Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sol (suite)

Les sols isohumiques se développent sous les climats continentaux à faibles précipitations et sur les marges désertiques. La végétation steppique de ces milieux fournit en grande abondance des débris végétaux riches en azote et en calcium, qui se décomposent en un humus calcique qui s’incorpore profondément à la matière minérale. Le plus typique de ces sols est le chernozem (tchernoziom), ou terre noire d’Ukraine, qui, sous un mince horizon A0, présente un horizon A1 épais de couleur noire et à structure en gros grumeaux ; le passage à la roche mère est assuré par un horizon Ca jaune ocre plus compact, où s’accumule le calcaire lessivé dans les horizons superficiels. En milieu plus humide, comme dans la Prairie nord-américaine, les horizons superficiels sont soumis à un lessivage plus intense et sont désaturés, tandis que se forme en profondeur un horizon B argilique à structure polyédrique : ce sont les brunizem. Au contraire, en milieu plus aride, la végétation, plus maigre, livre une moindre quantité de matière organique, et le lessivage des carbonates est plus restreint ; il se forme des sols châtains, caractérisés par un horizon A1 de couleur brun chocolat non décarbonaté, et l’horizon Ca est à peine esquissé. Sous climat méditerranéen, le sol prend souvent une teinte châtain-rouge, liée à la présence d’oxydes de fer en partie hérités de paléoclimats plus humides ; l’accumulation calcaire en profondeur y a souvent une grande importance, et l’horizon Ca s’indure dans certaines conditions en formant une « croûte ». En marge des déserts, la teneur en matière organique faiblit considérablement, et une croûte gypso-calcaire apparaît souvent en surface, qui atteste l’absence de tout lessivage : ce sont les sols gris subdésertiques.

Les vertisols sont des sols calcimorphes à argiles gonflantes, qui bloquent l’infiltration des eaux en saison humide et provoquent une hydromorphie de surface plus ou moins marquée. Ce sont des sols noirs bien connus dans les régions tropicales (regur indien) et subtropicales (tirs marocains), où ils constituent de bons sols. Leur développement est lié à des conditions particulières, favorisant la synthèse d’argiles de type montmorillonite : roche mère riche en bases et dépressions mal drainées ; d’où la distinction entre vertisols lithomorphes et vertisols topomorphes. Les argiles, tantôt gorgées d’eau, tantôt desséchées et fendillées, brassent les agrégats en engendrant une structure polyédrique à faces lustrées et striées, et homogénéisent le profil.


Les sols évolués

Ils présentent un profil de type ABC, c’est-à-dire à horizons éluviaux et illuviaux bien individualisés par une pédogenèse évoluée. On peut les classer en trois grandes catégories.

• Les sols évolués à mor. Ce sont des sols qui se développent sous les climats froids et assez abondamment arrosés, dont la végétation caractéristique est la forêt de conifères (taiga), génératrice d’humus brut. La présence d’un humus acide provoque un processus particulier d’altération : la podzolisation. Le mor produit en effet des composés organiques solubles ou pseudo-solubles, qui migrent en profondeur en entraînant les oxydes de fer et d’alumine libérés par la destruction de la partie minérale du complexe absorbant. L’ensemble de ces éléments et de la silice sont accumulés dans l’horizon B, ne laissant subsister dans l’horizon A2 que du quartz d’origine détritique.

Au début de cette évolution, l’horizon A2 n’est pas encore différencié ; sous un horizon A0 de quelques centimètres se trouvent un horizon A1 très noir et non grumeleux, puis un horizon B ferrugineux ; c’est le sol ocre podzolique. Lorsque l’horizon A2, de couleur claire, est individualisé entre l’horizon A1, noir, et l’horizon B, de couleur ocre rouille, c’est un sol podzolique. Le véritable podzol présente un mor très épais et très acide (pH 3,5-4,5), un horizon cendreux A2 et un horizon B enrichi en fer et contenant de la matière organique. Dans le podzol humo-ferrugineux, on distingue un horizon B1 sombre, où s’accumulent les composés humiques colloïdaux, et un horizon B2 de teinte rouille, riche en fer oxydé. Ce dernier horizon est parfois cimenté par les colloïdes et tend à former une masse durcie appelée alios.

• Les sols évolués à mull. Ils sont caractérisés par un humus faiblement acide et se minéralisant rapidement. Les composés humiques se lient aux argiles dans les horizons superficiels en un complexe argilo-humique donnant des agrégats assez peu compacts et relativement peu stables, dans lesquels le principal cation de liaison est le fer. Il en résulte une couleur brune caractéristique. Ces sols, qui se forment dans les régions tempérées sans saison sèche marquée, subissent un lessivage dont l’importance permet de distinguer deux types de profils.

Les sols bruns ne sont que faiblement lessivés : l’entraînement des colloïdes est faible, voire nul, de sorte que l’horizon B est difficile à identifier. L’horizon A1, épais d’une dizaine de centimètres, est brun-noir et grumeleux ; il est entièrement décarbonaté et plus ou moins acide suivant la roche mère (pH 4,5-5). L’horizon A2 a la couleur brune caractéristique et une structure grumeleuse. L’horizon (B) a le même aspect, si ce n’est une texture un peu plus argileuse. Ces sols sont développés dans les régions semi-continentales sous forêt de feuillus ainsi qu’en milieu méditerranéen humide sous forêt de chênes verts ou de chênes-lièges.

Les sols lessivés caractérisent les climats tempérés bien arrosés, où le lessivage des colloïdes, fer et argile, est accusé. L’horizon B, riche en argile, à structure fréquemment polyédrique et de couleur ocre, se distingue clairement de l’horizon A2, à structure plus ou moins particulaire et de teinte plus claire. L’horizon A1 est plus acide (pH 4-5), et l’humus est intermédiaire entre le mull et le moder.

• Les sols évolués riches en sesquioxydes. Ce sont des sols développés sous les climats chauds suffisamment humides (pluviosité supérieure à 800 mm) où l’altération des roches mères est rapide et intense, et libère de grandes quantités d’oxydes de fer et d’alumine. La présence des oxydes de fer leur donne des teintes vives, allant de l’ocre vif dans les sols constamment humides au rouge dans les sols qui connaissent une période de dessiccation dans l’année. Trois types de sols peuvent être distingués, qui correspondent à trois milieux climatiques.