Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sorokin (Pitirim Alexandrovitch) (suite)

Au total, Sorokin est original moins par les procédures qu’il utilise que par le point de vue qu’il adopte pour considérer l’histoire et les faits sociaux. Héritier d’un humanisme traditionnel, il contribuera cependant à mettre les crises sociales au centre des préoccupations sociologiques de son temps. En ce sens au moins, il apparaît moins aujourd’hui comme un sociologue de son temps que sous les traits d’un continuateur de la tradition ouverte au xixe s.

F. B.

Sōtatsu

Nom : Nonomura (ou Nomura) Sōtatsu ; pseudonyme : Inen ; nom de pinceau : Tawaraya Sōtatsu. Peintre japonais actif dans la première moitié du xviie s.


Au début du xviie s., l’établissement du régime féodal des Tokugawa, soutenu par le développement de l’industrie et du commerce, assure au Japon une paix durable. Les différentes classes sociales font alors appel à des artistes très divers. Parmi eux, Sōtatsu, peintre-né, magicien de la couleur, s’intéressant aux jeux subtils des tons et à la distribution des espaces vides qui mettent en valeur le mouvement des personnages, représente un des sommets de la peinture japonaise.

On sait peu de chose sur sa vie. Issu de la classe bourgeoise, il aurait dirigé un atelier d’éventails. Les nombreux éventails dans le style de Sōtatsu que l’on conserve effectivement rappellent la peinture profane de l’époque Muromachi (xive - xvie s.), maintenue officiellement à la cour impériale par la famille Tosa*, mais qui a pénétré aussi chez des peintres plus populaires. Néanmoins, la formation de l’artiste reste obscure.

En 1630, il porte le titre de hokkyō (« pont de la loi », titre honorifique de moines bouddhistes que la Cour accorde à des artistes laïques) et copie quatre rouleaux enluminés de la collection impériale (Vie du moine-poète Saigyō). La même année, la cour lui commande trois paires de paravents sur fond or.

Sōtatsu puise souvent son inspiration dans les thèmes littéraires classiques de l’époque Heian (ixe - xiie s.). Ainsi du paravent illustrant l’épisode Sekiya du Dit du Genji (Tōkyō, fondation Seika-dō), réalisation puissante dont la composition emprunte certains éléments à des rouleaux enluminés anciens tout en recréant une nouvelle unité plastique. Comme dans les e-maki, l’effet est produit par la juxtaposition des plans de couleurs unies, le char du prince Genji conférant à l’ensemble le mouvement principal de droite à gauche. Le lien psychologique est donné par la diagonale qui va de la voiture du héros à celle de la belle Utsusemi, en haut à gauche. Elle est soulignée par le vert de la colline, qui ressort sur le fond d’or. Tout est calculé, équilibré dans un but plastique, et Sōtatsu ressuscite l’esthétique traditionnelle des artistes japonais avec la vision très moderne qui lui est propre. Le paravent peint d’après l’épisode Miotsukushi du Dit du Genji contraste avec l’équilibre statique du précédent, animé qu’il est par le dynamisme des formes et des couleurs.

La mise en page hardie, sur fond uni, de formes prises aux peintures classiques est plus évidente encore dans une paire de paravents du temple Daigoji de Kyōto, représentant des danses anciennes (bugaku). Les groupes de danseurs sont disposés sur un fond d’or sans qu’aucun élément anecdotique ne vienne déranger l’effet plastique et presque abstrait de la composition. Plus libre et plus dynamique, la paire de paravents représentant le Dieu du Tonnerre et le Dieu du Vent (au temple Kennin-ji de Kyōto) combine l’effet décoratif à l’énergie du mouvement. La même stylisation se retrouve dans les Îlots de pins (Matsushima) de la Freer Gallery à Washington. Le mouvement des vagues, rendu par des lignes d’or et d’argent rehaussées de touches blanches, entoure les îlots rocheux modelés par la couleur.

Ces paravents marquent le sommet de l’art de Sōtatsu. Sa rencontre avec Honnami Kōetsu* (1558-1637) est par ailleurs déterminante. Poète, calligraphe et grand mécène, celui-ci est entouré d’un groupe d’artistes et d’artisans fort important dans le monde cultivé de l’époque. Plusieurs magnifiques rouleaux calligraphiés par Kōetsu et décorés par Sōtatsu attestent la collaboration des deux hommes.

Du fait de son originalité, le génie de Sōtatsu, qui exprime l’essence même de l’art japonais, restera peu apprécié pendant longtemps. Son fils ou son frère, Sōsetsu, lui succédera à la tête de son atelier, mais ce n’est qu’à la fin du xviiie s. que Kōrin* (1658-1716) reprendra ses formules et leur donnera droit de cité.

M. M.

 W. Watson, Sōtatsu (Londres, 1959).

Soto (Jésus Raphaël)

Plasticien vénézuélien (Ciudad Bolívar 1923).


Il fait ses études à l’Académie des beaux-arts de Caracas de 1942 à 1947 et devient ensuite directeur de l’École des beaux-arts de Maracaibo. En 1950, il vient à Paris, où il vivra désormais. Il y arrive au moment où le courant de l’abstraction géométrique (dite « froide ») commence à s’imposer. Les œuvres de Mondrian* font de sa part l’objet d’un examen attentif, mais il fera très vite des choix divergents. Il cherche à s’affranchir des frontières strictes du tableau, pour qu’il ne soit plus que « la partie visible d’une proposition qui se continue au-delà des limites du cadre ». Il cherche en outre à ne plus spéculer sur l’originalité des formes : « En multipliant systématiquement le même signe plastique, je le dépersonnalise jusqu’à l’anonymat, je m’ôte toute possibilité d’intervention subjective » (ainsi dans la peinture Répétition no 2, 1951 [galerie Denise René, Paris]). La sélection aléatoire des couleurs selon un étalonnage préétabli permet des variations quasi infinies, car les éléments composant les tableaux deviennent de cette manière systématiques et permutables. Soto, excellent musicien, rapproche les règles qu’il se donne dans ces œuvres « sérielles » de celles qui président à la constitution d’une gamme sonore.