Sole (suite)
La Sole (Solea vulgaris), comme toutes les espèces de la famille des Soléidés, est dite « dextre » ; cela signifie qu’elle est couchée sur son flanc gauche, aveugle et dépigmenté, tandis que le flanc droit présente les deux yeux. La bouche est dissymétrique ; la pectorale gauche est plus petite que la droite et peut manquer dans certains genres. La dorsale et l’anale, très longues et uniquement formées de rayons mous, bordent le contour ovalaire du corps, du dessus de la tête à la caudale dorsalement et de l’anus (très antérieur) à la caudale ventralement. Ce sont les ondulations de ces deux nageoires qui permettent à la Sole de nager au-dessus des fonds sableux, où elle vit. Elle est sédentaire et prédatrice ; elle se nourrit de proies cachées dans le sable. L’homochromie de la face zénithale est remarquable, et de nombreux Poissons plats peuvent adapter leur coloration à celle du fond. Au moment de la reproduction, les Soles gagnent les eaux plus profondes du plateau continental et pondent un grand nombre d’œufs flottants, qui libèrent à l’éclosion des larves pélagiques et symétriques, microphages ; ces dernières s’enfoncent vers le plateau continental au moment de la métamorphose (ou « verse »), dont le fait le plus spectaculaire est la migration de l’œil gauche vers le flanc droit. La croissance de la Sole est très rapide.
Espèces voisines
Comme la Sole, tous les Pleuronectiformes sont couchés sur un flanc droit ou gauche suivant les familles et même parfois suivant les individus de la même espèce. Il semble que les Poissons plats proviennent de Téléostéens Perciformes. Tous sont benthiques et prédateurs, et la plupart sont sédentaires, mais on trouve des espèces migratrices, et l’une d’elles, le Flet (Platichthys flesus), remonte les rivières pour se nourrir.
On divise les Pleuronectiformes en trois sous-ordres et en cinq familles principales. Les Psettodoïdes sont les plus primitifs, et leurs nageoires ont encore des rayons épineux. Ce sous-ordre comprend une seule famille (Psettodides) et un seul genre (Psettodes) dont les individus des trois espèces connues se couchent indifféremment sur le flanc gauche ou sur le flanc droit.
Les Pleuronectoïdes ont des côtes ; les pectorales de l’adulte sont celles de la larve. On distingue deux familles dans ce sous-ordre. Les Bothidés, ou Turbots, sont sénestres ; leur bouche est symétrique, et leur corps souvent très large. Citons sur nos côtes le Turbot (Psetta maximus), mangeur de coquillages et de Crustacés, la Barbue (Scophthalmus rhombus) et la fausse Limande (Arnoglossus laterna). Les Pleuronectidés, ou Plies, sont dextres ; leur bouche est dissymétrique, et leur corps plus allongé que celui des Bothidés. Citons sur nos côtes le Carrelet (Pleuronectes platessa), la Limande (Limanda limanda), le Flet, aux migrations amphibiotiques, et le Flétan (Hippoglossus hippoglossus). Ce dernier, avec ses 4 m et ses 300 kg, est le géant des Poissons plats ; sa ponte a lieu en profondeur, au large des côtes d’Écosse, de Norvège ou du Groënland ; sa croissance, lente, donne des géniteurs sexuellement mûrs vers douze ans ; sa longévité est d’une quarantaine d’années. Les Flétans effectuent de longues migrations et sont activement péchés, notamment pour l’huile de leur foie, très riche en vitamines.
Les Soléoïdes n’ont pas de côtes, et leurs pectorales sont des néo-formations qui apparaissent au moment de la métamorphose. Ce sont des Poissons de faible taille. On y distingue les Soléidés, dextres, et les Cynoglossidés, sénestres. Citons au voisinage de la Sole le Séteau (Dicologoglossa cuneata) et parmi les Cynoglossidés l’espèce commune sur nos côtes, surtout en Méditerranée, Symphurus lacteus. Signalons qu’on vend en France sous le nom de Sole bien des Poissons plats qui n’appartiennent ni au genre Solea ni même à la famille des Soléidés.
R. B.
L. Bertin et C. Arambourg, « Systématique des Poissons », dans Traité de zoologie sous la dir. de P.-P. Grassé, t. XIII, fasc. 3 (Masson, 1958).