Groupe ethnique de la branche orientale de la famille indo-européenne, parlant des langues de même origine, les langues slaves, et occupant la majeure partie de l’Europe centrale et orientale (un tiers de la superficie du continent et un quart de sa population) et du nord de l’Asie.
Les Slaves
Forts de 260 millions d’hommes environ, les Slaves représentent l’ethnie la plus nombreuse d’Europe ; il faut y ajouter les 10 millions de Slaves émigrés soit à l’ouest du continent, soit en Amérique. On distingue les Slaves orientaux (118 millions de Russes, ou Grands-Russiens, 48 millions d’Ukrainiens, ou Petits-Russiens, 9,2 millions de Biélorusses, ou Blancs-Russiens), les Slaves occidentaux (33 millions de Polonais, 10 millions de Tchèques, 4,5 millions de Slovaques et 100 000 Serbes de Lusace) et les Slaves méridionaux (9,2 millions de Serbes, 8,6 millions de Bulgares, 5,2 millions de Croates, 1,7 million de Slovènes, 1,1 million de Macédoniens et 1,2 million de Slaves musulmans yougoslaves). Le taux d’accroissement démographique est le plus fort chez les Slaves méridionaux ; viennent ensuite les Polonais, les Slaves orientaux et les Slovaques, les Tchèques, élément le plus occidentalisé, étant à la limite de la dénatalité. Quant aux îlots dispersés de Slaves poméraniens, représentés par les Serbes de Lusace (établis sur la haute Sprée, au nord-ouest de Dresde) et par les derniers Kachoubes et Slovinces de la côte balte (au nord-ouest de Gdańsk), ils sont en voie d’assimilation par le milieu est-allemand ou polonais.
Les Slaves ne représentent pas un type anthropologique et, a fortiori, une nation unique. On peut retenir des controverses sans fin au sujet de leur « patrie d’origine », qu’une partie constitutive des Slaves d’aujourd’hui se rattache à la civilisation « lusacienne », qui fleurit près de Gniezno quelques siècles avant l’ère chrétienne. Leur premier habitat semble se situer au nord des Carpates, entre le cours moyen de la Vistule et le Dniepr au nord et au sud de Kiev. Les Protoslaves, peuples du Nord, devaient être des dolichocéphales, type minoritaire chez les Slaves d’aujourd’hui. Ils étaient séparés de la mer par les Baltes et les Finnois, qui ont influencé notablement le vieux-slave (certains parlent de groupe « balto-slave »). Quoi qu’il en soit, il est évident que cette ethnie n’était pas nomade alors. Éleveurs, chasseurs, pêcheurs, auteurs de constructions en rondins, les Slaves, s’ils ne s’adonnaient plus guère à la cueillette, n’en étaient pas pour autant de vrais agriculteurs, du fait d’un relief ingrat : forêts, terres pauvres et marais. (Certains auteurs font dériver le terme de slave de la racine indo-européenne signifiant « marais ».) Dès le ier s. apr. J.-C., Pline l’Ancien et Tacite parlent de Veneti (Vénètes), voisins orientaux des Germains. Le terme se retrouve plus tard avec celui d’Antes chez les Goths (chez leur historien Jordanès) et les Finnois (Veneä).
Au iie s., Claude Ptolémée, tirant ses informations des voisins méridionaux des Slaves, parle de Suovenoî, première apparition de la racine du mot slave. Sous la pression des Huns et des Avars, les Sklavenoî entament au ive s. et surtout au vie leur grande migration, qui les transportera vers le sud-ouest jusqu’à Trieste et au Péloponnèse. Ils ne seront assimilés ou repoussés qu’au-delà de l’Elbe et qu’en Grèce. Ailleurs, ils s’établiront définitivement dans des villages rassemblant les tribus protoslaves mêlées à des éléments hétérogènes, tels les Bulgares turco-tatars. Leur expansion vers l’est, elle, ne sera pas arrêtée et gagnera la mer Noire. Un peuplement trop dispersé et une forme trop lâche d’organisation en union provisoire de tribus autour d’un prince (kniaz, du goth konung), union vite dissoute par les dissensions internes, les laisseront sans défense devant les invasions : croisades officielles allemandes et surtout arrivée des Hongrois (xe et xie s.), qui enfoncent un coin entre Slaves de l’Ouest et de l’Est et Slaves du Sud en Pannonie. La romanisation des Slaves de Roumanie par les Daces consolide les arrières de cette percée des non-Slaves jusqu’à la mer Noire.
« Les Slaves sont une nation anarchique. » Ainsi s’exprimait un écrivain grec du Moyen Âge. Et il est sûr qu’ils ont rarement réussi à s’organiser sur le type des grands empires médiévaux. Un marchand franc, Samo (qui règne de 623 à 658), unit momentanément les diverses tribus tchèques et wendes contre les Avars et contre Dagobert Ier lui-même. De la même façon, les Khazars et les Varègues unifient partiellement les tribus russes (du ve au viiie s.). Les Bulgares, d’ailleurs, doivent leurs premiers succès face à Byzance à leur organisation de type mongol sous Krum khān (803-814). Exception remarquable au ixe s., l’empire de Grande-Moravie* unifie les Slaves occidentaux de l’Europe centrale pour s’écrouler ensuite sous les coups de boutoir des Allemands et des Hongrois. L’empereur Rostislav (846-870) a néanmoins le temps d’appeler en 863 les apôtres grecs Cyrille et Méthode, qui christianisent le pays et donnent aux Slaves leur premier alphabet (glagolithique, matrice du cyrillique) et une langue enfin écrite. À la même époque, Bulgares et Serbes se convertissent également à l’orthodoxie. Au xe s., c’est le tour des Croates et des Polonais, qui adoptent, quant à eux, le rite romain. L’empire de Tomislav de Croatie (925-928) s’étend jusqu’au Monténégro et en Serbie, repoussant l’orthodoxie en faisant reculer les Bulgares. De la même façon, Boleslav le Preux, roi de Pologne, en s’appropriant la Bohême, catholicise ce pays, aidé en cela par l’action des clercs allemands (1003). Or, au même moment, l’expansion polonaise en Ukraine ne parvient pas à y supplanter le rite orthodoxe, établi par Vladimir Ier vers 988.