Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sol (suite)

• Les propriétés chimiques. L’ensemble des colloïdes du sol chargés négativement ont la propriété de fixer des cations. On les appelle de ce fait complexe absorbant. Les cations absorbés sont soit des ions H+, soit des cations métalliques (Ca++, Mg++, K+, Na+) qui peuvent être échangés à tout moment de façon réversible. Les racines des plantes, notamment, échangent des ions H+ contre les cations métalliques du complexe absorbant ; ces ions H+ sont, à leur tour, échangés par les colloïdes avec les cations métalliques dissous par les eaux qui percolent dans le sol au contact de la fraction non altérée contenue dans la phase grossière du sol et qu’on appelle de ce fait la réserve minérale. On caractérise l’état du complexe absorbant en définissant sa capacité totale d’échange (T), qui est la quantité maximale de cations métalliques que le sol peut fixer, et la somme des cations métalliques effectivement retenus (S) ; on en déduit le taux de saturation V = 100 S/T. L’état du complexe absorbant détermine le pH du sol : plus il est désaturé, plus le pH est faible (sol acide) ; au contraire, le pH est élevé (sol basique) pour les sols à complexe saturé.

• Le type d’humus. Il intervient en ce qui concerne les horizons superficiels. L’humus se différencie en fonction de l’intensité de l’activité biologique, elle-même commandée principalement par le milieu bioclimatique. Dans les milieux à activité biologique intense, il se forme un humus doux, ou mull, qui s’incorpore bien à la fraction minérale en constituant un complexe argilo-humique à structure grumeleuse. Dans les milieux biologiquement peu actifs, la matière organique se décompose lentement : des débris végétaux incomplètement décomposés surmontent un humus acide, ou mor, qui s’incorpore mal aux colloïdes minéraux, et la structure reste particulaire. Le moder est un humus intermédiaire entre le mull et le mor. Enfin, en milieu gorgé d’eau en permanence, la matière organique ne se décompose que très lentement et s’accumule sur de grandes épaisseurs en constituant une tourbe. Pour caractériser l’état de l’humus, on calcule le rapport de sa teneur en carbone à sa teneur en azote (C/N) : plus la minéralisation de la matière organique est rapide, plus la teneur en azote est élevée, donc plus le rapport C/N est faible.


Les principaux types de sols

Diverses classifications des sols ont été proposées. Les plus anciennes étaient fondées sur les facteurs climatiques et ont introduit les notions de sol zonal, dont l’évolution est commandée par le milieu bioclimatique, de sol intrazonal, dans lequel le facteur lithologique ou stationnel est prépondérant, et de sol azonal. La classification soviétique reste inspirée par ce principe, en privilégiant les conditions écologiques. En revanche, la plupart des classifications modernes sont fondées sur la genèse du sol et son évolution, et elles prennent en considération tous les caractères du profil qui en découlent : morphologiques, physiques, chimiques et biologiques.

La classification française distingue dix classes de sols, en fonction du degré d’évolution, du mode d’altération, du type et de la répartition de la matière organique, et enfin de certaines conditions qui peuvent fortement influencer la pédogenèse (hydromorphie par exemple). Chacune de ces classes se subdivise, en fonction du pédoclimat, en sous-classes, elles-mêmes divisées en groupes, que différencient des caractères morphologiques liés aux processus évolutifs. Enfin, des sous-groupes sont distingués en fonction de l’intensité du processus fondamental d’évolution du groupe ou de la manifestation d’un processus secondaire ; parfois, les diverses tendances évolutives d’un même sous-groupe permettent de définir des faciès.


Les sols non évolués

Appelés aussi sols bruts, ils sont très proches de la roche mère : l’altération y est très faible, et l’humus presque absent ; ils sont constitués de débris de roche et présentent un profil de type (A)C. On range dans cette classe les sols polygonaux des régions polaires, qui présentent une disposition géométrique des pierres due aux alternances de gel et de dégel, ainsi que les sols des régions désertiques dépourvues de végétation. En dehors de ces sols liés à des causes climatiques, on rencontre des sols non évolués sur des alluvions récentes non colonisées par la végétation et sur des versants décapés par l’érosion (régosols sur roche tendre, lithosols sur roche dure).


Les sols peu évolués

Ils présentent un profil de type AC avec un horizon humifère bien développé. L’altération y reste faible et superficielle. On peut distinguer plusieurs sortes de sols peu évolués.

• Les sols peu évolués à complexe désaturé. Ces sols s’observent sur roche mère siliceuse et sont caractérisés par un humus de type moder ou mor. Ce sont donc des sols plus ou moins acides. On les désigne du nom de rankers, en distinguant suivant leur origine : les rankers d’érosion, où l’évolution est ralentie du fait d’une faible infiltration des eaux sur les pentes et d’un certain décapage des horizons superficiels ; les rankers d’apport, tels les rankers colluviaux en bas de pente, qui sont constamment recouverts de colluvions nouvelles ; les rankers climatiques, dont le développement est entravé soit par le froid (sols de toundra, rankers alpins), soit par la sécheresse (xérorankers).

• Les sols peu évolués à complexe saturé. Ce sont des sols à humus biologiquement actif bien incorporé à la matière minérale et à structure grumeleuse. Ils présentent un horizon A1 épais et riche en calcium et en magnésium échangeables, de sorte que le complexe absorbant est saturé ou presque. Suivant leur origine, on peut distinguer les sols calcimorphes, les sols isohumiques et les vertisols.

Les sols calcimorphes se développent sur une roche mère carbonatée et correspondent essentiellement aux rendzines. L’horizon A1 présente un mélange intime de calcaire finement divisé et de matière organique : c’est un mull calcique de teinte sombre à structure grumeleuse et dont le pH est couramment de l’ordre de 8. Cependant, sur calcaire dur se débitant en fragments grossiers, ce mélange se fait mal : la matière organique est alors très abondante, et on a plutôt affaire à un sol humique carbonaté. Inversement, sur les roches riches en argiles et moins riches en calcaire, le lessivage provoque une certaine décarbonatation en surface et tend à faire apparaître un horizon (B) : ce sont les rendzines brunifiées, qui font transition aux sols bruns.