci, en 1956, révèle que Staline dirigeait les opérations militaires au moyen d’un simple globe terrestre. Au demeurant, le témoignage des généraux soviétiques le contredit formellement. On ne peut attribuer tous les maux au dirigeant soviétique. En vérité, Staline est une personnalité complexe, dont l’action s’exerce dans des conditions historiques difficiles : il est à la fois un dictateur sanglant et le « petit père des peuples ». Chacun peut juger son action selon ses critères politiques et idéologiques, mais l’important est de bien connaître les conditions générales dans lesquelles elle s’est exercée.

La victoire de l’U. R. S. S. dans la Seconde Guerre mondiale a été obtenue au prix de sacrifices énormes : plus de 20 millions de morts (700 000 rien que pour les victimes civiles de Leningrad) et près de la moitié du pays dévasté par les nazis.

Il faut donc reconstruire le pays, et cela demande du temps et de nouveaux sacrifices. À Yalta en février 1945, puis à Potsdam du 17 juillet au 2 août, Staline a tenté de trouver un accord pour l’après-guerre avec ses alliés occidentaux britanniques et américains, mais l’U. R. S. S. ne possède alors pas la bombe atomique (la première bombe atomique soviétique date de 1949). Sa supériorité sur le plan de l’armement classique est donc contrebalancée par son infériorité atomique. Il lui faut dépenser des sommes énormes pour rattraper son retard, ce qui ne peut que retarder son développement économique.

Les dernières années de la vie de Staline sont donc marquées par les difficultés de la reconstruction et de la guerre froide. Honoré à l’égal d’un dieu, Djougatchvili-Staline devient de plus en plus soupçonneux. Il écarte les militaires vainqueurs de la guerre, comme Joukov*, et s’apprête même à éliminer ses collaborateurs les plus proches, tandis que les camps de travail forcé accueillent tous ceux qui doutent ou pourraient douter du « génie du chef ».

Depuis près de vingt ans, il vit dans une « datcha » près de Moscou, à Kountsevo, de plus en plus solitaire. Il passe l’été sur les bords de la mer Noire, dans le Caucase. Il ne se montre jamais en public, sinon le 1er mai et le 7 novembre, lors des grands défilés sur la place Rouge.

Malgré la guerre froide (marquée par le blocus de Berlin et la guerre de Corée), l’U. R. S. S. connaît un développement industriel et culturel très rapide après 1947. L’industrie spatiale et l’industrie nucléaire se créent à cette époque, cependant les biens de consommation ne progressent pas aussi vite, et les difficultés agricoles sont considérables.

Aux frontières de l’U. R. S. S., des États socialistes sont nés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, mais Staline ne conçoit guère ses rapports avec eux sur une base d’égalité. Quand la Yougoslavie de Tito critique sa politique, il la condamne avec violence, mais en vain, car Tito se maintient au pouvoir contre Staline.

À l’Est, la Révolution chinoise a triomphé, et les rapports entre les deux grands États communistes sont plutôt bons jusqu’à la mort de Staline.

Le 1er mars 1953 au soir, Staline reçoit des amis à sa « datcha » de Kountsevo. Ce sont des dirigeants du parti. Quelque temps après le départ — on a beaucoup bu —, dans la nuit du 1er au 2 mars 1953, le dirigeant soviétique est frappé d’une attaque d’hémorragie cérébrale, dont il meurt le 5 mars 1953 à 21 h 50. Il a soixante-treize ans.

Embaumé, son cadavre est placé dans le mausolée de la place Rouge à Moscou, à côté de celui de Lénine, quelques mois après une cérémonie funèbre où des millions de personnes ont pleuré le « père des peuples », le vainqueur de Stalingrad.

Dès l’année suivante, le nom de Staline commence à disparaître des journaux. Devant le XXe Congrès du parti communiste de l’U. R. S. S., Khrouchtchev*, dans une séance à huis clos, critique ce qu’il appellera le « culte de la personnalité de Staline ».

En 1961, on décide d’enlever du mausolée le cadavre de l’ancien dirigeant et de débaptiser Stalingrad, qui devient Volgograd ; partout, les bustes de Staline sont cassés, sauf à Gori, sa ville natale en Géorgie.

Staline est maintenant enterré, ainsi que de nombreux autres dirigeants communistes, au pied du mur du Kremlin sur la place Rouge. Depuis 1970, on peut même apercevoir son buste, là où reposent ses restes...

J. E.

➙ Communisme / Internationales (les) / Khrouchtchev / Lénine / Révolution russe de 1917 / Stalinisme / Trotski / U. R. S. S.

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