Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Somalie (suite)

L’étude géologique fait apparaître l’existence du socle précambrien africain affleurant au sud, notamment sur les rives de l’Ouebi Chébéli, et au nord (monts Ogo). Mais il est largement couvert sur le plateau par des formations secondaires et tertiaires (grès et calcaires du Crétacé et de l’Éocène). L’instabilité du fossé tectonique d’Aden provoque de fréquents séismes dans la partie septentrionale.

La couverture végétale se caractérise par une steppe sahélienne parsemée de buissons et d’acacias là où les précipitations sont suffisantes. Les zones purement désertiques sont exceptionnelles.


La population et l’économie

La population est ethniquement homogène. Elle appartient au groupe somali. Celui-ci possède d’ailleurs glus de 500 000 représentants en Éthiopie orientale et près de 300 000 au Kenya ; les Issas de la région de Djibouti sont Somalis ; d’où un certain sentiment d’unité nationale chez ces peuples pasteurs que les hasards des découpages territoriaux ont répartis en quatre pays.

Le genre de vie est essentiellement rural ; nomadisme pastoral, mais à déplacements limités dans l’espace. Ainsi, au Haud, les jeunes gens nomadisent entre les puits permanents de saison sèche situés en Somalie et les pâturages de saison des pluies sur le plateau dans l’Ogaden éthiopien ; d’où les conflits frontaliers auxquels des accords politiques tentent de mettre fin. Le cheptel se compose de quelque 2 500 000 chameaux, 7 millions d’ovins et de caprins, 1 million de bovins. Cet élevage alimente une exportation de 1 250 000 ovins, 17 000 chameaux, 37 000 bovins en 1968. Un peu d’agriculture irriguée de canne à sucre, de banane, de riz et de coton est pratiquée dans les vallées du Chébéli et du Djouba. Un plan d’extension de l’irrigation sur 250 000 ha est en cours d’exécution.

La population est urbanisée à 10 p. 100 seulement. Mogadishu, la capitale, a 230 000 habitants ; Hargeisa (Hargeysa), l’ancienne capitale du protectorat britannique, 40 000.

Les exportations portent essentiellement sur la banane, la peau de mouton de Berbera (utilisée en ganterie), l’encens et la myrrhe ; ces derniers sont des produits de cueillette du Sahel somalien. La balance commerciale est déficitaire, et le revenu individuel très faible.

Par contre, la position stratégique de la Somalie lui vaut une aide internationale extrêmement importante. Outre les liens traditionnels entretenus avec l’Italie et le Royaume-Uni, le pays reçoit notamment l’aide des techniciens soviétiques (aménagement du port de Berbera) et américains (prospections minières).

J. W.


L’histoire

Les premières mentions de la péninsule somalie apparaissent dès la plus haute antiquité. Au xve s. av. J.-C., les inscriptions thébaines décrivent le pays de Pount, où vivent les Ḥabachat, cultivateurs d’encens, apparentés aux peuples sémitiques qui devaient plus tard fonder l’empire d’Aksoum*. Vers le iie s. de notre ère, le Périple de la mer Érythrée note que le roi d’Aksoum étend son autorité jusqu’au cap Aromata (auj. Guardafui), tandis que sur la côte sud règnent les Ḥimyarites, vassaux de celui-ci. Dès cette époque, des marchands sud-arabes, établis dans les ports, assurent la prospérité du pays. Plus tard, vers la fin du iiie s., apparaît le royaume des Zendj, peuplade bantoue dont on trouve encore des descendants sur le Chébéli et le Djouba et, au Kenya, sur la rivière Tana. Sur la côte se poursuivent les migrations de commerçants arabes et iraniens. Leur commerce florissant s’étend jusqu’en Chine, ce sont eux qui répandent l’islām.

Ce n’est que vers la fin du xive s. que les textes font pour la première fois mention des Somalis, mais selon la tradition c’est entre le xe et le xiie s. que débarquent sur la côte, venant d’Arabie, les cheikhs Ismā‘īl Djabarti et Isaq, ancêtres éponymes des deux grandes tribus Darod et Isaq. Ces groupes cherchent à s’étendre d’abord vers le nord, puis vers le sud, où ils repoussent progressivement les Zendj, déjà soumis à la pression des Gallas* venus du sud-ouest de l’Éthiopie.

À la fin du xve s., les Portugais apparaissent et Vasco de Gama bombarde Mogadishu en 1499, entrant en compétition avec les flottes indienne et égyptienne, jusqu’alors maîtresses du commerce. Mais les Turcs devaient rapidement les repousser. Reprenant entre 1538 et 1554 la maîtrise de la mer Rouge, ils apportent leur appui au royaume musulman de l’Adal soulevé contre l’Éthiopie, elle-même soutenue par les Portugais. Après 1589, les Turcs mettent la main sur le Bénadir conjointement avec le sultan d’Oman. Cette situation devait se prolonger jusqu’à ce que, à l’instigation des Britanniques, les ports de la côte passent sous la suzeraineté des sultans de Zanzibar, vassaux de l’Oman, mais en voie d’émancipation.

Dans le même temps, les Somalis continuent leur avance le long de la côte sud, vers le Bénadir. Ils réussissent à s’emparer de Mogadishu en 1624, mais ce n’est que bien plus tard qu’ils délogeront les Gallas de l’Ogaden. Entre 1842 et 1848, ils traversent le Djouba et chassent les Gallas de Kismayou (Kismaayo) en 1865. En 1909, ils arrivent au Kenya sur la rivière Tana, où les Britanniques éprouveront quelque difficulté à les contenir. Au nord, leur expansion se poursuit au même rythme. Après avoir participé à la coalition musulmane qui faillit submerger l’Éthiopie* sous la conduite d’Ahmed Gragne, ils dévastent vers la fin du xvie s. Zeila (Zeyla), où ils ne pourront cependant se maintenir. Il leur faudra attendre la fin du xixe s., lorsqu’ils repousseront leurs anciens alliés adals (Afars) vers l’ouest jusqu’à Tadjoura. L’intervention des Français installés depuis peu à Obock mettra fin à leur expansion vers le nord. Au Harar, ce n’est qu’en assimilant de vieilles populations locales, tels les Harla, qu’ils finiront par réussir à s’implanter.

À partir du milieu du xixe s., la corne de l’Afrique devait devenir le théâtre d’âpres rivalités entre la France, la Grande-Bretagne et l’Italie. Les premiers à prendre pied furent les Britanniques, soucieux de contrôler la route des Indes. Tout en aidant les sultans de Zanzibar à soumettre à leur autorité les ports de l’océan Indien, ils s’installent à Brava (1822-1824), puis à Berbera (1856). Les Français s’étant assuré la possession d’Obock, les Britanniques laissèrent les mains libres à l’Égypte, qui, se prétendant l’héritière d’une souveraineté turque sur la côte, installa des postes de Zeila à Guardafui (1870-1882) et occupa Harar (1875-1885). L’Égypte étant passée à son tour sous la protection des Britanniques, ces derniers développèrent leur emprise sur ce qui deviendra le Somaliland (1887), grâce à une série de traités conclus avec les chefs locaux. Désireux de faciliter une implantation italienne pour faire échec à l’expansion française, ils laissent les Italiens louer, puis acheter certains ports de la côte du Bénadir au nom de sociétés privés.