Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

similitude (suite)

La condition première, dans les essais sur maquette, est la similitude géométrique : maquette et prototype, de tailles différentes, doivent avoir la même forme. Des considérations expérimentales limitent pourtant cette similitude géométrique. Pour l’étude sur maquette de la régularisation du cours d’une rivière, par exemple, la poudre utilisée n’a pas toujours une granulométrie en rapport avec celle des alluvions, et la hauteur d’eau, sur la maquette, est si petite que l’action de la tension superficielle, négligeable sur le prototype, devient prépondérante. On utilise dans ce cas une maquette distordue : les dimensions verticales, comparées aux dimensions horizontales, sont amplifiées.

Il est possible de définir pour les deux systèmes (prototype et maquette) :
— les conditions géométriques aux frontières par la donnée d’une longueur caractéristique L0 (corde d’une aile d’avion, diamètre intérieur d’une conduite...) ;
— les conditions cinématiques aux frontières par la donnée d’une vitesse de référence V0 (vitesse de déplacement relatif d’un corps dans un fluide au repos, vitesse de débit dans une conduite...) ;
— les caractéristiques physiques du fluide par la donnée, en un point de la frontière de l’écoulement, de la masse volumique ρ0 et du coefficient de viscosité dynamique μ0.

Il y a similitude dynamique entre les deux systèmes lorsque toutes les forces appliquées à ces deux systèmes sont dans le même rapport.

Dans le cas de l’écoulement de deux fluides, a priori différents, autour de solides géométriquement semblables (fig. 1), les forces appliquées aux deux éléments de volume et centrés en des points homologues M1 et M2, sont de deux types :
— forces de volume FG (dues à la gravité) ;
— forces de surface (de pression FP, de viscosité FV et, lorsque le point M se trouve à une interface liquide-gaz, s’ajoute la force de tension superficielle FT).

En introduisant la force d’inertie FI, le principe fondamental de la dynamique peut s’écrire, pour chacun des éléments de volume,
FI + FG + FP + FV + FT = 0.
Si bien que trois des quatre égalités suivantes traduisent à elles seules la similitude dynamique :

Aux trois premières égalités, par exemple, correspondront trois conditions de similitude.

Mais, dans la pratique, suivant la nature du problème envisagé, certaines forces sont négligeables devant les autres, ce qui réduit le nombre de conditions de similitude. Comme, d’autre part, les différentes forces en présence sont respectivement proportionnelles à

les conditions de similitude dynamique font apparaître trois paramètres sans dimensions.

• Nombre de Reynolds ℛ.

Lorsque le nombre de Reynolds est très grand, les forces de viscosité deviennent négligeables devant les forces d’inertie, ce qui correspond à l’approximation du fluide parfait.

• Nombre de Froude ℱ.

• Nombre de Weber

Lorsque la masse volumique du fluide est variable (écoulement d’un gaz à grande vitesse), il est nécessaire d’introduire une nouvelle condition de similitude faisant intervenir la compressibilité du fluide. Cette condition s’exprime à partir du nombre de Mach.

• Nombre de Mach ℳ.
a0 étant la célérité du son au point où la vitesse du fluide est V0,

Si ℳ < 1, l’écoulement est dit subsonique. Pour ℳ < 0,2, le gaz est supposé incompressible.
Si ℳ = 1, l’écoulement est sonique.
Si ℳ > 1, l’écoulement est supersonique. Aux grandes valeurs de ℳ, enfin, l’écoulement est dit hypersonique.

Finalement, les conditions de similitude dynamique entre le prototype et la maquette s’écrivent

Comment déterminer alors la traînée Fx1 sur le prototype à partir d’un essai où l’on mesure la traînée Fx2 sur la maquette ? Si les conditions de similitude sont vérifiées

Les conditions aux frontières de l’écoulement autour du prototype sont imposées ; celles qui correspondent à la maquette sont choisies en vue de faciliter l’essai. La valeur de la traînée inconnue Fx1 est donc déduite directement de la mesure Fx2 effectuée sur la maquette.

Cette méthode de calcul, séduisante dans sa présentation, pose de nombreux problèmes pratiques. En effet, les conditions de similitude ne peuvent, bien souvent, être vérifiées simultanément, ce qui paraît condamner toute utilisation possible de la similitude. Pour le cas d’un essai de bateau au bassin des carènes, par exemple, la maquette à échelle réduite (L02 < L01) étant essayée dans l’eau (ρ02 = ρ01, μ02 = μ01), les conditions de similitude de Reynolds et de Froude sont contradictoires :
— la condition ℛ2 = ℛ1, entraîne V02 > V01 ;
— la condition ℱ2 = ℱ1 entraîne V02 < V01.
Dans ce cas particulier, il n’est pas possible de négliger la traînée due aux ondes de gravité devant la traînée visqueuse. Pour conduire un tel essai, on respecte la similitude de Froude et l’on calcule la traînée visqueuse à partir de la théorie de la couche* limite.

Dans d’autres cas, lorsque les conditions aux frontières ne font pas intervenir de surface libre et lorsque le fluide peut être supposé incompressible (vol subsonique d’un avion, déplacement d’un sous-marin), la seule condition de similitude est la condition de Reynolds. Le coefficient où A est une aire proportionnelle à est le coefficient de traînée du solide. À partir d’un essai sur une seule maquette, où l’on ne fait varier que la vitesse V02 du fluide, il est possible de tracer la courbe Cx(ℛ) [fig. 2]. Cette simple courbe, indépendante du système d’unités utilisé, permet la détermination de la traînée sur un solide géométriquement semblable pour des conditions aux frontières quelconques.

Ces quelques exemples montrent tout l’intérêt d’une méthode de recherche qui, en l’absence de solution exacte au phénomène étudié, permet, cependant, de prévoir le comportement des applications possibles de ce phénomène. Dans ce sens, la similitude a largement contribué au développement des industries hydraulique, aéronautique et navale.

J. G.

 L. I. Sedov, Similitary and Dimensional Methods in Mechanics (en russe, Moscou, 1944 ; trad. angl., New York, 1959). / S. J. Kline, Similitude and Approximation Theory (New York, 1965).