Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

scandinaves (littératures) (suite)

En Islande, cette époque est marquée par trois écrivains : Benedikt Gröndal (1826-1907), auteur de nouvelles humoristiques au style très peu conventionnel ; Steingrímur Þorsteinsson (S. Thorsteinsson, 1831-1913), dont nombre de poèmes paraissent dans la revue Ný félagsrit ; enfin le poète Matthías Jochumsson (1835-1920), qui rend le théâtre populaire en écrivant la première pièce digne de ce nom, les Proscrits (1862). Il convient de citer également Hjálmar Jónsson, dit Bólu-Hjálmar (1796-1875), qui pratique le genre des rimúr, le premier auteur réaliste islandais, suivi de Gestur Pálsson (1852-1891), brillant essayiste et nouvelliste d’une école réaliste éphémère, mais dont l’influence sera profonde.


De la fin du xixe s. à la Seconde Guerre mondiale

En Suède, le tournant du siècle est placé sous le signe de l’esthétisme et de l’exotisme, remis au goût du jour ; le symbolisme danois, le néo-romantisme norvégien marquent une nette réaction contre les tendances précédentes. Seule l’Islande voit se développer de concert lyrisme et naturalisme.

La Suède trouve en Verner von Heidenstam (1859-1940 ; prix Nobel en 1916) un auteur porté vers les glorieux moments du passé : des nouvelles, les Carolins (1897-98), dépeignent les campagnes de Charles XII ; deux romans, le Pèlerinage de sainte Brigitte (1901) et l’Arbre des Folkung (1905-1907), fouillent l’arrière-plan historique dans les détails ; le recueil de poèmes intitulé Un peuple (1899) exalte les vertus patriotiques. Gustaf Fröding (1860-1911) brise les cadres rigides de la poésie suédoise avec ses recueils Guitare et accordéon (1891) et Gouttes et fragments (1896) ; les mêmes tendances se retrouvent chez Erik Axel Karlfeldt (1864-1931 ; prix Nobel en 1931), célèbre pour ses Chansons de Fridolin (1898). Cependant, légendes et traditions revivent dans l’œuvre romantique de Selma Lagerlöf* (1858-1940 ; prix Nobel en 1909). Ses dons de conteur apparaissent dès la Saga de Gösta Berling (1891) et s’affermissent aussi bien dans ses nouvelles, comme les Liens invisibles (1894), que dans son plus célèbre ouvrage, le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson (1907). Selma Lagerlöf est aussi l’auteur de deux romans : les Miracles de l’antéchrist (1897) et Jérusalem (1901-02), qui ont respectivement pour sujet le socialisme et la religion. Deux écrivains occupent une place à part dans la littérature de cette époque, à mi-chemin entre le rationalisme et l’esthétisme : Hjalmar Söderberg (1869-1941), dont les romans les plus fameux sont la Jeunesse de Martin Birck (1901) et Docteur Glas (1905), et Bo Bergman (1869-1967), qui publie de nombreux recueils de poèmes.

L’éclosion du néo-romantisme en Norvège s’accompagne d’une mise à l’honneur de l’individu. Le théâtre est représenté par Gunnar Heiberg (1857-1929), dont les pièces sont chargées d’attaques souvent très âpres. En poésie, Nils Collett Vogt (1864-1937) exprime avec lyrisme son attachement à son pays natal, et Sigbjørn Obstfelder (1866-1900) marche sur les traces de l’école symboliste. Mais c’est surtout le roman qui l’emporte, grâce à Knut Hamsun* (1859-1952 ; prix Nobel en 1920). Le premier livre d’Hamsun, la Faim (1890), fait sensation par son apologie de la subjectivité. La plupart de ses romans (Mystères, 1892 ; Pan, 1894 ; les Fruits de la terre, 1917 ; Vagabonds, 1927) exaltent la vie à la campagne et la solitude, et condamnent la civilisation urbaine. La prose de ce romancier, musicale et colorée, abondant en descriptions et en symboles, est toute proche de la poésie. Au centre de l’œuvre de Hans Ernst Kinck (1865-1926) figure le thème de la lutte des classes bourgeoise et paysanne, repris en particulier dans son roman l’Avalanche (1918-19) et son grand poème épique, le Maquignon (1908). Cependant, Nils Kjær (1870-1924), brillant essayiste, donne la pleine mesure de son talent dans ses Épîtres.

Trois tendances se font sentir dans la littérature danoise. Un postnaturalisme pessimiste est représenté par Gustav Wied (1858-1914), humoriste amer, auteur du roman la Méchanceté humaine (1899) et de pièces satiriques. Un antinaturalisme caractérise les œuvres du romancier Harald Kidde (1878-1918) et celles d’un groupe de poètes lyriques : Johannes Jørgensen (1866-1956), porte-parole des « symbolistes » dans sa revue la Tour (1893-94) et dont la conversion au catholicisme imprègne les poèmes et les sept volumes autobiographiques de la Légende de ma vie (1916-1928) ; Viggo Stuckenberg (1863-1905), qui publie des contes (le Plantain, 1899) et des poèmes (Neige, 1901) ; enfin Helge Rode (1870-1937), poète et auteur dramatique porté vers les problèmes de la religion. Une troisième tendance se fait jour : le néo-réalisme. Knud Hjorø (1869-1931) produit des romans psychologiques (Verte Jeunesse et âmes grises, 1911). Jakob Knudsen (1858-1917) expose avant tout dans ses romans ses vues sur la morale chrétienne (le Vieux Pasteur, 1899). Deux auteurs se préoccupent de questions sociales : Jeppe Aakjær (1866-1930) prend la défense des ouvriers agricoles dans ses romans (le Fils du paysan, 1899), tandis qu’il évoque son Jylland natal dans ses recueils poétiques (les Chants du seigle, 1906) ; Martin Andersen Nexø* (1869-1954) voue son talent littéraire à la cause de la classe ouvrière et se tourne vers le communisme ; il publie nombre de nouvelles (Taupinières, 1922-1926), et deux romans lui valent la célébrité : Pelle le Conquérant (1906-1910) et Ditte, fille des hommes (1917-1921). Pour sa part, Johannes V. Jensen (1873-1950 ; prix Nobel en 1944) se plaît à décrire la vie de la région qui l’a vu naître dans ses Histoires du Himmerland (1898-1910). À côté du roman la Chute du roi (1901), véritable cycle de mythes, il écrit sous l’influence du darwinisme le Long Voyage (1908-1922), dont les six volumes retracent l’évolution de l’humanité de la préhistoire à la découverte de l’Amérique.

En Islande, les tendances littéraires se côtoient. Le poète Þorsteinn (Thorsteinn) Erlingsson (1858-1914), réaliste et romantique à la fois, prêche le socialisme et la libre pensée. Einar Hjörleifsson Kvaran (1859-1938), réaliste, et Jón Trausti (1873-1918), néoréaliste, contribuent à l’essor du roman islandais. Mais les hommes de proue de cette époque sont deux poètes : Stephan G. Stephansson (1853-1927), dont les vers (Insomnies) abordent tous les problèmes de son temps et fourmillent de vues originales, et Einar Benediktsson (1864-1940), le plus grand des néo-romantiques, dont la poésie, difficile, est restée malgré tout populaire.

Dans les trente ou quarante premières années du xxe s., tout vient à être remis en cause.