Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sieyès (Emmanuel Joseph) (suite)

Rival de Barras, Sieyès sent que l’heure est venue de changer de régime, mais il lui faut l’appui d’un « sabre ». Le général Joubert, auquel il songe en premier lieu, est tué à Novi. Son choix se porte alors sur Bonaparte, qui vient de rentrer d’Égypte. Le jeune vainqueur des Mamelouks connaît l’art de la flatterie : « Nous n’avons pas de gouvernement parce que nous n’avons pas de constitution, dit-il à Sieyès : c’est à votre génie qu’il appartient de nous en donner une. » L’ex-abbé, satisfait, entre dans le complot de Brumaire et reçoit, après la victoire, le titre de deuxième consul provisoire. Il rédige alors, avec Antoine Boulay de La Meurthe, un projet de constitution... que le nouveau César s’empresse de remanier, transformant à son profit les dispositions prévues pour limiter les pouvoirs de l’exécutif.

La Constitution autoritaire de l’an VIII, telle qu’elle est présentée aux Français, ne peut évidemment plaire à Sieyès. Aigri, mécontent, le dogmatique personnage refuse pourtant d’avouer qu’il a été dupé. À titre de consolation, il se voit nommé président du Sénat (il démissionnera vite) et accepte même le magnifique domaine de Crosne. « Il a maintenant les mains liées », dit-on autour de lui. Pendant un temps, le nouveau maître de la France le fait surveiller, mais cette précaution est inutile. Sieyès n’ose même pas lancer un « non » lorsqu’on vote sur l’établissement de l’empire. Son existence se fait de plus en plus discrète. En 1809, cependant, il est nommé comte d’Empire par lettres patentes. Le « comte Sieyès » n’oserait sans doute plus affirmer que le tiers état, qui n’est toujours rien, devrait être tout...

En tout cas, son rôle politique est bien terminé. S’il est inscrit pendant les Cent-Jours sur la liste des pairs, il se voit exilé après Waterloo comme régicide. Il se retire alors à Bruxelles. La révolution de Juillet lui permettra de regagner Paris, où il mourra six ans plus tard, dans l’indifférence générale. (Acad. fr., 1803.)

A. M.-B.

 A. Neton, Sieyès d’après des documents inédits (Perrin, 1900). / P. Bastid, Sieyès et sa pensée (Hachette, 1939). / R. Zapperi, « Introduction » in E. Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers État ? (Droz, Genève, 1970).

sigillographie

Science auxiliaire de l’histoire consacrée à l’étude des sceaux.


On l’a aussi appelée « sphragistique ». Elle concerne principalement les sceaux du Moyen Âge, lesquels sont, à l’encontre de ceux de l’Antiquité, conservés eux-mêmes en grand nombre, et sur des actes dont ils font partie intégrante.

Le principe du sceau réalisé par empreinte est extrêmement ancien : il remonte au scarabée au ventre couvert d’hiéroglyphes et au cylindre-sceau à caractères cunéiformes de Mésopotamie*, lui-même postérieur à un sceau en segment de sphère. L’intaille antique (v. glyptique), portée en chaton de bague, servait à sceller, et le Moyen Âge a souvent récupéré les intailles pour les incorporer à ses sceaux, éventuellement en les entourant d’une légende. Il faut ici préciser le sens à donner au terme sceau : on entend d’ordinaire sous ce nom l’empreinte réalisée, le nom de sceau-matrice ou de sceau-type s’appliquant à l’instrument médiéval qui succède à l’anneau sigillaire de l’Antiquité classique et qui est ordinairement constitué par une plaque gravée en creux, pourvue d’un petit anneau ou d’une discrète poignée. Échappant aux conditions dimensionnelles de son prédécesseur, il peut s’épanouir et donner des empreintes dépassant à l’occasion 10 cm de diamètre. L’emploi du sceau devait se révéler d’une grande utilité à une époque où quantité de nobles pouvaient avouer ne pas savoir écrire : le sceau tenait lieu de signature, et la difficulté de l’imiter lui valait une plus grande confiance. La sigillographie, en tant que science, s’est développée très tardivement, les sceaux représentant un élément limité des actes. C’est une discipline satellite de la diplomatique. Au xixe s., elle a commencé à s’épanouir avec la naissance de collections de moulages. Les sceaux présentent un intérêt très divers, qui n’est pas sans parenté avec celui des monnaies.

L’usage du sceau, très limité au haut Moyen Âge, s’est répandu progressivement à travers les classes de la société. Au xiie s., il était le propre de la haute noblesse. Au xiiie s., il s’élargit, et bientôt on ne pensa plus à un « droit de scel » pouvant être considéré comme un privilège. Mais il arrivait que des gens de condition obscure faisaient, à leur sceau peu connu, adjoindre un sceau public pour en accroître la garantie. Toutes les personnes physiques ou morales étaient amenées à être pourvues de cet instrument nécessaire : ecclésiastiques de tout rang, même simples clercs, ordres religieux, bourgeois et artisans, municipalités et corporations et, bien entendu, juges, baillis et tous gens de loi.

Évidemment, les souverains étaient de grands utilisateurs. Le sceau royal était confié à la chancellerie. L’importance des actes d’État a fait conserver jusqu’à nos jours l’usage du sceau pour quelques actes solennels (traités), le sceau actuel datant de 1848. Le titre de garde des sceaux a persisté également. Autrefois, celui-ci conservait les sceaux en l’absence du chancelier (cancellarius, celui qui scelle). Il exista aussi un officier royal appelé chauffe-cire.

La cire était la matière ordinaire des sceaux. Les plus anciens sont faits d’une cire friable, fortement chargée pour la durcir, qui fut blanche à l’origine et dont la couleur a souvent viré au brun. Ce mélange de cire vierge, de poix et de craie a été remplacé à dater du xviie s. par une plus moderne cire à cacheter, ou cire d’Espagne, à base de gomme-laque. La couleur n’est pas sans signification. Les vieux sceaux royaux sont blancs. La cire jaune, naturelle, est aussi d’époque ancienne, en général. La cire rouge a eu un succès tout particulier tant auprès des souverains que du clergé, mais elle n’est pas antérieure au xiie s. En France, la chancellerie royale usait de diverses couleurs selon la destination et le caractère des documents. Le noir a été employé surtout par les ordres de chevalerie. Les laïques se partageaient, employant même, rarement, la cire bleue. On a fait aussi des mélanges. On a introduit des poils de barbe, ou enfoncé le pouce à l’avers du sceau, peut-être dans l’illusion d’y ajouter une garantie supplémentaire. D’autres sceaux furent métalliques : en ce cas, ils reçurent le nom de bulles, qui s’attacha aussi aux documents eux-mêmes. Les empereurs grecs et latins utilisèrent le plomb, d’autres souverains employèrent l’or, et très rarement l’argent ou le bronze. Dans ces cas, le sceau se trouvait, par nécessité matérielle, pendant, c’est-à-dire relié à la charte par un cordon de cuir, de soie ou un ruban de parchemin. Le sceau pendant de cire était souvent marqué sur son autre face d’un contre-sceau, souvent plus petit, orné de façon analogue. Il arrivait qu’on le préservât en l’enfermant dans une pochette ou une boîte. S’il n’était pas pendant, le sceau était plaqué sur le parchemin ou le papier. Il pouvait le traverser par un orifice, la cire débordant sur l’autre face recevant un contre-sceau. La forme des sceaux fut souvent ronde (sceaux royaux) ou ovale, ogivale, en navette (sceaux des ecclésiastiques, des dames, des universités). Les formes d’écus, de carrés, de triangles et autres ont toujours été rarissimes en France. Un élément essentiel est la légende, qui se déroule à la périphérie, comme sur les monnaies, et porte des formules typiques. Le tracé, l’orthographe fourmillent souvent de maladresses et d’incorrections.