Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

société (suite)

Le contrat de société est caractérisé en outre par trois éléments spécifiques

• L’apport de chaque associé. C’est un élément essentiel, quel que soit le type de société. Trois formes d’apport sont possibles.

L’apport en espèces est réalisé par le versement d’une certaine somme d’argent dans la caisse sociale. Ce versement peut être effectué en une ou plusieurs fois selon le type de société.

L’apport en nature est réalisé par un apport de biens immobiliers (terrains, bâtiments) ou de biens mobiliers corporels (marchandises, matériel) ou incorporels (fonds de commerce, droit au bail, marques, brevets, créances...). L’apport en nature est strictement réglementé et soumis à une procédure de vérification dans les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions, car, les associés n’étant responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports, la fictivité ou la surestimation d’un apport en nature pourrait nuire gravement aux apporteurs de numéraire et aux créanciers sociaux. Le coût fiscal d’un apport en nature est plus élevé que celui d’un apport en numéraire, tant en raison des droits d’enregistrement plus forts, qui devront être payés par la société bénéficiaire de l’apport si l’apporteur est une personne physique ou une personne morale non soumise à l’impôt sur les sociétés, que pour l’apporteur, qui peut, dans certains cas, se voir taxer sur les plus-values dégagées lors de la réalisation de l’apport.

L’apport en industrie consiste en un travail que l’apporteur effectue ou promet d’effectuer ou dans les services qu’il rend ou promet de rendre à la société. Ce type d’apport est interdit dans les sociétés où la responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports et dans lesquelles, en conséquence, seul le capital social constitue le gage des créanciers sociaux.

L’ensemble des apports, tels qu’ils auront été évalués, constitue le capital social, valeur fixe inscrite au passif du bilan* de la société, qui ne peut être modifiée qu’en suivant une procédure particulière. Le capital social peut être très différent de l’actif réel de la société et ne peut donc, au cours de la vie de la société, renseigner à lui seul les tiers sur la véritable situation de la société.

• La recherche des bénéfices et la participation de tous les associés aux bénéfices et aux pertes. La notion de recherche des bénéfices est importante, car elle permet de distinguer la société de l’association. Cependant, la distinction est quelquefois malaisée pour les personnes morales dont le but est de procurer des avantages à leurs membres ou de leur éviter des pertes. Le statut est alors généralement réglementé spécialement par la loi (coopératives, sociétés mutualistes, groupements d’intérêt économique...).

La répartition des bénéfices et des pertes est une notion essentielle du contrat de société. Cette répartition est généralement fixée par les statuts proportionnellement au montant des apports de chaque associé. En cas d’absence de disposition statutaire, la même règle est prévue par le Code civil à titre supplétif. Une répartition différente peut être fixée par les statuts de la société, à la condition qu’elle ne limite pas totalement ou d’une façon excessive la part d’un ou de plusieurs associés dans les bénéfices ou leur contribution aux pertes. Dans le cas contraire, la clause serait nulle et pourrait entraîner la nullité de la société si celle-ci était une société civile, en nom collectif ou en participation.

En pratique, la vie de la société est divisée en exercices (d’une durée d’une année chacun), et les bénéfices sont répartis chaque année entre les associés après clôture de l’exercice ou mis en réserve. Dans ce dernier cas, les associés possèdent sur les réserves des droits égaux à ceux qu’ils possèdent sur les bénéfices sociaux. À la liquidation de la société, si les opérations de liquidation laissent apparaître, après remboursement du passif social et du montant des apports, un « boni », celui-ci sera réparti dans les mêmes proportions entre les associés.

Chaque associé doit également contribuer aux pertes. Mais, lorsque les pertes viennent à dépasser le capital social et les réserves, se pose le problème de la contribution aux dettes sociales, problème réglé tout différemment dans les sociétés dites « de personnes » et celles qui sont dites « de capitaux ». Ainsi, les associés d’une société en nom collectif et les associés commandités des sociétés en commandite sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes de la société, et chaque associé peut être amené à désintéresser la totalité des créanciers sociaux sur son propre patrimoine, à charge ensuite pour lui d’exercer un recours contre ses coassociés à l’effet de se faire rembourser les sommes qu’il a payées aux créanciers en excédent de la fraction du passif mise à sa charge par les statuts.

Par contre, les associés d’une société à responsabilité limitée, les associés commanditaires des sociétés en commandite et les actionnaires d’une société anonyme ne peuvent jamais être engagés au-delà de leurs apports vis-à-vis des créanciers sociaux. Cette règle se trouve cependant sérieusement entamée en pratique, en ce qui concerne les associés dirigeants de ces sociétés, par le jeu des cautionnements personnels qui leur sont fréquemment réclamés et par les graves responsabilités encourues en cas de liquidation des biens de la société.

• L’« affectio societatis ». C’est la volonté de collaborer d’une manière active à la réalisation de l’objet social. Cet élément psychologique, essentiel dans les sociétés en nom collectif, tend à disparaître totalement dans les sociétés par actions, du fait de l’absentéisme des actionnaires et de la pratique des pouvoirs en blanc aux assemblées générales ; la loi et la jurisprudence tentent cependant de conserver une certaine valeur à cette notion en renforçant les possibilités de contrôle des actionnaires et en créant de nouveaux droits pour la minorité (nomination d’experts, possibilité de présenter des résolutions aux assemblées générales, etc.).