Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

spécialités médicales (suite)

Situation des spécialistes


En milieu hospitalier

Le développement des techniques d’exploration est tel qu’il dépasse souvent largement les possibilités de l’installation privée courante. Le coût de l’appareillage, la formation d’un personnel infirmier compétent, l’utilité d’un travail en équipe, parfois l’utilisation d’isotopes* rendent indispensables le regroupement en milieu hospitalier de certaines spécialités à haut degré de technicité. Naguère, une tendance s’était faite vers la spécialisation de certains hôpitaux dans quelques branches : c’est le cas, par exemple, à Paris, de la Salpétrière, orientée vers les maladies du système nerveux, et de l’hôpital Saint-Louis, consacré en grande partie aux maladies de la peau. Une telle implantation aboutissait à des équipes spécialisées de haute qualité et à de véritables musées de pathologie, mais elle déséquilibrait un peu la carte sanitaire d’une ville.

C’est pourquoi, actuellement, on préfère distribuer les spécialités dans les hôpitaux de telle sorte que tout malade puisse bénéficier de l’avis d’un groupe de spécialistes dans un périmètre restreint. Inversement, l’expérience a montré qu’une importante fraction des lits d’hospitalisation devait être réservée à la médecine générale de haut niveau, ou médecine interne, ainsi qu’à la chirurgie générale. Ainsi, ce qui caractérise le spécialiste hospitalier est son travail en équipe et la proximité de spécialistes d’autres disciplines, dont peuvent bénéficier certains cas complexes.


En ville

À l’opposé et malgré la création de certains cabinets de groupe, le spécialiste de ville est le plus souvent isolé, parfois aidé par un personnel infirmier restreint. Il examine des patients venus le consulter directement ou des malades que lui adressent des correspondants généralistes pour avis diagnostique et thérapeutique. Il est donc un médecin qui a une faible proportion de malades régulièrement suivis par lui. La majeure partie de sa clientèle est constituée de malades qu’il voit une ou deux fois et qui sont ensuite suivis de nouveau par le médecin généraliste, auquel le spécialiste aura fait part de ses conclusions.


Formation du médecin spécialiste

Elle diffère dans les différents pays. En règle générale, la spécialité s’acquiert au-delà du cursus normal des études de médecine. En France ont été créés un certain nombre de certificats d’études spéciales (C. E. S.). Ils comprennent une scolarité qui dure de un à quatre ans (en moyenne trois), associant un enseignement théorique et des stages pratiques hospitaliers. Pour la chirurgie, il est nécessaire d’avoir été nommé à un concours d’internat de ville de faculté. Une tendance actuelle viserait à former tous les spécialistes par la voie des internats des hôpitaux. La dernière année est terminée par un examen national, dont l’obtention confère la spécialisation. Certains titres hospitaliers permettent d’obtenir une équivalence, accordée par une commission nationale. Enfin, un médecin généraliste déjà installé peut devenir spécialiste. En France, il est, à l’heure actuelle, contraint de suivre les règles des C. E. S. À l’étranger — et probablement en France dans l’avenir —, des possibilités de formation continue sont prévues après un certain temps d’exercice comme omnipraticien.


L’exercice des spécialités

Le médecin auquel la faculté de médecine a délivré le C. E. S. doit informer l’Ordre des médecins de son intention d’exercer la spécialité : soit comme spécialiste proprement dit, c’est-à-dire à titre exclusif ; soit comme « compétence », c’est-à-dire qu’il se réserve le droit de voir des malades de médecine générale à côté des malades de spécialité. La même différence est reprise par la Sécurité sociale, qui rembourse à un tarif supérieur (CS) la consultation du spécialiste exclusif, alors qu’elle ne majore pas le remboursement de la consultation du médecin compétent.

J.-C. Le P.

➙ Médecine.

spéciation

Terme propre à la biologie, issu des conceptions transformistes et évolutionnistes, et utilisé aujourd’hui pour circonscrire globalement le phénomène de formation des espèces. Par extension, il s’applique souvent aussi à la diversification taxinomique (genèse d’unités de niveaux variés : races, sous-espèces, genres, etc.).


Le phénomène de spéciation s’inscrit dans une trame très vaste : la variation*. Il doit être considéré comme le résultat du jeu d’un très grand nombre de facteurs, internes et inscrits dans le patrimoine héréditaire (morphologiques, physiologiques, ...) ou externes (isolement géographique, écologique, sexuel, phénologique).

Sur un plan théorique, la connaissance d’une spéciation suppose définies de manière précise des structures originelles et des structures dérivées, permettant de considérer un sens de transformation (micro-évolution). On doit repérer un dynamisme propre de caractères significatifs, considérés comme liés à des gènes ; ce dynamisme peut se traduire par acquisitions ou effacements de caractères au sein d’ensembles de populations rapportés à une même espèce. On mesure la difficulté d’appréciation, cette méthodologie requérant en principe la connaissance de stades antérieurs précis, fossiles ou subfossiles. Pour suppléer à l’absence d’observations étalées sur une assez longue période de temps, on a fait appel à des processus expérimentaux ayant permis de repérer des variations de caractères, en fonction de croisements ou de modifications des conditions de milieu. Une telle variation n’implique pas obligatoirement spéciation, les nouvelles combinaisons de caractères ou les nouveaux « modèles » observés pouvant ne pas avoir la stabilité à long terme permettant de les considérer comme des espèces, c’est-à-dire des unités douées d’une continuité génétique significative à l’échelle géologique.

En réalité, c’est souvent par l’intermédiaire de raisonnements et en s’appuyant sur la constatation de nombreuses corrélations que l’on a tenté de saisir et d’interpréter le phénomène de spéciation. Les critères portent sur les caractères liés aux individus (caryotype, anatomie, morphologie, cytochimie, sérologie, etc.) et sur la situation des individus et des populations des espèces intéressées par rapport à l’environnement général (chorologie comparée, écologie, foyers de diversification actuels ou passés, etc.). Pour plusieurs groupes de végétaux méditerranéens et alpins, des cas significatifs, fondés sur l’étude des degrés de ploïdie, ont permis une approche fondamentale du phénomène de spéciation. On a pu, en analysant les faunes des diverses assises du Pliocène, montrer une transformation lente de la coquille des Paludines (Gastropodes), correspondant à un sens d’évolution et à une spéciation. Un autre examen classique est celui des Pinsons des Galápagos, illustré par la théorie de la « radiation adaptative » de Darwin.