Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sseu-tch’ouan (suite)

Les collines du Bassin rouge ont été ainsi découpées dans un ensemble épais d’argiles, de schistes et surtout de grès rouges, subhorizontaux ou légèrement plissés, crétacés et éocènes, qui reposent sur des calcaires primaires fortement plissés ; les calcaires affleurent dans certaines vallées occidentales profondes et forment le cadre montagneux. Les grès rouges du Sichuan sont semblables à ceux de toute la Chine méridionale, mais ils sont tendres. Les rivières, à la suite d’un soulèvement d’ensemble récent, y ont découpé des tables gréseuses (à l’ouest et au centre) ou démantelé des plis sans provoquer autre chose que des esquisses de crêtes. Sur ces terrains se sont formés des sols argileux, riches en fer (rouges), mais aussi en calcium et d’une grande valeur agronomique.

Le Bassin rouge doit à son encadrement montagneux un climat particulier. Les Qinlingshan (Ts’in-ling-chan), les Micangshan (Mi-ts’ang-chan) et les Dabashan (Ta-pa-chan) l’abritent du vent du nord en hiver. L’hiver est sec et doux : à Chongqing (Tch’ong-k’ing), la moyenne de température de janvier est de 8,2 °C, soit 5,5 °C de plus qu’à Shanghai (Chang-hai) ; la neige est rare ; le gel est court et modéré ; la saison végétative dure 11 mois et, même, à l’est, 350 jours. D’autre part, les chaînes du Yunnan (Yun-nan) occidental abritent en été le Bassin quelque peu de la mousson du sud ; le mois d’août, en particulier, accuse à peine 100 mm de pluies à Chongqing, moins encore à Chengdu. Annuellement Chongqing ne reçoit que 1 060 mm de pluies, et Chengdu que 940 mm, cependant que des précipitations énormes (parfois neigeuses) tombent sur les sommets. Le Sichuan est donc assez sec. Cette sécheresse toute relative et qui est masquée par une extrême nébulosité n’empêche pas une très belle végétation toujours verte (cyprès, théiers, bambous).

Mais partout et surtout dans la région de Chengdu, les pluies d’été sont insuffisantes pour la culture du riz.


La mise en valeur

Cependant que les Alpes du Sichuan sont peuplées de Tibétains, dans le Bassin rouge les paysans hans ont aménagé un des paysages agricoles les plus étonnants qui soient. Sur 400 000 km2, on ne trouve plus une seule véritable forêt, pas de villages, mais des hameaux ou des maisons isolées (grosses fermes aux bâtiments de brique ou de pisé aux poutres apparentes, disposées autour d’une cour).

Les collines ont été aménagées en terrasses, dont on compte jusqu’à cinquante niveaux : ainsi, exceptionnellement en Chine méridionale, les pentes sont-elles cultivées. Les talwegs sont en rizières (le riz, semé à la fin de mars en pépinières exposées au midi, est repiqué à la fin d’avril ; il est irrigué grâce à des réservoirs situés en amont et donne de bonnes récoltes). Les basses pentes portent des rizières en terrasses, irriguées en été par gravité et cultivées en blé durant l’hiver (de novembre à mars). Les hautes pentes portent des champs à double récolte : patates, maïs ou légumes en été, blé ou légumes en hiver. Des boqueteaux couronnent les sommets gréseux : orangers, mûriers arborescents, théiers, pins. Dans les zones basses, le riz peut céder la place à la canne à sucre ou au coton, et le blé au colza, au tabac ou à l’arachide. Mûriers et théiers des sommets font du Sichuan le troisième producteur de soie en Chine (autour de Nanchong [Nan-tch’ong] et de Santai [San-t’ai] notamment) et un important producteur de thé, assez médiocre d’ailleurs et exporté vers le Tibet ; sur ces mêmes sommets, la cueillette d’herbes médicinales est une ressource non négligeable.

La plaine de Chengdu, constituée d’alluvions lacustres très fertiles, bénéficie, sur 200 000 ha, du plus ancien réseau d’irrigation de Chine. Le rôle de cet aménagement est multiple. L’utilisation de l’eau de fonte de la neige des sommets au printemps (le Min prend sa source dans les Alpes du Sichuan à plus de 5 000 m d’altitude) permet d’assurer les semailles et le repiquage avant l’arrivée de la mousson. L’utilisation des hautes eaux d’été (époque où le Min a 800 m de large) pallie l’insuffisance des pluies dans la plaine (quand elle ne parvient pas aux rizières par gravité, l’eau est élevée par des norias). La protection, en aval, de la plaine contre l’inondation est assurée, puisque les canaux sont endigués. La fertilisation des terres est permise grâce aux alluvions, très abondantes, curées dans les canaux. Grâce à cet aménagement, la plaine de Chengdu est d’une grande fertilité. La culture du riz donne des rendements de 9 à 10 t/ha ; elle est suivie d’une culture d’engrais vert, puis des cultures d’hiver (blé, orge, colza, tabac, légumes).

Dans tout le Bassin rouge, l’élevage des porcs est très développé, Chengdu étant traditionnellement le grand marché.

Le Sichuan ne manque pas de ressources industrielles. Le sel est exploité, de très longue date, en puits profonds, d’où il est extrait par des tubes de bambou. Le charbon est produit près de Chongqing, à Taifu (T’ai-fou) et surtout à l’ouest (anthracite et charbon bitumineux). Le Sichuan est riche en gaz naturel, et du pétrole a été découvert près de Nanchong, sur le Jialingjiang (Kia-ling-kiang). Un grand barrage hydro-électrique a été achevé à Zipingpou (Tseu-p’ing-p’eou). Dans ces conditions, l’industrie, implantée sous forme artisanale (armement) en 1938 lors de la guerre contre les Japonais, a pu se développer, surtout à Chongqing et à Chengdu : raffineries de sucre, industrie du coton et de la soie, aciérie et machines-outils, appareils de précision.

Le gros handicap du Sichuan était son isolement. Le Yangzijiang (Yang-tseu-kiang) est navigable depuis Yibin (Yi-pin), au confluent du Min, mais la navigation est délicate de Yibin à Wanxian (Wan-hien) et est très difficile de Wanxian à Yichang (Yi-tch’ang) : elle a été rendue plus efficace par l’utilisation de navires de faible tirant d’eau (moins de 2 m) de 5 000 t. Le Sichuan a été ouvert par deux voies ferrées : l’une, vers le nord, de Chongqing et de Chengdu à Baoji (Pao-ki), et, de là, à Xi’an (Si-ngan) ; l’autre, vers le sud, de Chongqing à Guiyang (Kouei-yang), capitale du Guizhou (Kouei-tchou) et à Liuzhou (Liou-tcheou), sur la voie ferrée de Hengyang (Heng-yang) à Lang Son. Une troisième voie a été achevée en 1970 entre Chengdu et Kunming (K’ouen-ming). Une route part de Chengdu en direction de Lhassa, au Tibet.