Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sculpture (suite)

À la Renaissance, la civilisation et donc l’art se désacralisent dans une certaine mesure. Apparaît alors une sculpture vraiment profane, conçue pour le seul plaisir des yeux, pour la délectation des amateurs, pour le décor des demeures princières ou seigneuriales. Sculpture des fontaines, des jardins, des places publiques, des façades de palais, petite statuaire des collectionneurs, un art profane prend son essor qui connaîtra son plein épanouissement dans l’Europe monarchique, dans les grands parcs de Versailles* ou de la Granja. Art qui, pour fixer son répertoire, fait appel à l’Antiquité en effaçant la signification religieuse. Le Parnasse, la mythologie gréco-romaine fournissent leurs innombrables personnages et leurs fables merveilleuses. Au demeurant, n’y a-t-il pas là l’organisation d’un nouveau culte, le culte monarchique ? Plus près de nous, cette sculpture, au xviiie s., a tendance à s’amenuiser à l’échelle des demeures qu’elle agrémente. Le bas-relief devient gracieux pour rivaliser avec les fêtes galantes peintes. La petite statue, le petit groupe en biscuit répondent au goût pour les bibelots de collection.

Parallèlement se développe un art du portrait qui n’est plus lié à l’art funéraire, mais correspond à une société plus individualisée. C’est l’orgueil qui conduit les grands de ce monde et même les moins grands à commander aux artistes leur effigie peinte ou sculptée et ils ne craignent pas de s’afficher dans leur propre salon. Les bustes donc se multiplient, en marbre, en bronze, en terre cuite. La recherche de la ressemblance conduit à travailler d’après des moulages du masque humain, procédé déjà employé avec les masques funéraires. La sculpture rivalise donc avec la vie, car l’artiste anime le portrait d’un sourire, fait pétiller le regard au point que le modèle semble surpris dans un instantané ; et il s’y ajoute d’aventure un véritable approfondissement psychologique.

Certains vont plus loin et songent à faire bouger la sculpture pour compléter l’illusion. Le xviiie s. se complaît dans ces figures animées, ces automates, ces reliefs mis en mouvement par des systèmes hydrauliques. L’art n’y a pas gagné et d’ailleurs ne compte que pour une faible part dans ces jeux d’une société si pleine de vivacité.

Le portrait sous forme de statue, beaucoup plus rare, est réservé en général au souverain ou à un personnage important et public, que ce soit dans l’ancienne Égypte ou dans l’Europe moderne. C’est seulement à la fin du xviiie s. qu’avec la série des « grands hommes » le surintendant Charles Claude d’Angiviller donne la caution officielle au genre de la statue commémorative, genre différent de la statuaire funéraire, puisque seul le concept de gloire humaine, de services rendus à la communauté est en cause. On sait le succès de ce genre tout au long du xixe s. ; il assure alors vraiment à la sculpture sa raison d’être et aux sculpteurs leurs moyens d’existence ; il n’assure pas malheureusement la qualité de l’œuvre. Le monument aux morts, où l’individu disparaît au profit de l’anonymat de ceux qui « pieusement sont morts pour la patrie », est la dernière mutation de ce genre somme toute périlleux, surtout quand il sert de manifeste politique.

C’était déjà le cas pour le monument équestre, commémoratif lui aussi, porteur de la gloire d’un grand homme de guerre ou d’un monarque, et aussi de l’idée monarchique. Si les condottieri de la Renaissance italienne ont été l’occasion, en partant de l’exemple du Marc Aurèle retrouvé (Rome, place du Capitole), de renouveler ces grandioses entreprises de fonte du bronze, s’ils ont en général bien résisté, il n’en est pas de même des statues équestres des derniers rois de France, qui furent parmi les cibles privilégiées de la fureur révolutionnaire. Et le Pierre le Grand de Falconet ne doit son salut qu’au fait qu’il incarne le nationalisme russe, non renié par les Soviets.

Le portrait en bas relief, généralement encadré dans un médaillon, pour fréquent qu’il soit, fait partie du répertoire d’accessoires réservé à la sculpture funéraire. La médaille*, avec effigie souvent de profil, est bien une autre forme de portrait sculpté en bas relief, mais de très petite taille et ressortissant à un domaine spécifique qui a ses lois propres. Dans une certaine mesure, même sous forme de monnaie, il s’agit là encore de sculpture commémorative.

F. S.

➙ Outre les noms des sculpteurs célèbres, voir ceux des divers civilisations et pays et des grandes périodes de l’histoire de l’art.

 M. Hoffman, Sculpture inside and out (New York, 1939). / F. Goupil, Manuel général du modelage en bas relief et ronde bosse, du moulage et de la sculpture (Bornemann, 1949). / P. Francastel (sous la dir. de), les Sculpteurs célèbres (Mazenod, 1955). / H. E. Read, The Art of Sculpture (Londres, 1956 ; 2e éd., New York, 1961). / E. Panofsky. Tomb Sculpture (Londres, 1964). / L. Benoist, Histoire de la sculpture (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1965 ; 2e éd., 1973). / J. W. Mills, The Technique of Sculpture (New York, 1965). / H. D. Molesworth et P. Cannon Brookes, European Sculpture from Romanesque to Neoclassic (Londres, 1965 ; trad. fr. Histoire de la sculpture européenne de l’époque romane à Rodin, Somogy, 1969). / G. Bazin, le Monde de la sculpture, des origines à nos jours (Taillandier, 1972). / M. Rheims, la Sculpture au xixe siècle (A. M. G., 1972).


La sculpture du xxe siècle


Avant 1914 : Paris, les pionniers

Au début du siècle, l’exemple de Rodin* sert de fer de lance contre les académismes régnants. L’attraction qu’exerce son art, doublée par celle de Paris, qui fait alors figure de capitale mondiale des arts, multiplie ses disciples dans de nombreux pays. Bourdelle*, qui fut depuis 1893 l’un de ses plus proches collaborateurs, affirme à partir de 1910 sa propre personnalité en opposant à la « fluidité » du maître une force lyrique solidement construite, qui fait référence à l’art grec archaïque et à l’art roman. La puissance du Croate Ivan Meštrović (1883-1962) est d’une sève plus naturaliste. Quant à Maillol*, en reprenant sans cesse le même thème, il impose un type de beauté « méditerranéenne » qui permet la survivance d’un certain classicisme.