Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Soto (Jésus Raphaël) (suite)

Toutes ces recherches demeuraient dans le plan unique et la durée figée du panneau peint, mais, dès 1953, Soto en vient à des compositions dans l’espace et fait intervenir le temps et le mouvement. La Rotative Demi-Sphère, de Duchamp* eut certainement un rôle dans cette orientation vers des effets cinétiques*, mais Soto refuse l’intervention de moteurs pour animer ses pièces ; l’effet dynamique de la spirale mouvante de Duchamp, il l’obtient plus simplement par des effets de superposition : une première configuration peinte sur Plexiglas interfère, grâce à la transparence de son support, avec une seconde placée à quelques centimètres en arrière. C’est le mouvement du spectateur, de son œil, qui fait « fonctionner » l’œuvre par les interférences de lignes qui en résultent. Ces agencements sont élaborés systématiquement à partir de 1955, aboutissant parfois à des résultats d’une grande complexité (Œuvre cinétique à six plans de 1956) ou d’une échelle monumentale (Cube à espace ambigu de 1969).

D’autres dispositifs sont utilisés simultanément par l’artiste. Sur un panneau tramé horizontalement ou verticalement se détachent des éléments placés en avant : il s’agit de carrés fixes ou de baguettes suspendues en équilibre instable par des fils de Nylon invisibles. Le moindre déplacement de l’œil crée sur les franges de ces formes une vibration optique qui les dissout partiellement, voire totalement — comme dans les Écritures de 1963, où des fils de fer de formes irrégulières ne sont plus décelés que par les effets de moirure et autres perturbations que leur présence apporte à la stricte ordonnance des rayures du fond. Ces œuvres ne sont plus « figées », car elles ne peuvent être saisies que dans le temps d’un déplacement et par la vision active du spectateur.

Mais toutes ces recherches étaient encore liées à une présentation frontale des panneaux. Le dialogue entre l’œuvre et le spectateur allait être poussé plus loin, jusqu’à l’investissement total de l’espace. Soto a créé en effet un type d’environnement original, le « pénétrable », dont le principe d’agencement est très simple : à des distances régulières pendent du plafond des tiges de métal rigides ou des fils souples de Nylon. Le spectateur pénètre dans l’œuvre, accompagné du froissement soyeux des fils ou du fracas du métal ; tourné vers le centre, il est confronté à un espace bouché par les stries serrées des verticales ou irradié par la blancheur du Nylon et la coloration des tiges ; tourné vers les lisières, il perçoit des éléments dont l’espacement redevient sensible et qui interfèrent entre eux à la moindre impulsion.

Les tiges métalliques sont aussi employées par Soto fixées rigidement au sol pour créer des œuvres monumentales que le spectateur longe ou contourne sans y pénétrer : Progression jaune de 1968, Extension verte de 1969. Leur adaptabilité à un espace architectural est infini : les longueurs et les écartements des tiges permettent toutes les variations en fonction du volume donné (œuvres conçues pour l’université de Rennes, pour l’Unesco à Paris [v. art]).

M. E.

➙ Cinétique (art).

 A. Boulton, Soto (Caracas, 1973).
CATALOGUE D’EXPOSITION. Soto, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 1969.

Souabe

En allem. Schwaben, région historique de l’Allemagne, à cheval sur l’ouest de la Bavière*, dont elle forme un cercle, et le Land de Bade-Wurtemberg*, dont elle comprend les parties centrale et méridionale.


Habitée primitivement par les Celtes, cette région est occupée, au ier s. av, J.-C., par les Suèves, puis conquise par les Romains, qui en font la province de Rhétie. Les Alamans, en partie issus des Suèves, s’y installent à la fin du iiie s. Leur nom et le terme latin d’Alamannia sont peu à peu éliminés au profit du nom original de Souabe. Les Alamans sont convertis au christianisme (viie - viiie s.) par les moines irlandais ou germaniques qui fondent les évêchés de Constance et d’Augsbourg et les abbayes de Saint-Gall (v. 614) et de Reichenau (724).

Les ducs, issus de l’aristocratie, résistent longtemps à la pression franque, mais ils se font battre par Charles Martel (730), et, en 746, la Souabe est incorporée au royaume franc. Pépin le Bref supprime les ducs nationaux, remplacés par deux comtes qui parviennent à reconquérir une autonomie relative. Mais la Souabe, un moment unifiée par Charles III le Gros, fils du roi Louis de Germanie, est déchirée au début du xe s. par les rivalités entre les grandes familles. Le duc Burchard Ier (de 917 à 926), reconnu duc de Souabe par Henri l’Oiseleur, revendique l’ensemble de l’espace linguistique souabe, soit le Wurtemberg, l’actuelle Souabe bavaroise, le sud du pays de Bade, l’Alsace, la Suisse alémanique et le Vorarlberg. Mais il ne parvient pas à fonder une dynastie durable et se heurte à l’évêque de Constance.

En 949, Otton Ier le Grand donne le duché à son propre fils Liudolf, gendre du duc Hermann Ier. Dès lors, les empereurs s’efforcent de conserver le duché dans leur famille, mais il change constamment de mains. Les deux abbayes bénédictines de Saint-Gall* et de Reichenau sont au xie s. de grands centres culturels et artistiques. La réforme de Cluny a rencontré un écho très favorable et provoqué une floraison de créations monastiques, au point que l’évêché de Constance est de tous les diocèses allemands celui qui contient le plus d’abbayes. Mais l’activité littéraire sert aussi à des buts intéressés : garantir le maintien des biens, au besoin par des falsifications de documents, et intervenir dans les luttes politiques. Dans les deux grands conflits de la querelle des Investitures* et de la lutte du Sacerdoce* et de l’Empire, la Souabe s’est placée au côté du pape contre l’empereur.